Messages recopiés depuis l'ancien forum
Précédemment : L'auberge du Moulin à Paroles.
Leif Ylwa :
Alrik :
Précédemment : Un chaperon inopportun.
Archélas Ages :
Leif Ylwa :
Leif Ylwa :
- Lorsque Leif quitta l’auberge du Moulin à paroles, il souriait, et ce malgré la crise de son ânesse Luune. Cette dernière avait d’abord essayé de s’échapper de sa stalle, puis enlevé trois fois de suite son tapis de selle pour empêcher son cavalier de l’harnacher et avait fini par partir au grand galop au moment où Leif s’était hissé sur son dos.
Il avait évité de justesse une chute sur la route pavée et se félicitait pour l’instant de son habilité en cheminant vers l’Abbaye de St-Illidàn. Le saltimbanque comptait y faire brûler un cierge pour remercier Alrik de la bonne fortune qui l’avait guidé jusqu’à la petite auberge où la soirée lui avait rapporté suffisamment d’argent pour se rendre à Guttenvald. Leif n’aimait pas trop le froid et il voulait passer l’hiver dans le Sud, espérant aussi revoir cet ancien soldat qui lui avait parlé d’une forêt maudite. La même qui, la veille, lui avait offert l’attention des clients de l’auberge : un auditoire passionné est le rêve que tout les saltimbanques partagent.
Leif parvint finalement devant l’abbaye, un immense bâtiment de pierres sombres hérissées de flèches. La présence d’Alrik était presque palpable et le ménestrel hésita à entrer, il n’était pas très pratiquant et le courroux divin était connu pour s’abattre sur les mauvais croyants. Le jeune homme attacha sa monture sous un abri prévu à cet effet et passa la porte toujours ouverte.
L’obscurité soudaine des lieux le surpris, il parvint tout de même à tâtons jusqu’à un autel dans une alcôve où se consumaient plusieurs grosses bougies parfumées. Leif déposa deux piécettes dans une boîte, prit un cierge dans la réserve, l’alluma sur une flammèche et le posa sur l’autel avant de s’agenouiller pour prier.
Le ménestrel allait partir quand il aperçut une grande silhouette sombre appuyée contre une colonne dont l’ombre lui cachait le visage.
Alrik :
- Un sourire s'était dessiné sur le visage du jeune homme aux cheveux cuivrés. Il trouvait particulièrement hypocrite cette habitude qu'avaient les hommes à se « payer » sa bénédiction. En réalité, tous semblaient croire que parce qu'ils lui vouaient une foi aveugle, parce qu'ils passaient leurs journées à prier avec conviction, ils méritaient plus qu'un autre l'affection de leur Infinitude. Que nenni !
Alrik n'intervenait que lorsque cela l'amusait ou représentait une promesse d'amusement. Tenez, prenez la jeune Ciara par exemple. Des années enfermées au très célèbre « dispensaire des Âmes égarées » et à y apprendre la soumission et le silence. Qu'en avait-elle retenu du culte d'Alrik ? De la colère, du mépris pour cette foi imposée. La jeune fille était devenue le contraire de ce qui avait été prévu au départ et son âme s'était plus égarée au contact des prêtres tyranniques que si elle avait été livrée à elle-même.
Pourtant, c'est à elle qu'Alrik avait choisit de s'intéresser. Ce jour là, l'amusement avait été savoureux. Les prêtres les plus dévoués à sa cause avaient pâli de jalousie de voir leur Infinitude se pencher sur le cas de la moins pieuse d'entre eux...
Un petit gloussement lui échappa, tandis que ses regards luisants fixaient la flamme allumée par Leif. Doucement, il quitta la colonne contre laquelle il s'était appuyé et se dirigea à pas déterminés droit sur le jeune Saltimbanque, sans faire mine de ralentir son allure. Puis, lorsqu'il arriva à quelques pas à peine de Leif, son corps sembla aspiré par les rais de lumière dardant des vitraux. La poussière en suspension brilla et il disparu tout à fait, s'évaporant silencieusement dans l'atmosphère tamisée de l'Abbaye.
Les cloches sonnèrent neuf heures.
Précédemment : Un chaperon inopportun.
Archélas Ages :
- ... et leur écho résonna quelque temps dans la Nef avant de laisser place au silence.
