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Lorsque le train s'ébranla, Archélas jeta un regard coupable par la fenêtre, observant d'une mine presque désespérée sa jument qui broutait seule au milieu des plaines. Pas une seule fois en dix ans il ne s'en était séparé. Vraiment séparé. Mais il ne pouvait pas l'emmener en mer et devait se résoudre à la laisser ici. Il reviendrait ou bien elle le retrouverait si cette médaille fonctionnait comme Sayah le lui avait expliqué, mais en attendant il avait l'horrible sentiment de l'abandonner, de la trahir, de la délaisser... et il s'en voulait. Le paysage se mit à défiler de plus en plus vite. Nemesis fut bientôt hors de vue. Il ferma les yeux.
Ce fut la grosse dame poudrée qui réveilla Archélas en se levant. Il s'était si profondément endormit qu'il n'avait même pas sentit le train ralentir et s'arrêter en gare de Balaïne, et papillonna des yeux un instant avant de se demander où il était. Le mari et son épouse n'étaient plus là et seule la femme rondelette remuait dans la cabine, à tenter de se faufiler entre les genoux du capitaine qui avait quelque peu glissé et la banquette opposée. D'après ses mouvements, elle semblait effrayée à l'idée même d'effleurer le soldat. Crainte de le mettre de mauvaise humeur ou de se salir, allez savoir. Il se redressa afin de lui laisser libre le passage et s'étira mollement, les épaules un peu engourdies mais le corps un peu mieux reposé. Ceithli dormait recroquevillée sur son sac et il se leva pour lui secouer doucement l'épaule. Par la fenêtre, il pu voir le quai tout aussi bondé qu'à Aspasie, et le balai agité des passagers qui descendaient mêlés à ceux qui voulaient monter. Quelques hommes à la carrure impressionnante qu'Archélas reconnu comme les alliés préférés de Manôlis de Balaïne mettaient de l'ordre en donnant de la voix. Plus loin, les remparts extérieurs dissimulaient la ville aux regards indiscrets.
Entraînant Ceithli à l'extérieur, Archélas se hâta vers la ville, jouant une nouvelle fois des coudes pour se frayer un chemin entre les passagers. Ils durent marcher un bon quart d'heure pour atteindre les grandes portes.
« D'après les ordres de notre Roi le Hart Nacré ne part que demain, mais j'aimerai tout de même vérifier que Chaemil ne m'ait pas doublé. Expliqua-t-il en filant tout droit vers le port. Et si tout se passe effectivement comme prévu, alors nous aurons notre après-midi et la matinée de demain de libre. »
Ils bifurquèrent à plusieurs ruelles comme si le soldat avait toujours vécu à Balaïne. Le fait étant qu'il connaissait plutôt bien les villes pour y avoir effectué quelques missions. Le village portuaire n'avait pas tellement changé ces dernières années. Il se retourna vers Ceithli et lui fit un sourire lorsque le port se dessina sous leurs yeux. Il n'était pas certain qu'elle ait déjà vu la mer, alors il avait envie de voir sa réaction devant cette étendue d'eau infinie, même si depuis le bout de la rue des embruns, les digues leur barraient la vue sur l'horizon.
Alors, verdict ?