Que cette nuit parût longue à Antiphane ! Il était resté éveillé durant tout ce temps et s'occupa à surveiller l'entrée. Il eut le loisir de voir du coin de l'oeil la bougie se consumer à petit feu. A un moment, il craignit qu'elle ne s'éteigne avant la levée du jour. Mais alors qu'elle commençait à faiblir, tout comme lui d'ailleurs, il entrevit le soleil se lever. Les rayons s'infiltrèrent avec chaleur et enfin il put souffler. La nuit venait de prendre fin.
Il avait également entendu quelques pas sur le pont. A chaque fois que cela se produisait, il redoublait de vigilance, mais jamais personne ne vint troubler sa solitude. A plusieurs reprises, il s'était senti piquer du nez, mais il lui suffisait de secouer la tête pour se maintenir éveiller. Il eut également l'occasion de réfléchir au moyen de s'enfuir, seul. Il avait juste à dire qu'il ne pouvait plus accompagner Kalavati, car un imprévu l'en empêchait. Pour justifier ce mensonge, il dirait également qu'il était proche de son frère et il ressentait comme quelque chose d'anormal. Puis si cela ne convenait toujours pas, c'était la même chose. Il prenait déjà la peine de trouver un excuse !
Lorsqu'il remonta sur le pont, certains étaient déjà debout à observer le ciel s'éclaircir tandis que d'autres se réveillaient lentement lorsque les discussions de politesse reprirent. Il prit soin d'observer le visage de chacun et remarqua qu'ils avaient tous l'air fatigué. Il en arriva à se demander si en réalité tout le monde n'avait pas fait semblant de dormir, comme lui l'avait fait. Il jugea préférable de se taire, jugeant qu'il n'était pas nécessaire de jouer les hypocrites en demandant s'ils avaient bien dormi. Cela ne l'intéressaient pas.
Quelques heures après, tandis que la journée était déjà bien entamée, la petite compagnie put apercevoir des bâtisses apparaître au loin. Il jeta un regard interrogateur à Meriel qui lui répondit avec son éternel sourire.
« C'est bien Guttevald que nous voyons là-bas. »
Il pointa du doigt la direction dans laquelle ils allaient. Tout le monde se prépara pour descendre au prochain arrêt. Antiphane arrivait sans difficulté à cacher son soulagement de bientôt se séparer, mais il était le premier à attendre penché sur le rebord à observer la ville s'approcher d'eux. C'est à cet instant que Lounou s'approcha de lui pour parler. Il l'observa, intrigué.
« Nous ne comptons pas rester longtemps. Nous ne sommes que de passage, mais si vous souhaitez repartir avec nous, cela ne posera aucun problème. »
Antiphane sentit bien qu'elle n'était pas tout à fait sincère. Elle aussi semblait soulagée de la séparation à venir. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi on leur proposa de les accompagner après une telle nuit. Il fallait avoir subi un mauvais sort de Sayah pour ne pas se rendre compte du malaise qui s'était établi entre eux.
« Une obligation me contraint de vous abandonner, désolé. » Puis il se retourna vers Kalavati et lui adressa la parole pour la première fois de la journée. « Kalavati ? Je tiens à m'excuser, mais je ne pourrai pas vous accompagner à la bibliothèque, je me suis rappelé que j'avais une course urgente à faire et qui ne peut attendre. »
Puis il se tourna vers Sekhmet comme pour attendre une réaction.