Benedikt plissa le nez, complètement éblouis par les rayons du soleil. Il fallut plusieurs secondes pour que ses yeux bleus se réhabituent à la luminosité ; comparé au tunnel à peine éclairé dans lequel ils circulaient quelques minutes auparavant, il n’y avait pas de plus grand contraste. Le botaniste tenait encore bêtement la torche qui leur avait servi à se guider, mais hésitait à la jeter parce qu’il y avait encore le feuneton qui l’avait suivi dedans. Si bien qu’il la planta dans le sable. Au moins, elle ne risquait plus de s’éteindre, ça c’était sûr.
Pendant ce temps-là, après s’être un peu étonné de l’endroit où elle venait d’atterrir, Lacrima venait de baisser les deux sur un éclat brillant au sol. Benedikt suivi son regard et s’approcha de l’objet inconnu précautionneusement. Heureusement, il ne s’agissait que d’un vieux coffre, de toutes évidences. Enfin… Avec Sayah, il fallait toujours attention. Aussi le petit botaniste, même si le coffre n’avait aucune clé ni réelle fermeture, l’ouvrit comme si un tigre était à l’intérieur. Lorsqu’il en découvrit le contenu, il se sentit du coup un peu bête. Il n’y avait qu’un petit paquet en papier kraft qui renfermait deux vernidors venant de chez l’antiquaire. On avait vu plus effrayant et dangereux ! Benedikt lança l’un des deux à sa compagnon d'infortune et s’assit sur le sol brûlant en boudant un peu.
« C’est pour ça qu’on fait les guerriers, hé bien ! » grommela-t-il, et il débouchonna le bouchon du flacon qu’il avait dans les mains pour passer le pinceau du vernis pour son pouce. Benedikt souffla dessus pour le faire sécher, même si avec la chaleur, c’était du plus inutile. La couleur était des plus étranges, un grand mélange qui n’arrivait pas à se décider, et le botaniste devait avouer qu’il avait beau ne pas se sentir triste, il ne se sentait sûrement pas si joyeux non plus.
« C’est du vernis qui change de couleurs en fonction de ton humeur. Je connais ça, je l’ai vu dans le catalogue de la boutique de l’antiquaire. » déclara-t-il à Lacrima. Il lui tendit son flacon.
« Je te donne le mien si tu veux, moi j’en ai pas trop l’utilité ! »C’était sûr que s’il le ramenait à la maison, ça allait finir au fond d’un tiroir pour toujours. Même Iza, la morphe chienne qui vivait avec Vrass et lui, n’irait jamais à mettre du vernis sur ses ongles alors qu’elle préférait rester sous forme canine, et que l’esthétique de sa forme humaine lui passait tout à fait au-dessus. Benedikt observa son pouce et le tripota pour vérifier que le vernis dessus avait séché. C’était fait proprement, mais il fallait dire que le botaniste avait beaucoup d’entrainement.
« Hé, je n’ai pas perdu la main ! » déclara-t-il à la jeune femme, tout fier de lui, avant de s’expliquer :
« J’ai fait ça souvent pour des filles, ça m’a permis de demander pas mal de petites faveurs en échange ! »À l’orphelinat, les adolescentes étaient bien trop désargentées pour se payer un luxe pareil, mais dans le bordel où il avait travaillé, le but était d’avoir l’air coquet, alors la plupart des filles là-bas passait leur temps à se rendre mignonnes à défaut de pouvoir faire quoique ce soit d’autres. Si bien que le petit botaniste en connaissait un rayon en ce qui concernait le laçage de corset et le maquillage. Il se releva en soupirant légèrement. Tout ça n’allait pas les sortir d’ici, en revanche. Il fit quelques pas au hasard, regardant l’horizon désespérément sableux et vide.
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Benedikt va en D2.