Il avait tout simplement souhaité l'aider même si elle paraissait être à l'aise avec les mensonges. La prochaine fois qu'elle le solliciterait, elle pourrait toujours attendre. Et plus elle parlait pour – rattraper – sa bêtise, plus la haine montait en lui. Heureusement pour chacun, il savait se contenir, mais au fond il bouillonnait de colère. Pour qui se prenait-elle pour le faire passer pour un idiot ? Même s'il avait réussi à se contenir jusque là, il lui aurait volontiers fait avaler ses jolies dents bien blanches. Mais s'il le faisait, il allait détruire le peu de chance qu'ils avaient de s'en tirer. C'est en faisant un effort surhumain qu'il continuait de fixer, le regard vide, le paysage qui défilait par la fenêtre. Alors même que son visage était serein, il avait mal aux dents tant il serrait sa mâchoire, peut-être pouvait-on les entendre grincer si on tendait bien l'oreille.
Elle lui proposa un chocolat chaud. Il lui adressa un sourire digne du plus beau des ahuris.
« Mais j'aime le chocolat chaud, il se tourna vers le couple, au revoir. »
Lorsqu'ils quittèrent la cabine Pimprenelle le devança et lui fit la morale la première. Le comble de tous les combles ! Comme si son intervention les avait sauvé de la situation. Elle aurait tenu, pour une fois, sa langue de vipère dans sa bouche n'aurait fait aucun mal, au contraire ! Mais sa colère ne s'était pas atténué et elle ne faisait rien pour que cela ne se produisit. Il la poussa contre le mur avec colère.
« Ecoute gamine, t'aime peut-être me faire passer pour un con, mais je suis loin de l'être ! Je n'aurai aucun scrupule à t’assommer et à te laisser mourir dans les soutes à bagages ! Tu te prends peut-être pour une petite princesse mais ça prend pas avec moi ! Je n'aurai pas tant besoin de toi je... »
Il se tut conscient qu'il en avait trop dit. Il eut peur de l'avoir effrayé, même s'il lui en fallait certainement plus que ça pour l'intimider, mais sait-on jamais un homme tatoué de la sorte pouvait peut-être faire peur. Et il lui avait dévoilé le fait qu'elle lui était utile et ça, ça ne faisait pas partie de son plan. Le contrôleur arriva dès lors, ne laissant aucune chance à Antiphane de se ressaisir ou même à Pimprenelle de répliquer. Apparemment il n'était pas encore passé...
Elle osa lui demander de l'aide... ou comme elle le disait si bien « dire n'importe quoi ». Soit ! C'était là une douce vengeance qui pouvait les mener tous deux à leur perte, mais il prit le risque. Il prit le ton d'un illuminé et dit au contrôleur qui leur avait déjà réclamé leurs tickets.
« Pimprenelle est notre prêtresse à tous ! » Pour plus d'effet il leva les bras. « Elle est notre guide, sa parole est d'or, ses pas sont le chemin menant à la vérité ! »
Il aurait pu continuer, en dire des plus belles, mais il décida de ne pas pousser le bouchon un peu trop loin.
« Notre mission est des plus importantes et l'ordre divin ne vit pas d'ores, nous vivons de la charité de tous, mais surtout de chacun. Des personnes tel que vous nous aident à progresser vers la vérité ! »
Le contrôleur avait pris du recul comme s'il craignait de se faire frapper à tout instant. Il rivalisa avec Antiphane dans le domaine du regard le plus ahuri, mais il gagna de loin. Il bafouilla quelques mots et ils purent saisir – en résumé – qu'il ne voulait pas contrarier les divinités, car il redoutait le fléau. Il continua sa route oubliant de réclamer le billet des autres passagers. Pimprenelle pouvait être heureuse, Antiphane l'avait écouté et avait dit n'importe quoi.
Après cela, Antiphane se sentait doublement apaisé.