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Chemin faisant, Hétep vagabondait doucement sur le fil de ses pensées. Il se demandait parfois comment leur peuple avait pu atteindre l'oasis avec si peu de pertes compte tenu des nombreux périls auxquels ils n'avaient jamais été préparés. Si encore aujourd'hui les plus jeunes se laissaient prendre aux pièges qu'ils connaissaient pourtant, alors qu'en avait-il été de ceux qu'ils furent autrefois, insouciants du désert et de ses dangers ? Il leva la tête, interrogeant les Infinitudes du regard, si elles l'observaient, de là-haut. Le ciel était particulièrement dégagé, d'un bleu si profond qu'il en était presque noir et seules les étoiles brillaient encore, comme des millions de nacres jetées au firmament. Les deux lunes achevaient leur dernier quartier et n'affichaient plus qu'un mince croissant aux yeux de qui les observait, minuscule être dans ce si grand désert.
Par trois fois, le convoi du faire halte. Alertés par les Ohimes les plus agiles qui soit et qui cheminaient devant, placides et attentifs, ils interrompait leur vie un court instant. La raison en était qu'un Raana avait été repéré, non loin, enfoui quelque part sous ce voile ocre et mouvant. Puis, au bout de quelques longues minutes, ils faisaient signe que le danger était passé et les hommes se remettaient en marche, le pas allant et le visage reposé. La nuit, fraîche, bien plus adaptée à une expédition que la journée durant laquelle le désert devenait une véritable fournaise. À y repenser, Hétep lança un regard en direction d'Antmosis, mais se garda bien de prononcer le moindre mot. Mieux valait ne pas encourager l'énergumène à ouvrir la bouche, on ne savait jamais trop quelle remarque agaçante en sortirait et le chef des armées n'était pas tellement d'humeur à souffrir la moindre réflexion déplacée.
À ses côtés, les Meph Djynn chevauchaient silencieusement et leurs montures jetaient des regards réprobateurs en direction du Demi-Dieu, effrayés qu'ils étaient par la créature qu'il chevauchait. Lettfeti, d'humeur singulièrement placide pour une fois, Griffon puissant et plus caractériel encore que Hétep lui-même. Ses serres s'enfonçaient mollement dans le sable mais, loin de se décourager, il partait à l'assaut de chaque dune avec une aisance assez étonnante, les gravissant comme un dauphin se sert des vagues comme d'autant de tremplins à ses cabrioles. Arrivé au sommet, il penchait la tête et observait le lointain horizon, comme Hétep sur son dos, puis se laissait dégringoler dans les creux de cette houle de sable en secouant parfois ses grandes ailes puissantes. Chaque fois que le convoi venait à bout d'une dune, il se rapprochait des étranges bâtiments de métal qui luisaient doucement à la lueur blafarde des lunes timides. Et lorsqu'ils furent enfin arrivé, Hétep mit pied à terre, laissant Lettfeti s'ébrouer et jouer à inquiéter les chevaux.
« Est-ce bien ici, Antmosis, que vous l'avez trouvée ? Montrez-moi où. » Ordonna-t-il avec un calme qui l'étonna lui-même.