Il faisait toujours aussi frais, et je risquais vraiment l'engelure si je restais trop longtemps sans rien faire. La pire des choses qui pouvait m'arriver était de tomber dans l'inconscience, et de mourir simplement de froid. Bien entendu, je doutais fortement que la jeune plante me laisserait ainsi périr, surtout qu'il y avait du monde aux alentours, mais si j'avais confiance en Belladona, ce n'était pas le cas pour ceux qui étaient arrivés ensuite. Les gens étaient doués pour ne penser qu'à leur petite personne, se fichant bien de ce qu'il pourrait advenir d'autrui, et ce même si cela se passait sous leurs yeux. Ils voyaient très bien ce qu'il se passait, mais ils n'y prêtaient pas la moindre attention. Il serait même plus judicieux de dire qu'ils se persuadaient que tout allait bien, cela afin de protéger le confort dans lequel ils vivent. L'être humain est fait ainsi, aussi il est sans doute peu probable que je pourrais un jour faire confiance à l'un d'entre eux. La raison d'un tel sentiment en mon fort intérieur ? Je devais admettre que je n'étais pas capable de le déterminer, comme si il s'agissait d'un résidu de mon ancienne existence, et ce malgré que je ne possédais pas la moindre once de souvenir de celle-ci. Mais j'avais toutefois mes raisons de continuer de penser ainsi, il me suffisait tout bonnement de fermer les yeux et de revoir défiler dans ma tête des images de mon ancienne vie, et cela ne donnait pas réellement envie d'y retourner tant elle était sombre. Et puis, il me suffisait de jeter un simple coup d'œil en direction des personnes qui se trouvaient là : ceux qui semblaient être les mieux vêtus du lot ▬ce n'était pas bien difficile de les différencier, leur couverture étaient un peu plus stylisées, comme si ils ne supportaient pas l'idée d'avoir les même que tout le monde ou que quelqu'un est pût s'en servir avant▬ n'accordaient réellement aucune importance à notre existence. Belladona était une Picaris, un être selon eux nuisibles et tout juste utile à servir d'engrais, tandis que moi j'étais un simple chien de faïence tout juste bon à servir de chair à canon. Ils se pensaient supérieur à nous, mais d'un simple geste de la main je pourrais leur ôter la vie si je le désirais, je n'avais qu'à leur transpercer le cœur… Eux ne seraient jamais capable de faire ça, obligés de recourir à des forces extérieurs pour espérer me réduire au silence. Dans de telles conditions, je me demandais qui était vraiment supérieur à qui… Mais de mon point de vue, personne ne l'était réellement, nous étions simplement des êtres vivants, alors autant chercher à cohabiter. Malheureusement, ce ne serait pas moi qui irait faire le premier pas, ce ne serait que me prendre une claque monumentale en étant inconsidéré.
Un souffle glacial venait alors me caresser le visage, m'arrachant de ces pensées obscures qui contrastaient parfaitement avec la blancheur de cet endroit. Au final, je commençais un peu à apprécier cette neige, elle était d'une pureté sans pareille, et nous étions tous en train de la souiller de notre présence en ces lieux. Aucun d'entre nous n'aurait jamais dû se trouver ici, que ce soit moi, celle qui était contre moi, ou même encore les deux personnes qui s'approchaient de nous… Je soupirais doucement, une fumée se dissipant peu à peu dans l'air devant moi. J'avais fais en sorte que nous soyons un peu à l'écart justement pour éviter que quelqu'un s'approche, mais il semblerait que cela n'avait pas été réellement utile. Enfin, ils avaient autant le droit d'être ici que nous, aussi je n'allais pas les chasser, et puis peut-être est-ce que je les jugeais trop hâtivement. J'étais toutefois surpris de voir que la femme s'adressait à Belladona, qui visiblement répondait en semblant la connaitre. J'aurais aimé pensé qu'ils n'étaient donc pas mauvais, mais j'avais encore besoin de me faire ma propre opinion, car les notions de bien et de mal chez la jeune plante n'étaient peut-être pas les même que chez moi. Toutefois, lorsqu'elle me désigna comme étant son « amoureux », je pouvais sentir le sang me monter au visage, si bien que j'avais l'impression que celui-ci était chaud et qu'il aurait même pût dégager de la fumée tant la température était basse… Parfois, elle avait vraiment le don de me mettre dans l'embarras.
Mais je me levais rapidement lorsqu'elle me tendit la main, faisant bien attention à ce que ma compagne soit rapidement couverte dans la mesure où je savais qu'une telle fraicheur n'était pas bon pour elle. Dans mon cas… je m'en fichais pas mal. Mon corps était gelé, mais j'étais parfaitement capable de surmonter cette épreuve. Et si je me trompais… je ferais malgré tout en sorte d'y parvenir. De plus je ne comptais pas rester éternellement ainsi, mais je préférais me présenter comme il se doit, et ce même si j'imaginais que ces gens étaient suffisamment compréhensif pour accepter ma décision si j'avais voulu rester au chaud. J'amenais donc ma main à ma bouche, mordant simplement au niveau de mon ongle afin de saisir le tissu de mon gant droit et de tirer durement dessus afin de libérer ce membre. Ils avaient alors sans doute pût voir mes canines, et j'aurais parfaitement pût comprendre qu'ils trouvaient cela effrayant, que je n'étais qu'un monstre… Mais pour le moment, je venais saisir cette main.
