Les conversations entre Till et Benedikt ne me concernaient pas vraiment. Bien qu'ils parlaient plus ou moins de moins, mais peu importe. J'attendais juste que le botaniste ait fini pour récupérer le mini plan et filer vers notre rendez-vous. J'avais mis un blouson en jean et un pantalon en toile souple de type militaire avec pleins de poches, c'est sur que ça me donnait un côté mauvais garçon, mais je n'avais pas eu envie de me mettre sur mon 31 non plus pour ça.
Une fois sur place, je fronçais légèrement du nez en voyant la décoration, le truc qui met clairement mal à l'aise selon moi, un peu trop chic peut être avec une pointe de simplicité qui semblait vouloir dire "faites comme chez vous mais n'oubliez pas que vous êtes chez moi".
Bref, je m'installais sur une chaise et j'attrapais un magazine en attendant, et je fus surpris de voir un article me concernant... c'était un vieux numéro et il parlait justement de ma prestation pour le titre de Héros de Nideyle... on me l'a viré depuis tiens ce statut... à cause de ce qu'il s'est passé à Aspasie.
Bref, on nous appelait et je me levais pour entrer dans le bureau, lorsqu'elle demandait si on voulait boire quelque chose, j'acceptais un café puis je m'installais sur le canapé à côté de Benedikt.
Pour le moment, je n'étais pas spécialement mal à l'aise, en réalité, j'avais l'impression de ne rien ressentir, comme si je savais au fond que cet entretien ne mènerait à rien. Je ne savais pas trop. Je regardais la psy d'un air sérieux, comme si j'essayais moi-même de l'analyser avant qu'elle ne pose des questions, puis elle s'adressa à Benedikt et je haussais des épaules concernant le tutoiement.
«Faites comme vous voulez... faut qu'on vous tutoie aussi?»
- «En général, mes patients ne le font pas... mais si ça vous aide à vous sentir mieux, n'hésite pas» - je haussais une nouvelle fois des épaules avant qu'elle ne se tourne vers Benedikt pour savoir la raison de notre venue. Elle leva rapidement les mains lorsqu'il annonça de but en blanc le problème, avec un léger sourire qui se voulait surement rassurant, elle nous regarda à tour de rôle
«D'accord, je vois. On va y aller petit pas, par petit pas. Vrass? Ton avis sur la question?»
- «Je suppose que vous connaissez ma réputation. Déjà me retrouver en couple depuis plusieurs mois tient du miracle, mais en prime sans relation sexuelle, c'est carrément inconcevable quand on me connaît. Et depuis quelques temps, j'ai l'impression que quelque chose ne va pas chez moi.» - pareil, comme Benedikt, j'y allais franco et la femme me regarda quelques instants avant de commencer à prendre des notes
«D'accord. Bon, on va y aller tranquillement. Il va falloir qu'on retrace le chemin de votre couple, chacun de votre point de vue. Pour aujourd'hui, vous allez chacun me raconter votre rencontre, les petits détails qui vous ont plu l'un chez l'autre, ce genre de choses. Et selon le temps qu'il va nous rester, on avancera un peu. Mais je ne vous cache pas que lorsqu'il y a un blocage comme celui la, il peut falloir plusieurs séances...»
- «Genre combien?»
- «Je ne peux pas le dire tant qu'on a pas discuté un peu. Mais j'ai l'impression qu'il y a deux blocages à régler et non un seul, Vrass. De toute évidence, tu es bien plus perturbé par tout ça que tu ne veux l'admettre, et si on ne règle pas le problème, je crains que tu finisses par craquer.»
Je haussais un sourcil d'abord avant de soupirer en me renfrognant un peu...au fond oui, je m'en doutais.
«Il est probable que de temps en temps, je doive vous voir séparément. Au final, il semble qu'il y ait trois problèmes ici. Un pour Benedikt, un pour Vrass, et un pour votre couple»
- «Vous avez déduit ça juste là avec deux phrases?» - elle eut un sourire et hocha de la tête
- «Souvent, les premiers mots déterminent beaucoup plus qu'on ne le croit le fond du problème...»
Je prenais une profonde inspiration puis je me penchais pour attraper ma tasse de café.
«Bon, ben on commence par quoi alors? Notre rencontre c'est ça?»
- «Oui... mais j'aimerais que ce soit Benedikt qui commence. Il a besoin de se mettre à l'aise. Visiblement Vrass, parler de toi ne semble pas te poser de problème.»
- «Je n'ai rien à cacher.» - ou presque. Et à croire que le léger regard que j'avais eu, ou plutôt le fait que j'avais brièvement détourné les yeux à ce moment là avait mis la puce à l'oreille de la psy, car elle me regarda avec un drôle d'air, les yeux légèrement plissés
- «Tant mieux. Nous verrons cela lorsque nous ne serons que tous les deux. Pour l'heure, nous allons nous concentrer sur des moments où vous étiez systématiquement tous les deux, donc pas de surprise. Benedikt?»
Je laissais donc Benedikt parler le premier. Surtout que notre première rencontre était assez folklo, je m'étais fait tirer dessus, il avait fallu aller chez le Doc pour me soigner... limite un scénario de film. De temps en temps, elle me demandait de raconter ma vision des choses, chaque fois que Benedikt hésitait sur des détails un peu trop intimes, elle se tournait vers moi pour voir si je me hasardais à donner ces détails. C'était assez étrange comme sensation, mais une fois la première séance terminée, elle arracha la feuille de son carnet et la plaça dans un dossier avec un léger sourire.
«D'accord... je ne vous cache pas qu'il y aura du boulot pour tous les deux. Et contrairement à ce que vous pensez, je crois qu'il y aura peut être même plus de boulot avec Vrass...» - j'écarquillais alors les yeux.. alors celle la c'est la meilleure! - «j'aimerais vous revoir une fois par semaine si possible. Dans un premier temps, on va faire une demi-heure avec Vrass, suivie d'une demi-heure avec Benedikt une semaine sur deux, puis la semaine suivante, une heure avec vous deux en même temps. Est-ce que ça vous convient?»
Je me levais alors, prenant une profonde inspiration
«On va y réfléchir. Pour le moment on prend le rendez-vous, mais au cas où on vous rappelle à la fin de la semaine pour confirmer.»
- «Excellente idée. Il faut que vous ayez tous deux envie de continuer pour que ça marche.» - je lui tendais la main pour la saluer puis on sortait de la pièce. Je n'avais qu'une envie, quitter cet immeuble.
C'est moi qui ai le plus gros du problème? C'est quoi cette blague?