par Belladona » 14 Fév 2011, 10:04
La jeune picari resta quelques secondes sans bouger, elle eut l'impression que sa sève s'accélérait d'un coup dans son organisme lorsque l'orphe la souleva, elle s'accrocha alors un peu plus à son cou même si elle savait bien au fond d'elle qu'il ne la laisserait pas tomber. Elle écoutait avec attention ce qu'il disait, ça ressemblait un peu à ce que disait Fleïana à propos de l'amour, du fait que ça se passe dans le coeur, mais que même si elle n'en avait pas, elle pouvait aimer quand même... probablement alors qu'elle parlait de ce coeur dans la tête, elle aussi...
Lorsqu'il la posa sur le lit, elle se pinçait toujours les lèvres, essayant d'assimiler les informations, et pencha la tête sur le côté
« Donc... quand on dit qu'on a un coeur, ça peut aussi bien dire qu'on a un coeur dans notre poitrine qui bat, mais ça peut aussi vouloir dire qu'on est gentil et qu'on ne veut pas de mal aux gens? Mais on fait comment pour savoir duquel on parle? C'est pas facile quand on emploie le même mot pour dire des choses différentes! »
Certes, le fait d'avoir un coeur dans la poitrine est quelque chose de normal, donc il est peut probable que les gens mentionnent le coeur physique lorsqu'ils en parlent. Le cerveau de la picari se mettait un peu à chauffer, mais il lui semblait comprendre... elle essayait de se souvenir à quel moment on lui avait réellement parlé du coeur, dans le sens de l'organe, et dans ses souvenirs, c'était que lorsqu'il s'agissait de termes en rapport avec la médecine ou alors lorsqu'il était accompagné des mots "battre", ou "poitrine", et dans tous les autres cas, ça faisait plutôt référence aux sentiments. Petit à petit dans ses propres raisonnements, la différence se dessinait dans sa tête
« Je crois comprendre... lorsqu'on parle du coeur physique, c'est pour dire ce qu'il fait! S'il est malade, s'il bat vite, s'il fait mal tout ça! Mais sinon après, si on en parle, c'est pour mettre en avant des sentiments qu'on éprouve!! C'est ça? »
Ses yeux d'or se mirent à briller en fixant Vilal, espérant avoir enfin compris quelque chose presque toute seule... elle avait une main devant sa bouche, comme si elle voulait se mordre le doigt pour le cas où elle aurait dit une bêtise. Elle finit par faire une petite moue en réfléchissant
« Moi quand j'ai peur, ma sève circule plus vite dans mon organisme... mon amie m'a dit que je devais faire attention à cette sensation quand ça m'arrive, car ça peut peut être vouloir aussi exprimer d'autres sentiments, mais elle n'en est pas sure, je suis la seule picari qu'elle connaisse alors... »
Donc elle n'était pas sure que ce soit le cas, d'un autre côté, la morphe n'était probablement pas sure que la picari puisse réellement éprouver des sentiments amoureux. Dans la mesure où pour les plantes, il n'y a pas de parade de séduction pour la reproduction contrairement aux mammifères, il était possible que cette particularité ne fasse pas encore partie de son évolution. Mais dans la mesure où la plante semblait vraiment s'être liée d'amitié avec l'antilope, elle estimait qu'il était probable qu'elle puisse ressentir de l'attachement et de l'affection, voire de l'amour également.
Au final, elle ne savait pas ce qu'elle pouvait ressentir ou non, elle fixait Vilal droit dans les yeux, elle aurait aimé savoir, elle avait tellement de questions en elle, mais elle ne pouvait assimiler toutes les réponses d'un coup. Elle devait aussi y aller doucement pour bien comprendre, et elle était contente car il était vraiment gentil avec elle et qu'il lui expliquait tout, et avec de bons mots en plus pour qu'elle comprenne. Ses doigts passèrent à nouveau sur les sillons séchés de ses larmes
« Et... tu m'as dit que tu pleurais pas parce que tu es triste... on peut donc pleurer pour d'autres raisons? Je croyais que les larmes, c'était toujours mauvais, qu'on pleurait soit parce qu'on avait mal, qu'on était triste ou même en colère... »
Elle ne pouvait pas pleurer, elle n'avait pas de glandes lacrymales pour ça et son corps n'était pas fait pour rejeter de l'eau, il fallait qu'il le garde car c'était l'essence même de sa vie, bien plus que pour les mammifères.
Ses lianes jouaient sur la main de l'orphe posée sur son ventre, gigotant d'elles mêmes comme si elle cherchait éventuellement une plaie à soigner, tout en se nourrissant également des petites particules de terre et de transpiration sur sa peau, après tout, une plante recherche toujours les nutriments dont elle se nourrit, ça devait surement le chatouiller un peu. Sa cage thoracique ne se soulevait pas au rythme d'une quelconque respiration puisqu'elle n'avait pas de poumon, mais il devait sentir la sève circuler en elle et l'oxygène circuler aussi de lui-même dans son corps pour qu'elle le rejète par ses lèvres. C'était un mouvement continu, parfaitement régulier sans intervalle, probablement difficile à expliquer pour quelqu'un dont la respiration est un acte inconscient, d'autant qu'elle n'était pas spécialement consciente non plus de ce qu'il se passait dans son corps et de ce qui la différencie des humains.
Elle sourit à Vilal tout en posant ses mains sur la sienne sur son ventre. Elle se demandait pourquoi il aimait tellement la toucher alors que son corps ne produisait pas de chaleur. Elle se pinça les lèvres, la question allait être au bord de ses lèvres lorsqu'elle se mit à battre des cils et transpirer... hors, pour une plante, ce n'était jamais bon signe lorsqu'elle transpirait.
Avec la terreur de la ville, elle avait puisé plus vite dans ses réserves, et la ville étant assez sombre et couverte, elle n'avait pas trop pu bénéficier du soleil, trop d'émotions en elle, elle ne se sentait pas bien. Sa peau commençait également à pâlir pour virer au brun, comme si elle était tout d'un coup en train de s'assécher... elle se leva d'un seul coup, manquant de le faire basculer en arrière et se précipita dans la salle de bain, utilisant ses dernières forces pour appuyer de nouveau sur la fontaine et remplir un bac d'eau avant d'y plonger ses cheveux.. les couleurs revenaient un peu, mais pas complètement... elle chercha Vilal du regard qui l'avait suivi, visiblement inquiet, elle semblait suffoquer et se tourna vers lui avec des yeux implorants
« Je... je dois sortir, prendre le soleil... je manque... de lumière... »
Il fallait qu'elle sorte... juste quelques minutes, mais qu'elle sorte...