« Tu lui as dit quoi ? » demanda le botaniste en boudant imperceptiblement. Ce n'était pas vraiment sa place d'être jaloux mais franchement...
« Laisse tomber, je n'ai rien dit. C'est ta vie privée... »Benedikt ne croyait pas un seul instant ce qu'il était en train de dire, mais fit que son mieux pour ne pas bouder pendant le reste du dîner. La dernière remarque du tatoueur avait eu au moins le mérite de le rassurer sur ses intentions. Ça n'aurait pas été la peine de lui demander une nuit pleine de promesse si c'était pour aller se glisser dans la chambre d'Anya après, non ? Et puis Vrass n'était pas comme ça... Il ne l'aurait pas pris autant pour un idiot, ni d'ailleurs mentit de cette manière. N'est-ce pas ? Benedikt ne prit pas ce risque, pourtant, et attendit seulement qu'ils finissent de manger pour l'emmener avec détermination dans leur chambre.
Sauf qu'en grimpant sur le lit, des libellules en papier l'assaillirent, faisant éclater de rire le botaniste avec un sourire ravi comme un gamin.
« Oh, elles sont trop belles, on dirait des vraies ! » s'exclama-t-il aussitôt, jouant avec les insectes de papier qui lui tournait autour.
« Il faudrait que tu en fasses plus souvent ! »Il lui fallut trois ou quatre minutes pour arrêter de s'extasier et revenir à son objectif de départ, qui lui fit baisser les yeux sur le tatoueur. Le botaniste étira un sourire invincible.
« Hé, Vrass. Tu veux en voir d'autres, des libellules ? »+ + + + + + + + + + + +
Le lendemain matin, lorsque Benedikt se réveilla, c'était pleins de courbatures mais tout à fait de bonne humeur. Il amena même le petit-déjeuner au lit à Vrass, avec le sourire du botaniste et le beurre frais, s'il-vous-plaît. Et à une heure à peu près décente, parce que les activités de la veille l'avait assez crevé pour que sa petite sieste ne le réveille pas à trois heures du mat'. Lorsqu'ils furent prêts, habillés, rassasiés, Benedikt décida pourtant qu'il ferait aussi bien de s'occuper pendant que Vrass rangeait ses affaires. Ils resteraient probablement dans cette auberge plusieurs jours, mais la politique de la maison était de payer chaque journée son dû.
« Je vais payer la chambre pour cette nuit ! Tu me rejoins en bas ? » déclara le botaniste avant de descendre en bas.
Il n'alla pas si loin, malheureusement, parce qu'il se fit arrêter à nouveau dans les escaliers par la même jeune femme, mais qui ne portait pas la même expression accueillante, cette fois.
« Tu devrais avoir honte ! Je sais même comment tu as pu aussi mal tourné ! »
« De- de quoi tu par- »
« Toi et ce Vrass, vous devriez être arrêté et peut-être même pendu en place publique, vraiment ! » cracha-t-elle avec une haine qui fit perdre à Benedikt tout la mince assurance qui lui restait.
« Je sais même pas ce qui me retient de pas vous dénoncer, tiens ! Quand je pense que Madame Varthes t'as toujours défendu, même quand tu traînais avec cette sale gamine des rues voleuse ! »
« Ne lui dit rien ! » s'exclama le botaniste soudain affolé.
« Je t'en supplie, ne lui dit rien ! »
« Ah ouais, et pourquoi ? T'as peur qu'elle découvert que t'es devenu un déviant ? T'aurais dû y penser avant de te mettre à te taper des hom- »Benedikt lui plaqua deux mains sur la bouche à défaut de savoir quoi faire d'autre et resta à regarder ses yeux accusateur posés sur lui pendant une ou deux seconde, avant d'ouvrir la bouche et de sortir le premier truc qui lui vint à l'esprit.
« Je suis hermaphrodite. » bégaya-t-il avant de s’apercevoir devant son air d'incompréhension.
« Je- Je change de sexe comme je veux. »
« Non mais tu te fous de ma gueule ?! »
« Non ! Non, heu. C'est à cause des... insectes. Comme je suis morphe. Et que je suis moitié d'insecte hermaphrodite. »
« Tu me prends vraiment pour une conne, oh, Benedikt ?! J'ai vécu 16 ans avec toi ! »
« Je le savais pas avant ! Je peux- je peux le prouver ! »
« Ah ouais, ben j'attends, tiens ! »
« D'accord mais retourne-toi. »
« Non mais je rêve. »Le botaniste glissa une main discrètement dans son sac et chercha la dernière coquille d'escargot qu'il lui restait. Elle était forcément quelque part...
« S'il... S'il-te plaît. »Il attendit qu'elle s’exécute pour avaler tout rond la coquille avec laquelle il manqua de s'étouffer, en plus de la sensation parfaitement désagréable de changer à moitié d'apparence. Et se retrouva devant l'air parfaitement stupéfait de Anya lorsqu'il repoussa les longues boucles qui lui retombait sur la figure. Elle était aussi figé qu'une statue, et Benedikt faillit essayer de la pincer pour vérifier qu'elle était encore vivante. Mieux valait peut-être en profiter pour filer, pourtant.
« Tu vois, je- je te l'avais dit. » souffla-t-il avant d'entendre des bruits de pas familiers au bout du couloir,
« Ne dit rien à Madame Varthes à propos de tout ça. »Tiens, parfait. Bon timing, Vrass, je te revaudrais ça.
« Viens, on s'en va.. Faut aller payer la chambre... » couina le botaniste désespérée en attrapant le bras du tatoueur pour le traîner dans au rez-de-chaussée.