Les chiens ont cette formidable capacité d'adaptation, leur corps régule plus facilement la chaleur que le corps humain, alors pour continuer aussi loin que possible, il avait choisi cette forme. Longtemps il douta de cette expédition, il pensait qu'il pourrait faire demi-tour, s'arranger une place dans une caravane comme toutou de compagnie et puis, quand la limite de ses forces fut franchie, il abandonna l'idée d'un retour en arrière. Par orgueil au départ et puis, parce qu'il n'y avait plus rien d'autre à faire que de continuer d'avancer sans relâche.
Si on lui avait dit qu'il aurait mieux fait de voyager dans de meilleurs conditions, il restait assez d'animal en lui pour le pousser à entamer cette lente traversée seul. Une épreuve pour lui même. Testant ses forces et sa détermination, même si la mort elle-même venait le punir de s'être approché de trop près.
Ceux qui étaient restés là bas loin vers l'Est pouvaient bien rire de sa pugnacité, de sa folie, mais il n'était pas un couard. Il irait au bout, même s'il doit ramper sous le sable pour y arriver.
Et vint les longues heures où penser au voyage n'était plus qu'une douleur supplémentaire, alors il cessa. La tête tournée vers le sol, il humait les vents chauds qui courraient le long du sable. Parfois l'odeur sèche d'un lézard attirait sa conscience hors de son sentier de voyage, alors il bondissait, mordait le sable et quelques fois il pu mordre dans le sang d'un minuscule animal, s'abreuver si brièvement qu'il lui coulait à peine dans la gorge, mais au moins survivait-il à son imprudence.
Personne n'a le droit de défier le désert. Une seconde d'inattention et il vous prendra la vie.
Une leçon qu'il n'oublierait pas de si tôt.
Et le soleil le brûlait de l'intérieur, chauffant son pelage rouge comme s'il était fait de feu, sa langue désespérément sèche pendant entre ses dents, jusqu'au moment où l'odeur dans l'air s'intensifia. Ce fut lors d'un bref instant, comme un éclair, l'odeur d'un parfum musqué, d'une odeur vivante. Rien à voir avec le sel et le fer qui coulait sur les lézards des sables, c'était une odeur chaude et acide. Oreilles dressées, le regard rivé vers l'horizon, il consumait ses forces et pressa le pas. Il y avait quelque chose au delà des dunes, quelque chose de vivant. Quelque chose de réel.
Et depuis la crête, il aperçu au loin la ville, une ville à la couleur du sable, suintant de lumière dans la chaleur gondolante. Il pouvait sentir les vapeurs d'eau, les huiles, les animaux, l'oasis en elle-même comme un fouillis de saveur olfactives. Alors il couru, sous l'ardente chaleur du ciel, il se précipita vers l'oasis et avant qu'il n'ait atteint la ville, son coeur s'emballa. L'adrénaline qui lui fouaittait le sang n'était pas assez forte pour vaincre l'épuisement. Avant même d'avoir atteint un point d'eau, il s'étala dans le sable à quelques mètres à peine des premiers murs...