Quelques secondes, c'est tout ce qu'il m'a fallut pour le perdre de vue! Un regard à gauche, puis à droite, mais aucune trace de mon petit mouton. Je soupirais alors sans bouger pour autant, me tournant vers un étalage de tissus aux couleurs chatoyantes qui feraient pâlir d'envie les nobles d'Ephtéria. Rien à voir avec ce qu'on peut trouver en général en Païlandune, les parures de cet endroit sont vraiment uniques et les difficultés commerciales sont trop grandes pour qu'il y ait de vrais échanges selon moi. Je suppose qu'il ne doit y avoir que quelques riches tisserands qui arrivent à pratiquer ce genre de commerce via quelques caravanes qui doivent traverser le désert.
Je m'arrête près d'un autre étalage où je vois un peu de viande séchée, ici, ils la vendent comme une friandise car ce ne sont pas vraiment de gros consommateurs de viande. Ils ont tendance à préférer le poisson. J'en achète un petit paquet pour en grignoter des morceaux avant de continuer à avancer, tout en restant malgré tout à peu près au même endroit que là où j'ai perdu Benedikt. Je suppose que s'il veut communiquer avec moi en étant perdu, il le fera au travers de la bague. Aussi je ne m'inquiète pas trop. Je mordille dans mon morceau de viande séchée avant de sourire devant un étalage de fruits, des mangues, des grenades, des dattes surtout en très grande quantité. Je crois que c'est le fruit que l'on retrouve le plus ici qui a l'avantage d'être sucré et désaltérant.
Au bout d'un moment, le gosse revient vers moi, et je me rends compte que là, j'ai vraiment une raison de l'appeler le gosse lorsque je le vois!
«T'en fais pas, on est en vacances après tout, profites en!» - je lui montre pour ma part mon morceau de viande séchée lorsqu'il me présente son fruit, signe que je n'en ai pas besoin donc, mais le voilà déjà reparti admirer les richesses de chacun présent. Je pouffe de rire avant de le rattraper en quelques pas
«Je crois que pour eux, les bijoux ne sont pas forcément un signe de richesse. Il y a énormément de mines au Nord d'Ohime Quinah, c'est de là qu'ils tiennent tous leurs métaux précieux. Je suppose qu'une grande partie doit servir au commerce, mais ils doivent aussi en garder pour eux.» - travailler dans les mines doit être l'un des boulots les plus prisés de cette ville, avec celui de commerçant. Du moins, pour le commun des mortels je dirais car si je me souviens bien, y'a des rôles plus prestigieux comme bosser dans les temples ou auprès de la Reyne.
Je ne me préoccupais pas des gens qui pouvaient se moquer de nous, je sais que les ohimes ne sont pas méchants, au contraire même, ils ont tendance à aimer voir de nouvelles têtes et ont toujours été très aimables. Je reconnais certains clients qui m'avaient demandé le tatouage du flocon pour mieux supporter le climat. En général, ce sont des gens plutôt fragiles, et je me souviens que Néthi était de ce genre là.
«Tu sais que c'est ici que j'ai rencontré Néthi? C'était juste avant qu'elle ne reprenne la bijouterie...» - c'était histoire de faire la conversation, bien que je n'étais pas sur qu'il m'entende, trop occupé à regarder des scarabées fossilisés qui semblaient être recouverts d'émeraude. C'était une illusion d'optique, mais il est vrai que les ailes dures de ces petites bêtes brillaient comme des bijoux, et j'étais presque sûr que certains commerçants devaient les faire passer comme tel pour arnaquer un peu les touristes! On se fait quand même de l'argent comme on peut.
«Les temples se trouvent vers l'Est, le palais un peu plus au Sud ensuite... mais comme tu dis, la ville est très grande, il nous faudra probablement plusieurs jours pour visiter.» - car ce serait bête de se presser. Je levais les yeux au ciel, ramenant ma main en visière pour essayer de deviner l'heure. La capuche du Mahjour était vraiment efficace, malgré la chaleur, je sentais une sorte de petit courant d'air frais autour de ma tête et de mes épaules, même si j'avais l'impression que mes pieds étaient en train de cuire sur place.
Je m'approchais d'un étalage de tissu lorsque je vis un groupe de vieilles dames - enfin elles étaient pas si vieilles que ça non plus, mais pas loin du double de mon âge quand même - me regarder en gloussant avant de se jeter carrément sur moi
«Un beau jeune homme comme vous, vous devez vous habiller mieux que ça!»
- «Hein?»
- «Allez, venez!!» - je me sentais alors un peu paniquer. Non mais je peux pas frapper un groupe de vieilles dames comme ça! Je cherchais du regard Benedikt qui semblait trop occupé à regarder encore une babiole sans intérêt alors que les femmes me faisaient entrer dans une tente, elles commençaient déjà à me déshabiller, retirant la capuche du Mahjour - ça y'est, je commence à suffoquer - et l'ensemble de mes vêtements jusqu'à ce que je me retrouve en caleçon - moulant type boxer.
- «Allez les filles, on le rhabille» - y'a plutôt intérêt oui! Et voilà qu'elles commencent à me mettre des sortes d'épaulettes avec des dorures, l'une semble essayer de me coiffer un peu pour ramener mes cheveux en arrière, on m'accroche des bracelets qui montent jusqu'à mes biceps, puis aux poignets bien que je refuse qu'on enlève mes bagues. On me demande d'enfiler une sorte de pantalon noir assez moulant avant de me passer une sorte de jupe par-dessus et une paire de bottes légères.
Sur le coup, j'ai l'impression d'être habillé comme une fille, mais lorsque les vieilles dames me calent devant un miroir, je me rends compte qu'en fait, j'ai plutôt la classe!
«Et voilà! Vous ressemblez presque à un Ohime comme ça! Il faudrait que vous bronziez un peu!» - dit l'une des vieilles dames pendant qu'elles pliaient et rangeaient soigneusement mes affaires dans mon sac avant de me le rendre. Je soupirais avant de sortir des ores pour les payer tout de même, même si j'ai rien demandé, au final, je trouve ça plutôt sympa. Après tout, c'est original de se dire que je me fonds un peu dans le décor?
Je sors de la tente et les regards posés sur moi semblent différents à présent. Loin d'être moqueurs, je vois bien quelques femmes qui me regardent d'un œil plus intéressé. D'un autre côté, vu comment je suis bâti, ce genre de tenue ne peut que m'aller hein? Je vois finalement Benedikt qui semble un peu paniqué, probablement qu'il me cherche?
«Je suis là!» - au moment où il se précipite vers moi, je ramène une main derrière ma tête d'un air un peu gêné - «Je me suis fait embarquer pour une séance de relooking... t'en penses quoi?» - j'écartais alors les bras pour lui montrer, heureusement, je ne vais pas m'habiller comme ça tous les jours! En plus, je crois bien qu'elles m'ont maquillé, j'ai du trait noir autour des yeux maintenant, ça doit les faire vachement ressortir.