« Comme Belladona l'a dit, je m'appelle Vilal. » Étrangement, ma voix n'était pas si détachée que je le pensais. En réalité, il y avait presque une certaine assurance dans celle-ci, comme si j'essayais de me montrer comme étant le plus sociable possible. « Vilal vaen Octanis pour être exacte, mais le début suffira. »
A chacun de mes mots, un écran de fumée se formait devant moi à cause du froid, mais cela ne m'empêchait pas d'observer avec une attention toute particulière la personne qui se trouvait devant moi. Je savais bien qu'elle ne disparaitrait jamais de mon esprit, et pourtant mes pupilles d'or la fixait comme si j'essayais de la percer à jour. Ses yeux étaient d'un noir profond, presque désagréable dans la mesure où l'on ne pouvait même pas savoir dans quelle direction elle était en train de regarder. Elle paraissait être assez sportive à en juger apparence, du moins de ce que je pouvais en voir au travers du bras qu'elle avait tendue vers moi. La seule certitude que j'avais été quelle n'était pas grande, ou bien peut-être est-ce que c'était moi qui l'était de trop ? Je relâchais alors mon étreinte sur sa main, n'ayant même pas vraiment remarqué que ma main c'était crispée sur la sienne. Est-ce que c'était le froid ? Ou bien plus simplement car j'étais constamment en train de prouver mon existence par la force ? Au final, je détachais mon regard d'elle, me décalant sur le côté afin de me placer juste devant l'autre individu. Physiquement, il était suffisamment fort pour que je me rende compte qu'il n'était pas une petite frappe comme j'avais pût en voir jusque là. Un soldat ? Ou bien alors un simple adapte de la musculation ? Sans plus attendre, je tendais alors ma main dans sa direction, la politesse étant de rigueur si il s'agissait bien là d'amis de Belladona. Il faudrait d'ailleurs que je pense à cocher d'un stylo la case « théoriquement non-nuisible » dans ma tête, car je ne pouvais m'empêcher de rester sur mes gardes. Je lui laissais alors le choix de me saisir de ma main ou non alors que je le jugeais à son tour du regard.
Assez corpulent je disais. Il n'avait pas l'air non plus de venir d'un milieu très civilisé, mais je n'avais absolument rien contre ça. Après tout, le jour où je m'étais réveillé je ne portais pas de vêtements susceptible d'appartenir à la Basse-Ville, et même actuellement ce n'était pas le cas. Il serait donc logique qu'ils pensent que j'étais du même milieu qu'eux, pourtant j'avais l'étrange conviction que je n'étais pas de leur monde… même si il me semblait toutefois être connu. En fin de compte, j'avais réellement la sensation de n'appartenir à aucun monde, d'être tel un paria recherchant le but de sa propre existence. C'était… sans doute le cas.
Finalement, je retournais m'asseoir près de Belladona, passant un bras par dessus ses épaules pour la ramener contre moi alors que de mon autre main je rabattais la couverture sur nous. C'était quand même bien mieux que de rester à l'air libre, bien qu'il faisait encore trop froid pour le moment. Paraitrait-il que la laine d'Euther permet de se protéger du froid ? Pourtant cela ne nous empêchait pas de le ressentir, et je me demandais donc si il s'agissait là de publicité mensongère ou si cela avait simplement ses limites. Il serait intéressant d'étudier jusqu'à combien de degré elle permet de résister, mais je n'avais nul le temps ni l'utilité de faire une telle chose que quelqu'un avait déjà dû penser avant moi. C'est alors que la demoiselle à mes côtés me demanda si je ne voulais pas mettre un peu de cette huile… ou devrais-je plutôt dire qu'elle me l'ordonnait presque. Mais… une sensation dégoût me traversa l'esprit à cet instant. Me recouvrir le corps ne serait-ce que d'une seule goutte de cette substance me répugnait, et ce sans que je ne sache réellement pourquoi. J'avais toujours aimé me laver, aussi j'en venais donc à la conclusion que je détestais simplement ce qui pouvait me sâlir, et en l'occurence ce produit n'avait rien de vraiment attrayant.
« Je… » Cherchais mes mots ? C'est ce que je pensais vraiment, mais il fallait bien que je lui dise quelque chose. « Je ne sais pas pourquoi, ou plutôt plus pourquoi, mais je n'aime pas ce qui est gras… »
A peine avais-je dis cela que dans ma tête une image venait tout juste d'apparaître, un peu comme une vision. C'était la deuxième fois que cela m'arrivait alors que j'étais réveillé, mais cette fois-ci c'était beaucoup trop flou. J'image d'un homme bien trop en chair pour que cela soit sain, tentant d'abuser d'une personne qui me ressemblait mais étant de sexe féminin. Pendant cette brêve seconde où j'avais entrevu ma sœur, ma pupille c'était rétractée, me donnant l'allure d'un prédateur, puis elle était revenue à la « normale », beaucoup plus dilatée. Est-ce que… c'était pour cette raison ? Cela me parassait tellement stupide que je ne pouvais même pas imaginer que cela soit aussi simple. Peut-être que mon double était intervenu uniquement dans l'optique de se moquer de moi, mais je ne voyais là dedans rien d'amusant. Finalement, je ne savais pas pourquoi, et je maudissais ce cerveau qui me semblait parfois être aussi gros qu'une clémentine, alors que d'autrefois aussi imposant qu'une pastéque…