Antiphane fut une nouvelle fois touché par les intentions de Benedikt. Il avait également confectionné une couronne de fleurs pour son grand frère. Même s'il savait que Gavroche n'allait pas la trouver à son goût, il serait ravi d'un tel présent. Il le remercia chaleureusement pour ce qu'il faisait pour lui ainsi que pour son frère.
« Je n'arrive pas trop à croire qu'ils soient partis parce que tu as arrêté de jouer... » Répondit-il à Benedikt quand il lui expliqua pourquoi tous les insectes s'étaient affolés. « Il doit y avoir quelque chose d'autre, mais quoi ? »
Suite à cela, Antiphane se dirigea dans la direction indiquée par le botaniste. Il ne se demandait même plus s'il devait lui faire confiance ou non. Désormais, il le suivrait les yeux fermés s'il le fallait. Il arrivait même à ne pas être angoissé de ne pas connaître la direction à prendre, ni même de ne pas savoir où chercher pour retrouver son frère. Sur le chemin, il écouta d'une oreille attentive les expériences de Benedikt qui expliquait ses difficultés à utiliser ses ailes.
« C'est tout de même étrange d'avoir des ailes, mais de ne pas pouvoir les utiliser. » Expliqua-t-il d'une voix lente comme s'il réfléchissait à ce qu'il allait dire. « Enfin, ce que je veux dire, c'est qu'elles ne sont tout de même pas là pour faire jolie, non ? Tu penses qu'elles grandiront encore ? C'est peut-être là le problème, elles sont encore trop petites j'ai l'impression. »
Leur route fut interrompue par un énorme cratère dans le sol. Le cortésian resta à bonne distance, de peur de tomber dedans. Il était tellement profond que certaines créatures pouvaient être cachées dans l'ombre. A mieux observer, c'était comme un tunnel qui s'enfonçait dans le sol. Cela terrorisa encore plus Antiphane qui s'imagina dans une chute sans fin.
« Je ne sais pas ce que c'est ! Même un pompentail qui se prendrait les pattes dans ses oreilles ne ferait pas un si gros trou en tombant ! »
Alors qu'il regardait toujours fixement le trou comme s'il avait peur d'être aspiré par celui-ci, il vit du coin de l'oeil Benedikt trébucher sur un petit objet. Son premier réflexe fut de courir jusqu'à lui pour le rattraper avant qu'il ne tombe. Mais cela ne fut pas nécessaire, il se débrouilla très bien sans lui. Antiphane laissa alors échapper un soupir de soulagement. Dans sa poitrine, son cœur avait fait un bond à couper le souffle. Une fois remis de ses émotions, il s'intéressa à l'objet qui avait fait trébucher le botaniste. Il lui demanda l'objet pour qu'il puisse l'observer à son tour. En tout petit, dans un coin de l'étiquette était aussi noté « A base de baies d'Argus ».
« Regarde ! » S'écria Antiphane comme s'il venait de découvrir quelque chose d'important. « On dirait de la liqueur d'Argus... »
Il se rappela avoir consommé ces petites baies une fois. C'était à l'auberge avec Ciara et ils en avaient mangé, totalement inconscients qu'il s'agissait de baies d'Argus. L'effet avait été immédiat, ils s'étaient retrouvés totalement ivres comme s'ils avaient dévalisé l'auberge de toutes leurs boissons. Ces souvenirs l'aidèrent à comprendre certaines choses.
« Ça a peut-être un sens... Enfin je pense » Précisa-t-il. Car il n'était pas sur de ce qu'il allait avancer. « Mais s'il s'agit bien de liqueur d'Argus, c'est un alcool très fort. Et pour avoir déjà été ivre quelques fois, je sais que dans un tel état, on ne comprend pas ce qui nous arrive, on perd la raison en quelque sorte. Et c'est pourquoi un ivrogne ne peut pas chercher quoique ce soit, car l'esprit est trop embrumé, trop vaporeux pour pouvoir prendre une décision. Tout ce que fait un homme bourré, c'est se laisser guider, de manière irresponsable et ce qui lui arrive n'est pas de son ressort. »
Il s'arrêta quelques instants, complètement perdu dans ses explications. Il espérait avoir été plus clair pour Benedikt qu'il ne l'avait été pour lui-même. Il abandonna sa théorie et dit clairement ce qu'il pensait devoir faire.
« Si on boit ça, nous ne serons plus capables de chercher mon frère. Mais dans l'état dans lequel nous serons, notre destin ne sera plus dans nos mains et peut-être aurons-nous plus de chance de retrouver mon frère... »