Archélas venait d'entrer et ses pas sur le marbre clair provoquèrent un faible chuchotement. Il était toujours pieds-nus et en civil, la chemise de flanelle blanche prêtée la veille se découpant dans l'obscurité de l'Abbaye. À peine jeta-t-il un coup d'œil à Leif, plus intéressé par les cierges qu'autre chose. Les siens brûlaient toujours paresseusement, courtes flammes sur un petit morceau de cire bien consumé. Mais cela lui suffisait et il sourit, satisfait que ces espoirs ne se soient pas éteint durant la nuit.
Un peu plus loin, les prêtres réapparaissaient, sortant de derrière les alcôves comme des sorciers obscurs et mystérieux. Ils avaient tant à faire, pressés par un emploi du temps minuté. Parfois, le jeune capitaine avait bien du mal à comprendre ce que pouvaient bien faire tout ces hommes de leurs journées. Enfin, bon... à part prier ? Il était vrai que la bâtisse nécessitait de l'entretien et peut-être aussi s'adonnaient-ils à des occupations qu'il ignorait. Après tout, lui était soldat et n'y connaissait pas grand chose en prêtrise et toutes ces choses là. Comme on disait : « chacun son métier ».
Il passa distraitement une main dans ses cheveux et les secoua, sa manière à lui de les coiffer. Puis il s'avança vers les bancs, passant devant Leif sans un regard et fit un signe à une jeune nonne occupée à remplacer les fleurs de l'autel. Elle lui sourit et tous deux se retirèrent dans une pièce à l'écart de la grande salle dont elle ressortit presque aussitôt avant de se remettre à la tâche. Quelques minutes plus tard, Archélas ressortait en tenue de soldat. Ses vêtements étaient propres et secs. Sa Rapière avait retrouvé sa place à sa ceinture, ses poignets de force et surtout, sa veille cape élimée qui dissimulait son identité lorsqu'il la portait.
Un moment, il se demanda si la jeune femme trouvée mourante dans le Phoenix Royal était toujours en vie, étonné de ne pas l'entendre hurler comme elle l'avait fait la veille. De nouveau, il avait fait un signe et un prêtre avait disparu dans la salle attenante, sans doute dans le but d'aller s'enquérir de l'état de santé de Selena. En attendant son retour, le jeune capitaine alla s'asseoir sur l'un des bancs, vides à cette heure.
Leif Ylwa :
- Alors que le son des cloches s’était éteint depuis de longues minutes déjà et le jeune Leif se trouvait toujours paralysé devant l’autel, le souffle court et n’osant croire à ce qu’il venait de voir. Une petite vieille aigrie le poussa en marmottant contre l’irrespect des jeunes, le sortant ainsi de sa stupeur. Le saltimbanque refusait de croire à un simple trouble de son esprit, un tel mirage ne pouvait être que l’œuvre divine du grand Alrik. D’autant plus qu’il se trouvait dans l’une des principales abbayes du pays. Leif eut alors l’idée de retenter l’expérience, il acheta une nouvelle bougie et se remit à prier au grand agacement de la vieillarde. Lorsqu’il se redressa, l’espoir du jeune homme disparut aussi vite qu’un voleur devant une escouade de garde. Rien, il n’y avait absolument rien.
Hébété, Leif quitta l’alcôve et se dirigea vers les bancs de la nef centrale. Lui qui ne priait que rarement il se promit d’accomplir plus souvent ce rituel simple ! Restait à savoir pourquoi un tel événement lui était arrivé à lui et pas à ce jeune prêtre ou à ce soldat assis non loin. Le saltimbanque s’assit également sur un banc pour faire le point sur cette improbable apparition. Il n’en eut pas le temps.
Surgissant soudain dans un véritable tintamarre de braiment et de claquement de sabots, Luune fit son apparition. Sa robe dorée nimbée par la lumière extérieur, l’ânesse semblait tout droit sortir d’un conte et Leif crut à une nouvelle manifestation divine. Il se ravisa aussitôt en voyant son paquetage traîné à demi dans la poussière par sa monture et la grande jument noire toute harnachée qui la suivait. Alors qu’un groupe de nonnes poussait des cris outrés, Leif se précipita vers sa monture affolée. Il lui saisit la bride et commença à lui parlait pour la calmer tout en se rapprochant de la jument déjà apaisée qu’il attrapa également. Le ménestrel était plus dubitatif que honteux du comportement de l’ânesse, Luune était irascible, mais pas anxieuse et il lui fallait beaucoup pour l’effrayer. Leif remarqua alors que les lanières retenant ses instruments de musiques sur le dos de sa compagne avait cassées. Elles étaient pourtant presque neuves.