
Enarys fini par s'arrêter et finalement vint aider Philéas, en proie à une grande douleur. Elle le rabâcha un bon coup pour qu'il se taise avant de le soigner. Avec des gestes rapides, elle lui fit une sorte de bandage minimal. Si le bouc avait été dans son état normal, il aurait apprécié la vue qu'il avait sur la jeune femme, alors qu'elle était penchée sur lui pour le soigner. Seulement, il ne remarqua même pas qu'elle était dans une position avantageuse, trop obnibulé par la douleur qui lui ravageait l'épaule.
Une fois qu'elle lui eut pansé la blessure, il se calma un peu, mordant dans le morceau de tissu qu'elle lui avait mis entre les dents. La douleur était toujours vive, mais s'était légèrement calmée. Ou alors il s'était en quelques sortes habitué, qui sait ? Elle lui demanda son nom et lui retira la morceau le tissu. Il lui répondit avec un petit sourire, difficile à discerner de l'expression de souffrance qui lui occupait le visage : "Philéas, je m'appelle Philéas." Il aurait voulu continuer la conversation, voyant là une façon de se rapprocher d'elle, mais il était totalement vidé de ses forces, et puis elle enchaîna assez vite. Ils allaient à Aspasie, pour le soigner.
Alors qu'elle l'aida à remonter sur Tasha, qui le regardait d'un air inquiet, il la remercia d'une petite voix. Enfin, ils repartirent. Le reste de la nuit fut très douloureux, et assez étrange. Avachi sur Tasha, et à moitié endormi, Philéas fut peu à peu gagné par une fièvre tenace. Son esprit était embrumé, tant par la douleur que par la fièvre et bientôt, il se mit à voir des choses qui n'existaient pas, et à entendre des bruits irrationnels. Il gémit, enfonça sa main dans les poils du maneki. Mais il avait perdu la notion d’espace, et de temps, et ne se souvenait plus vraiment où il était. Il s'imaginait qu'il était au beau milieu de la forêt, à cause du vent, mais allongé sur une épaisse peau de bête. Puisque le maneki courait, l'Orphe était balloté, et il pensait que le sol de la forêt était secoué par une petit tremblement de terre. Il avait toujours eu peur des tremblements de terre, et il n'était pas rassuré. Il poussa quelques petits cris, annonçant d'une voix inintelligible à qui voulait bien l'entendre que la terre allait craquer, et qu'ils allaient tomber dans ses profondeurs. La douleur était toujours là, et par moment plus forte que jamais. La nuit fut un véritable cauchemar pour lui, et cela ne s'arrêta que lorsqu'il perdit connaissance, à l'aube.
Il passa quelques heures après l'aube à dormir, puis fut réveillé quand ils arrivèrent à proximité d'Aspasie. Lorsqu'il émergea, ils longeaient le Larme, qui coulait tranquillement. Le soleil s'était déjà levé et brillait sur l'herbe. Devant lui, il pouvait voir Enarys, perchée sur son Lissam. Elle était toujours aussi droite, mais ses épaules étaient légèrement voûtées : elle était sûrement fatiguée. Encore trop faible pour parler, le bouc se laissa guider le long du fleuve. Bientôt ils entrèrent dans Aspasie par le nord, et Philéas se redressa, non sans mal, sur le dos de Tasha. La douleur le lança dans l'épaule, mais elle était moins vive que pendant la nuit, et surtout supportable. "Bonjour, Enarys...", dit-il d'une petite voix. Puis il donna un léger coup dans le flanc du maneki pour que celui-ci aille à la hauteur de la winghox. Il ne se souvenait pas vraiment de la nuit qu'il venait de passer, mais il lui restait des souvenirs de quand il avait été touché par la flèche, et se sentait un peu honteux d'avoir agi comme un enfant devant elle. Il ne savait pas vraiment quoi lui dire, aussi se contenta-t-il seulement de lui dire : "Merci beaucoup pour hier..."







