Démétrien accusa un mouvement de surprise lorsque Ceithli se jeta dans ses bras. Incapable de bouger pendant une seconde, il fini par se décider à lui tapoter l'épaule en espérant que cette marque d'affection lui conviendrait. À sa décharge, ce n'était pas tous les jours qu'il se retrouvait avec une bru pendue à son cou ! Et s'il s'était toujours étonné des élans de tendresse de Ceithli ou même de Sofiaa envers Euthalie, y être confronté lui-même ne l'aidait pas à se sentir plus à l'aise. Après plus de trente ans de vie commune avec son épouse, il réalisait qu'il n'avait jamais cédé son affection que pour sa femme...
À qui allait-il la donner à présent ?
« Eh ! Relève-toi ! Tu gène le passage ! » Gronda-t-il à l'attention de son fils lamentablement assis sur le pavé.
Soulagé de se voir débarrassé de l'étreinte un peu trop embarrassante de sa belle-fille, il releva Archélas d'une poigne affermie, se gardant bien de faire preuve de la moindre compassion. Se donner en spectacle en pleine rue, très peu pour lui ! De son côté, Archélas les regardait tous les deux comme s'il ne les reconnaissait pas, totalement perdu. C'est donc sans la moindre résistance qu'il se laissa hisser sur le dos d'Anarion et reconduire jusque chez lui où il atterrit dans un fauteuil sans avoir compris comment. Lorsqu'il retrouva un semblant de conscience, émergeant de son état de choc, son père l'observait depuis le fauteuil lui faisant face, et Ceithli avait diparu. Son premier réflexe fut de s'en alarmer.
« Ceithli...?
_ Dans l'autre pièce, partie te chercher un remontant. »Archélas le regarda un instant sans comprendre, mais sa compagne revenant déjà avec les verres, il se contenta de prendre le sien et d'y plonger son regard comme s'il y cherchait quelque chose de vital. Démétrien se leva alors et marcha jusqu'à une fenêtre. Tournant le dos aux deux jeunes gens, il fixa les pré un long moment avant de se retourner, vérifiant l'état d’émergence de son fils. Dans ce genre de situation, ça avait toujours été Euthalie qui s'était occupée de rassurer son soldat. Lui, Démétrien Ages, n'avait su faire ce genre de choses que lorsqu'il avait encore à faire à un petit garçon, mais tout s'était compliqué quand il avait grandit. Moins proches, plus souvent en conflits... Le père n'avait plus jamais su rassurer ou réconforter son fils...
Retranché derrière sa posture rogue, il sembla réfléchir un court instant avant de se décider à briser le silence.
« Merci pour les verres. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de le faire boire vu qu'il n'a jamais su tenir l'alcool... mais dans son état de toute façon, on ne risque plus grand chose. Goûtant à son verre, il s'avança aussi prudemment que s'il craignait de voir son fils s'enfuir à son approche.
Ça va mieux ?
_ Oui... Mentit Archélas d'une voix éteinte.
_ Bien. Désignant le fauteuil qu'il avait délaissé, il invita Ceithli à s'asseoir d'un geste presque autoritaire.
Tout le monde n'a pas encore reçu la lettre. Nous sommes les premiers parce que... c'est la pâtissière qui a reconnu ta mère. Et... Il hésita, but encore une gorgée comme pour se donner courage, et reprit.
Elle est en vie, tu sais. Mais Fléau a pris son âme alors... elle... elle semble dormir. Ils disent qu'elle ne survivra pas plus de quelques jours dans cet état...
_ Elle est vivante ?
_ Je viens de te le dire ! Pour l'instant, oui. Ne te fais pas d'illusion, tous ceux dont l'âme a été emportée par Fléau finissent par mourir. Tu le sais. »Mais Archélas secoua la tête. Avalant le contenu de son verre d'une seule traite, il dû mettre son poing devant sa bouche et fermer les yeux pour encaisser la brûlure de l'alcool. Les paroles de son père - pourtant volontairement abruptes et pessimistes - avaient suffit à le remettre sur les rails. Euthalie était vivante, et c'était tout ce qui comptait !
« Je veux l'emmener avec moi à la Basse-Ville !
_ Je te demande pardon ?
_ Je veux l'emmener papa. Ils sauront peut-être comment faire pour la garder en vie, le temps... le temps...
_ Le temps que quoi ? Le temps que tu ailles demander à Fléau s'il veut bien te rendre son âme ? Ne sois pas ridicule !
_ Ce n'est pas ridicule !!! S'écria alors Archélas en se levant d'un bond.
Je ne vais pas la laisser mourir ici sous prétexte que tu baisse les bras ! Peut-être que ça ne marchera pas, mais j'aurai essayé !
_ En un ou deux jours ?
_ MERDE !!! Hurla le soldat en guise de réponse, faisant sursauter son père qui failli en lâcher son verre sur le coup.
Tu n'as qu'à rester ici et passer tes journées à organiser les funérailles si tu y tiens !!! Moi je préfère essayer de l'aider !!! »Les yeux écarquillés, Démétrien regarda son soldat de fils disparaître dans la chambre. D'après les bruits qu'il entendit, il le devina préparer un paquetage et ne sut plus trop quoi faire... jusqu'à ce que l'entêtement désespéré de son propre rejeton ne finisse de le contaminer. Finissant son verre, il alla le poser sur la tablette de la cheminée avant de se tourner vers Ceithli.
« Je vous l'avais dit qu'il ne tenait pas l'alcool... » Fit-il d'un ton presque affligé.