« Ah, oui, je n’y avais pas pensé ! » s’exclama Benedikt. Effectivement, sans savoir par où rentrer, ça allait moins bien. Heureusement le tatoueur, lui, avait un peu plus de jugeote et il hocha devant ses paroles.
« Ce serait bien si tu pouvais le retrouver. Ça ne devrait pas être difficile de lui demander du moment qu’on l’a sous la main. »Le petit botaniste ne savait pas qui lui en avait parlé, mais avec un peu de chance, ce ne serait pas trop difficile et trop loin ; et tout serait réglé avant le week-end qui suivait. Déjà trop enthousiaste, cela aurait déçu Benedikt de devoir attendre celui d’après.
Mais la conversation avait déjà pris une tournure moins agréable, même si les bras de Vrass étaient plus réconfortants que ce qu’il disait. Le botaniste lui fut reconnaissant de proposer de sortir du bain pour aller faire autre chose ensemble ; c’était au moins rassurant de savoir qu’il avait envie de passer du temps avec lui.
« Non, c’est une très bonne idée, un ciné… » répondit-il avec un petit sourire.
« J’en ai marre de ne faire que travailler, et ce sera plus amusant pour toi ! »De fait, le film qu’ils finirent par choisir était assez mouvementé et assez bourré d’effets spéciaux pour permettre à Vrass autant que Benedikt de l’apprécier. Ce dernier insista après pour aller manger des hamburgers dans un des restaurants qu’ils avaient l’habitude de fréquenter, et retrouva le sourire pour la soirée après avoir pépié la moitié de celle-ci dans les oreilles du tatoueur à propos de Mestovaan et des préparatifs du voyage. Au final, le ventre plein et les pieds lourds d’avoir marché jusqu’à la maison, il n’était pas trop difficile de s’endormir pour le petit botaniste, surtout après avoir passé presque une heure à corriger avec le tatoueur toutes les fautes d’orthographes inacceptables qui se trouvait dans ses écrits pour l’université. Cela faisait un petit moment qu'il n'avait pas passé une journée aussi agréable, oubliant presque ses inquiétudes.
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Il se réveilla le lendemain en sueur après un rêve bien trop agréable pour être chaste, et se mit à grogner en arrangeant son pantalon trop serré. Flûte, c’était tellement frustrant, Vrass dormait à côté et il savait qu’il n’aurait eu qu’à le réveiller à sa façon pour continuer ce qui se passait dans sa tête exactement de la même manière - ou presque, en réalité, le tatoueur ne sentait plus autant le miel -. Benedikt roula sur le ventre et poussa un soupir en regardant ce dernier, son esprit continuait de vagabonder sur tout ce qu’il aurait voulu faire, mais il n’avait toujours pas bougé et ne lui fit pas plus quelques minutes après. La peur qui lui retournait le ventre était aussi forte que l’envie, et les deux continuèrent de se battre encore un moment dans son cerveau, jusqu’à ce que le petit botaniste soit assez agacé pour décider de se changer les idées, si c’était possible, en faisant le petit-déjeuner.
Il fut surpris par l’arrivée de Nessy alors qu’il faisait de la pâte à pancake en mettant toute sa rage dans le fouet qu’il tenait à la main. Elle n’avait pas sonné et fit sauter Benedikt au plafond en se mettant à rire derrière lui.
« Tu fais des œufs en neige pour être aussi déchainé le matin ? » s’amusa-t-elle, et le botaniste dut rattraper le saladier qu’il avait failli envoyer par terre et se remettre à respirer avant de répondre.
« Tu m’as fait peur ! Tu as l’intention de venir prendre ton petit-déjeuner ici tous les jours, maintenant ? Tu n’as pas une famille, chez toi ? »
« Quel ingrat ! Tu devrais plutôt me remercier d’avoir réglé tes affaires, dis donc. »
« Oui… Bah, pour ça, merci beaucoup… » Benedikt lui jeta un léger sourire.
« Pour la peine, tu as le droit à un pancake. Enfin oui, c’était apprécié… ça aurait été probablement beaucoup plus compliqué et long sans toi. »
« Bien sûr, vous êtes tous les deux des têtes de mules. »
« Je suis d’accord avec toi, là, j’ai déjà du mal en ce moment à me faire entendre raison à moi-même… »
« Oui, je me doute bien sinon Vrass aurait pas eu l’occasion de faire des conneries… Je suis venu pour savoir si votre dispute s’était arrangée, mais je veux savoir ce qui se passe avec toi… » déclara Nessy, et ces mots trainaient d’une manière qui appelaient déjà à des explications. En fait, ce n’était pas comme si Benedikt avait le choix, parce qu’elle lui tira les vers du nez pendant plus d’une demi-heure jusqu’à avoir assez de phrases vagues et pleines d’hésitations pour comprendre ce qui se passait à peu près.
A ce stade, le petit botaniste était plus rouge que les cheveux du tatoueur – qu’il aurait tellement aimé voir débarquer dans la cuisine pour le sauver -, et faisait cuire des tranches de lard à la poêle, secouant vivement la tête à chaque parole de la jeune femme.
« Non, je te dis, c’est déjà assez embarrassant de parler de ça avec toi, j’ai eu ma dose, là, je ne vais pas en discuter avec un inconnu. »
« Benedikt, c’est complètement idiot, tu préfères détruire ta relation avec Vrass plutôt que d’être un peu embarrassé ? »
« J’ai juste besoin de me changer les idées, c’est tout ! Ça ne va pas- Je n’ai pas l’intention d’être- Vrass est- Tu racontes n’importe quoi… »
« Ecoute, je te donnerais juste les adresses que j’ai avec le cabinet. C’est deux ou trois personnes des Ghettos, ils ne sont pas regardants sur les crimes déjà punis, et ils sont tenus sous le secret. Promet-moi juste que tu les regarderas, ça te tueras pas, non ? »
« Non… je suppose… »