J'avais regardée l'aubergiste donner ces espèces de friandises à la jeune plante, ma main qui ne tenait pas Belladona restant crispée sous ma cape, ainsi personne ne pouvait la voir. Non pas que je n'avais pas confiance en cette femme, mais plutôt que j'étais méfiant vis-à-vis de tout le monde dès que l'on s'approchait un peu trop de ma compagne. Ce n'était pas de la jalousie, mais simplement de la prévention, et je préférais nettement prévenir que guérir. Et puis si en soit il y avait peu de chance que l'aubergiste soit dangereuse, il y avait un peu trop de monde dans cette salle pour que je relâche ma garde, aussi ce n'était pas forcément pour elle que je restais à l'affût, mais plutôt de manière bien plus générale…
Après avoir remerciés cette femme, nous étions partis au travers de la capitale, et je restais toujours autant sur mes gardes, faisant bien attention à ce que Belladona reste le plus près possible de moi, aussi bien pour la rassurer que pour m'assurer de sa sécurité. Est-ce que j'étais paranoïaque ? Je dirais plutôt que la différence dérangeait un peu trop, et que n'importe qui pourrait essayer de chasser la belle plante uniquement parce qu'elle n'était pas humaine. Dans le même ordre d'idée, l'on devrait normalement me chercher des noises dans la mesure où je ne l'étais pas non plus : après tout j'étais un Orphe, une création des Dieux de ce monde, et il y aurait méprise de me considérer comme un être humain. Je soupirais alors doucement, nous venions juste d'arriver à bon port, et je regardais cette construction qui me paraissait bien simpliste… Comment un simple puit pouvait-il exaucer l'un de mes souhaits ? J'étais bien trop terre-à-terre pour croire que cela marcherait vraiment, mais comme je n'étais pas à un Ore près, je décidais finalement de m'approcher, gardant toujours la jeune plante auprès de moi. Saisissant une pièce de ma poche, je ne savais pas si il y avait une manière bien particulière de la lancer, si je devais la mettre dans le seau et la faire descendre, ou si je devais simplement la laisser tomber… Cela m'agaçait presque, aussi je décidais finalement de suivre une vieille tradition humaine, soit me retourner et jeter la pièce de dos.
« J'aimerais rencontrer quelqu'un qui me connait. »
J'aurais très bien pût formuler quelque chose de beaucoup plus précis, comme savoir qui j'étais, mais c'était un vœu beaucoup trop vague selon moi. Si je devais recevoir tous les souvenirs de mon passé d'un seul coup, nul doute que je risquais d'avoir quelques problèmes cérébrales, aussi je préférais en apprendre peu à peu à mon sujet sans risquer de passer par la phase migraine.
J'étais donc en train de regarder autour de nous, ne sachant pas si j'allais rencontrer quelqu'un dans l'instant, si il allait sortir du puit, tomber du ciel, ou quoi que ce soit d'autre. En réalité, je n'espérais même pas vraiment que cela se réalise : c'était selon moi un mensonge que l'on faisait croire aux gosses ou aux ivrognes, car si cela marchait vraiment il suffisait simplement de jeter un Ore pour en demander mille de plus. Un bref soupir s'extirpait de mes lèvres, puis je reportais mon attention sur Belladona. J'aurais mieux fait de dépenser cet argent pour lui faire plaisir, aussi je caressais délicatement sa joue avant de la serrer contre moi…