Le décollage de la grosse bestiole à plume passa complètement à côté de Benedikt qui s'était recroquevillé sur Vrass, les yeux fermés et le visage froncé comme si on allait lui taper dessus d'une seconde à l'autre. En réalité, Benedikt était bel et bien persuadé par la peur qu'il allait finir par s'écraser par terre sous les mouvements brusques de Phaerör qui prenait son envol, décoré des objets ensorcelés de l'animalerie ou non.
Ce ne fut qu'au bout de trois minutes qu'il osa jeter un coup d’œil à ce qu'il y avait autour de lui. Cela valait la peine vu le paysage qu'il avait, mais la seule pensée qui vint à l'esprit du botaniste fut à propos de la hauteur indécente à laquelle ils volaient.
« Oh, par Alrik, si on tombe, on meurt et on aura plein de temps pour s’en apercevoir. » gémit-t-il en enfouissant son visage dans le dos du tatoueur.
Benedikt n'était pourtant pas effrayé du vide, d'habitude, trop habitué à crapahuter partout pour vraiment s'en soucier, voir être prudent. Mais là, c'était quand même... Beaucoup beaucoup plus haut qu'il n'avait jamais été – surtout, la seule chose qui les retenait était un gros oiseau au sale caractère qui pouvait décider de les faire tomber sans prévenir -. Et le botaniste n'était pas forcément réputé pour être téméraire.
Les quelques nouvelles minutes qui passèrent laissèrent à Benedikt de s'habituer à leur moyen de transport, pourtant. Le botaniste dé-serra son étreinte progressivement, autorisant le pauvre Vrass à respirer enfin correctement - et se risqua à regarder autour d'eux. Ce fut à ce moment-là qu'il laissa sa curiosité et son admiration prendre le dessus et se mit à rire devant le spectacle des nuages qui semblaient si près qu'il aurait pu les toucher du bout du doigts, des fermes minuscules qui parsemaient la campagne de Banba, des rivières aussi fines que les veines de ses poignets.
« Oh... » s'exclama Benedikt avec une expression émerveillée, sans trouver quoique ce soit de pertinent à rajouter, à croire que c'était assez pour faire le taire, pour une fois. Pas pour longtemps, cependant.
« Tu as vu ça, Vrass ? C'est magnifique ! Regarde, là-bas ! Et là ! »
Comme si Phaerör s'était aperçu que Benedikt avait lâché d'une main la taille du tatoueur pour lui montrer un village aux maisons de poupée, il fit une grande embarqué sur la droite qui fit glapir le botaniste et s'accrocher à nouveau Vrass avec tout l'effroi du monde. Le jeune homme eut bien envie de lui tirer sur les plumes, mais c'était une très très mauvaise idée et il était de toutes façons trop occupé à savourer la sensation de voler – qui pour le coup, n'était pas une métaphore – pour rester vexé. Il devait même avouer que chaque battements du hiéras était particulièrement satisfaisant et remplissait son ventre de papillons. Jamais aucun gamin sur Nideyle n'avait eu une balançoire assez imposante pour donner des effets pareils.