Dans l'esprit du soldat, une ville comme Hermesis devait avoir son lot de messagers à plumes pour communiquer avec l'extérieur. Difficile en effet de faire porter la moindre missive à cheval ou autre animal à deux ou quatre pattes étant donné que le crabe géant était en perpétuel mouvement. En toute logique, la voix des airs semblait la plus adaptée à cette ville. Restait à savoir s'il avait vu juste. Hochant la tête à deux reprises pour approuver les propos de son épouse, Archélas enfila sa chemise en plus du pantalon de son ensemble de chat, la boutonna à peine et fila dans le couloir en prenant grand soin de bien refermer derrière lui. Il hésita une courte seconde devant la porte, se demandant s'il ne devrait pas plutôt monter la garde, craignant tout à coup qu'on lui vole ses enfants ou sa femme... Puis, jugeant l'idée ridicule dans un éclair de lucidité, il descendit dans la grande salle, pieds nus.
L'aubergiste quitta aussitôt son comptoir pour se précipiter vers lui, à la fois inquiète et ravie.
« Oh ! Monsieur Ages ! Est-ce que tout va bien ? Vous avez besoin d'autre chose ?
_ Merci, oui, tout va bien. Répondit le soldat dans le désordre.
Est-ce que vous auriez quelques chemises de nuit de rechange pour mon épouse ? J'aurai du linge à vous confier également, et s'il est possible d'emporter un repas froid dans la chambre... Oh... et d'envoyer un message.
_ Oh oui oui, bien sûr ! Vous n'aurez qu'à jeter votre linge sale dans un panier, ma fille va vous en monter un. Nina ne veut plus s'occuper de vous, je ne sais pas trop pourquoi. Je vous prépare des vêtements propres ne vous en faites pas. Ah, attendez ! J'ai quelques restes si vous voulez. Ce sera cadeau, chuchota-t-elle tout à coup,
je ne ressers jamais les restes d'habitude. C'est très bon même froid, mais les clients sont si pointilleux. Je vous donne ça tout de suite, venez venez ! »En un claquement de doigts, elle fit venir sa fille qui trottina jusqu'à elle avec son éternel air timide, puis lui ordonna de monter le linge et le panier à l'étage. Elle entraîna ensuite Archélas jusqu'à la cuisine et lui colla un plateau entre les mains tandis qu'elle se mettait à ramasser ce qui traînait ça et là.
« Du blanc de volaille, vous allez voir c'est excellent avec une bonne mayonnaise. Quelques œufs de caille. Ah ! Une salade de pommes de terre avec une petite vinaigrette... Ah, Arah ! Tu veux bien noter le message de monsieur Ages et l'envoyer par Flabo s'il te plaît ? »Elle déposa également une grande carafe d'eau et deux verres sur le plateau, considérant que les deux amants mangeraient dans le plat, et avec les doigts. Archélas dicta son message à l'intention de sa belle-mère, et remercia Arah qui repartit en courant.
« Oh ! Mon roti de porc ! Il en reste une belle moitié regardez. D'habitude c'est mon fils qui le mange, mais ça ne lui fera pas de mal de faire un petit régime ! » Gloussa-t-elle alors qu'il venait de tourner le dos.
Ce qui fit sourire Archélas. Si l'aubergiste était grassouillette, son fils en revanche était plutôt fin et il ne voyait pas trop où était son intérêt à faire un régime... De belles clémentines se retrouvèrent sur le plateau qui devenait incroyablement lourd, puis tous deux sortirent par la porte de service et se rendirent à l'étage aussi discrètement que possible. L'aubergiste ouvrit simplement la porte de la chambre et Archélas s'occupa du reste. Il déposa son plateau sur la table de chevet et s'attarda à observer Ceithli aussi profondément endormie que ses enfants. Sans bruit, il alla déposer leurs vêtements sales dans le panier posée devant leur porte. Il croisa la fille de l'aubergiste qui lui tendit quelques vêtements propres et s'amusa de la voir rougir jusqu'aux oreilles lorsqu'il la remercia. Puis il retourna à l'intérieur et s'allongea près de son épouse pour s'endormir presque aussitôt.
Il ne rouvrit les yeux que le lendemain aux aurores, lorsqu'un bruit sec et répété vint secouer les volets. Une seconde plus tard à peine, ses enfants se réveillaient à leur tour et se mettaient à hurler, le faisant grimacer. Attrapant celui des deux qu'il jugea être Thaliaa - zut, ce n'était vraiment pas facile à déterminer maintenant qu'ils avaient leurs langes - il la berça tout en se dirigeant vers la fenêtre dont il tira les rideaux, et haussa les sourcils en découvrant...
« Matsya...? »Elle portait avec elle la lettre que lui avait envoyée Ceithli et semblait assez mécontente de découvrir que la jeune femme était arrivée avant elle ! Et pour couronner le tout, Archélas n'avait rien à lui donner... mis à part une brève caresse qu'il failli regretter lorsque l'oiseau menaça de lui dévorer la main. Préférant rejoindre son épouse, il revint s'asseoir sur le lit et fit l'échange d'enfants, s'appliquant une nouvelle fois à changer les langes de Soukha... ce qui failli le tuer tant ce qui l'y attendait sentait mauvais !
« Ma chérie... Se risqua-t-il au bout d'un moment.
J'aimerai vraiment rester avec toi tu sais... mais... Shell va probablement venir me chercher pour finir la mission. Je suis désolé. Je fais au plus vite, je te promets. J'ai fait envoyer un message à ta mère hier, et je m'occuperai de mon père tout à l'heure. Matsya est là, elle connaît le chemin. »Il soupira. Non, il n'avait pas très envie de retourner en mission... Mais c'était son métier, et la vie qu'il s'était choisie.
La suite :
Celle-là, on s'y attendait pas !