Décidément, Pentagruel ne regretta pas d'avoir refusé l'accord qui lui avait été proposé quand il se fit menacer par l'individu. Désormais, il était certain d'avoir fait le bon choix sans avoir le moindre regret. Parfois le refus permettait d'en apprendre un peu plus sur les gens, selon leur réaction et la manière dont il l'acceptait.
Il n'eut néanmoins pas le loisir de répliquer ou même de tenter quoique ce soit, car le corps de Kalavati s'effondra à même le sol, sans que le vieil homme ne cherche à la rattraper. Il avait bien trop de ressentiment envers elle pour lui venir en aide pour le moment, qu'elle soit responsable ou pas. Elle semblait s'être de nouveau évanouie, ce qui n'était pas une si mauvaise chose après les menaces qu'elle avait proféré. D'ailleurs, il commença à partir quand il l'entendit parler à nouveau, il s'arrêta, remarquant que sa voix était redevenue comme avant. Il se retourna, lui portant un regard interrogateur et la vit complètement désorientée.
Il fit demi-tour et alla la rejoindre. Il s'abaissa à sa hauteur, faisant au passage craquer ses vieilles articulations qui supportaient de moins en moins bien ces quelques efforts pourtant pas bien méchants.
« Si j'étais vous, je ne poserais pas de questions bêtes... » Il haussa les sourcils comme un grand-père savait si bien le faire lorsqu'il répondait à une question idiote de son petit-fils. « Partons d'ici, je crois que vos recherches ne sont plus nécessaires désormais ! »
Il se releva, lui faisant comprendre qu'il était temps d'en faire de même, mais sans lui offrir une main secourable. Non pas pour l'ignorer, mais son âge ne lui permettait plus de porter autant d'assistance. D'un geste vif de la main, il lui fit comprendre qu'elle devait se lever plutôt que de rester au sol comme un vulgaire animal malade que tout le monde regardait, mais que personne n'osait secourir.
La bibliothécaire qui jusqu'alors était restée à distance, s'approchait peureusement, mais plus sereinement maintenant que Kalavati était revenue à elle. Mais avant qu'elle ne pose la moindre question, Pentagruel intervient.
« Nous répétions simplement une scène et nous apprenons à nous mettre dans la peau de nos personnages en les jouant non pas sur scène, mais dans la vraie vie. » Commença-t-il devant le regard perplexe de la pauvre femme. « Vous voyez ? Ne faisons ainsi véritablement face aux réactions, ce qui nous permet de réagir comme nos personnages l'auraient fait. »
La bibliothécaire ouvrit la bouche sans que le moindre son n'en sorte. Puis elle hocha la tête en souriant, trouvant certainement cette idée fort brillante. Elle leva dès lors les mains pour commencer à applaudir, comme on applaudissait les prouesses des acteurs, mais Pentagruel l'interrompit, trouvant déjà la situation déjà bien ridicule.
« Réservez les applaudissements pour la scène ma bonne dame ! » Expliqua-t-il avec sagesse.
Il se tourna à nouveau vers Kalavati et d'un signe de tête lui fit comprendre qu'ils devaient s'en aller. Ainsi, il alla jusqu'à la sortie, le cœur battant à tout rompre. Mais quelle drôle de situation ! Encore jamais auparavant il avait du inventer un tel mensonge pour se sortir d'une situation aussi grotesque. Voilà qu'il comprenait maintenant d'où provenait les excuses plus inventives les unes que les autres de son petit-fils.