Le petit botaniste serra les poings en entendant Vrass. Personne ne lui parlait sur ce ton ?
« Et alors, t’as l’intention de me le faire payer ? Frappe-moi si je te parle trop mal, je m'en fiche ! » rétorqua-t-il furieux.
« Et je te signale que c’est pas pareil si c’est pour ton travail ! Je peux parfaitement comprendre ça, c’est pas pareil que de tripoter quelqu’un juste parce que tu as ENVIE ! »La suite le coupa net, pourtant, et Benedikt resta un moment silencieux avant d’exploser, les yeux pleins de larmes. Il pouvait difficilement dire au tatoueur qu’il avait tort, sur ce point.
« JE VOULAIS PAS FAIRE CA ! Tu le sais très bien, j’étais… j’étais complètement soûl, je voulais pas faire ça ! » se justifia-t-il sans raison, puisqu’il en avait déjà parlé, mais Benedikt se sentait encore coupable de ses gestes.
« Et c’est un gamin ! Qu’est-ce que tu crois, que je tombe amoureux des gens juste parce qu’ils me déplacent des caisses et qu’ils ont des muscles ?! Tu voulais quoi, que j’embauche quelqu’un incapable de m’aider à ce que je peux pas faire ? Tu crois que je peux pas avoir d’amis si c’est le genre de personne que je pourrais apprécier ? J’ai déjà quelqu’un, toi, tu te rappelles ?! C’est pas comme si c’était une place à prendre ! »Le petit botaniste se remit à siffler avec un ton instable qui montrait bien qu’il ne croyait cette fois pas complètement à ce qu’il disait :
« Très bien, alors ne vient plus ! De toutes manières, t’as pas l’air de vouloir me voir, tu t’amuses très bien sans moi ! Ou peut-être que je serais plus intéressant si je me mettais à la place de cette fille ! »Il ne répondit pas au bonne nuit amer de Vrass, surpris que celui-ci tourne les talons. Benedikt n’avait aucune envie de voir le tatoueur partir sans plus d’explications. Mais cela n’allait pas non plus le faire courir après lui, le petit botaniste était bien trop en colère pour laisser sa fierté de côté comme ça ; il regarda seulement la silhouette de Vrass s’éloigner à travers la vitrine, et attrapa un pot en terre vide pour le jeter par terre en hurlant. Un deuxième finit par terre quelques secondes plus tard, et ce ne fut qu’au bout du quatrième que Benedikt commença à retrouver ces esprits, un peu coupable de mettre à sac sa précieuse boutique. Ah, non, il n’allait sûrement pas rentrer à la maison dormir à côté du tatoueur puant l’odeur de quelqu’un d’autre !
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« Heuuu, Benedikt ? »Le petit botaniste se réveilla en sursaut et se mit à hurler. Mauvaise idée car il s’écrasa par terre au pied du vieux canapé défoncé qui se trouvait dans l’arrière-boutique, à force de gigoter. Encore tout habillé à défaut de ses chaussures, les cheveux emmêlés et grognant avec insistance sur tous les tons, Benedikt ressemblait plus à un chat de gouttière qu’à un orphe.
« Ça… ça va ? » continua Till, qui n’avait pas l’habitude de voir son patron comme ça, surtout quand la probabilité d’une petite sieste avant même qu’ils n’aient ouvert la boutique était minuscule.
« Tu as dormi ici..? »
« Pas… questions… ou je demande… trucs horribles… à faire. » répondit le botaniste encore en train d’essayer de se relever et de retrouver l’ordre de ses pensées après le cauchemar qu’il venait de faire.
Till fila aussitôt sans demander son reste, peu enclin à tenter le diable. Après tout, ce n’était effectivement jamais une bonne idée d’agacer ses supérieurs hiérarchiques. Même si d’habitude, le supérieur en question n’avait pas l’air bien effrayant. Celui-ci resta à tituber dans l’arrière-boutique, démarrant la vieille bouilloire qu’il utilisait parfois, comme c’était le cas ici, pour se faire une petite tasse de thé quand il n’y avait pas de clients. Il y avait presque une petite cuisine entière, histoire de faciliter ses préparations et mélanges, mais Benedikt regretta de n’avoir rien à manger qui ne soit pas de la marchandise. La fatigue lui piquait encore les yeux, comme il n’avait pas pu s’endormir avant que l’aube ne soit levée depuis un bon bout de temps, et tout au long de la journée, le petit botaniste accumula erreurs et bêtises, la tête ailleurs et en désordre.
Ce fut lorsque Benedikt demanda avec insistance 120 ores à un client confus que Till se risqua à intervenir à nouveau :
« 12. C’est 12, la somme. » - Et son patron fronça les sourcils un moment avant de s’excuser avec profusion auprès de son client, le regardant disparaitre avec un désespoir tout particulier dans les yeux.
« Je peux prendre la boutique jusqu’à la fin de la journée, si tu veux… »
« Non, je peux pas te la laisser comme ça, s’il y a un problème… Tu n’es pas ici depuis assez longtemps, et je ne vais pas te refiler mon boulot. »
« Sans vouloir être impoli, je crois que tu fais plus de bêtises que si j’étais tout seul, là… »Le petit botaniste s’étala sur une chaise en soupirant, et comme il ne répondait pas, l’assistant continua avec précaution, s’asseyant à côté de lui.
« Il s’est passé un truc avec Vrass ? Pourquoi tu as dormi ici ? »
« Non, je… Oui. » finit-il par avouer.
« Je… Je ne sais pas. Il ne voudra pas s’excuser, et moi non plus je ne m’excuserais pas. D’habitude, on… on… on règle ça autrement. Mais là, ce n’est même pas comme si je pouvais me le permettre. Mais faudra bien que je rentre un jour.... Déjà, faut que je prenne une douche et change de caleçon… »
« Ew, trop d’informations, patron. »