« Bonne nuit... »
La fin de sa phrase s’effondra dans un bâillement. Le mélange de la tisane l'avait tellement assommé qu'il n'eut que le temps de déposer d'un geste lourd la tasse sur la table de nuit et d'investir l'espace personnel de Vrass avant de s'endormir, un sourire absent sur les lèvres. Il n'y avait aucun doute que les ronflements du tatoueur ne le dérangeraient pas ; en fait il était très probable que seul une explosion nucléaire soit en mesure de le sortir de son sommeil de bienheureux. Mais vu la façon dont il s'était blotti contre lui, avait-il le droit de se plaindre ? Difficile de respirer normalement avec le poids de Benedikt sur sa poitrine destinée apparemment à servir l'oreiller, tout comme la grande partie du reste de son corps !
Il allait pourtant bientôt faire jour quand le botaniste se réveilla brusquement. La douleur surprit tellement Benedikt qu'il se mit à pleurer sans pouvoir se retenir. Allongé sur le dos, il attendit quelques minutes avant de se redresser, passant sa main dans son dos pour attraper ce qui restait d'une de ses ailes. Et presque sans hésitation, tira dessus jusqu'à l'arracher. Ce fut assez facile à faire pour être surprenant, mais il s'aperçut alors que la deuxième n'était déjà plus là. Voilà donc d'où venait l'océan de morceaux irisés qui craquaient sous ses mouvements. Le botaniste baissa les yeux sur celui qu'il tenait encore dans la main et qui ne devait pas faire plus de quinze centimètres, avant de l'écraser dans son poing en sentant un nouvel élancement circuler à travers ses omoplates.
Il avait toujours l'impression de les sentir dans son dos ; était-ce ce dont le Doc parlait ? Benedikt n'avait pas remarqué les minuscules ailes vouées à remplacer les anciennes et qui ne faisait encore que quelques centimètres. Pour l'instant, il n'osait pas vraiment toucher sa peau, ni vraiment bouger de peur d'avoir encore plus mal. Heureusement la douleur semblait diminuer doucement à présent, comme si elle avait déjà atteint son maximum quelques minutes auparavant et décidait de le laisser enfin tranquille. Le botaniste s'était éloigné dans son sommeil de Vrass et dû étendre le bras pour prendre doucement son poignet.
« Vr-r-rass ? » chuchota-t-il en espérant qu'il ne paniquerait pas trop en le voyant. L'expression inquiète qu'il avait affiché durant toute une partie de la journée précédente n'était pas du goût du botaniste. Il tenta de calmer sa respiration coupée et attendit qu'il se réveille pour continuer. « Je vais bien, t'inquiètes pas, mais... heu... je... »
Bonne question, pourquoi le réveillait-il ? Quelque part, Benedikt avait eu peur pendant quelques instants et son premier réflexe avait été de vouloir prévenir le tatoueur. Et maintenant, il devait avouer qu'il était plus rassurant de savoir que Vrass était en mesure de l'aider si besoin, juste de le temps de savoir ce qu'il se passerait dans quelques minutes. Le botaniste fronça le nez en accordéon, il détestait clairement ne pas être au courant de ce qu'il lui arrivait.
« Mes ailes sont... tombées. »