Quand enfin elle fut à portée de main de cette fichue anguille de Tenaag'a, elle tendit le bras et la rattrapa par les cheveux, un sadisme extatique pendu au bord des lèvres.
- « Je te tiens, sale petite vipère ! » siffla-t-elle entre ses dents.
Et sans laisser l'occasion à sa proie de répliquer quoi que ce soit, elle lui transperça le corps de son épée, heureuse de son exploit.
Entre ses doigts, les cheveux glissèrent et devinrent un mince filet d'eau ruisselant sur sa paume. Le corps de sa victime vacilla, et nul sang ne s'en échappa. Un souffle de vent l'emporta au loin comme un nuage de poussière, et il ne resta bientôt plus rien d'autre que le son clair de son rire, léger et mutin disparaissant au fond des bois. Cette fois, le juron qu'elle cracha fut bien plus grossier que le premier, déjà joliment fleuri. Elle tendit l'oreille, interceptant les paroles provocatrices de ses ennemies, et se jeta de nouveau en avant, prête à en découdre pour de bon. Elle parcourut ainsi de nombreuses lieues sans ressentir la moindre fatigue, lorsque le sol s'ouvrit subitement sous ses pieds. Devant elle, avant qu'elle ne sombre dans une chute vertigineuse, elle eut à peine le temps d'apercevoir un immense grizzly dont la fourrure était coiffée d'une multitude de nœuds roses et blancs...
Quelques temps plus tard, notre valeureuse guerrière rouvrit les yeux. Elle ne ressentit ni douleur, ni fatigue, ni crainte. Pour le dernier point, ça ne l'étonna pas du tout. Mektild n'avait peur de rien, et elle faisait des charpies de ceux qui osaient prétendre le contraire ! Non, ce n'était pas ce point là qui l'inquiétait... mais plutôt ce noir acharné tout autour d'elle. Était-elle morte en tombant ? Elle voulu identifier son environnement mais constata qu'elle ne reposait sur rien du tout, exactement comme si elle flottait ! Surprise, elle se redressa et atterrit sur ses deux pieds, ce qui la rassura. À en juger par ce qu'elle « ressentait » sous les semelles de ses bottes, elle devait se trouver sur une surface parfaitement plane. Mais, encore une fois, aucun bruit ni aucune lumière ne lui permettait d'en deviner plus. Loin de se laisser dérouter pour si peu (!!!), elle tendit les bras devant elle et entreprit d'avancer à tâtons... et là, quelle ne fut pas sa surprise de découvrir une poignée. Une poignée ? Était-elle tombée dans une maison ?
- « RAAAH ! » fut la seule élocution qu'elle trouva pour exprimer son ressentit.
Un coup de poignet plus tard, elle avait ouvert cette maudite porte et se retrouvait agressée par la luminosité violente d'une fenêtre lui faisant directement face. Les yeux mi-clos et le visage résolument fermé sur cette expression furieuse, elle laissa passer quelques secondes jusqu'à s'habituer à ces lueurs blafardes. Elle avança encore, prudente, écoutant avec étonnement le son de ses pas sur le sol... euh... quelle était cette matière au juste ? Souple, propre, froide. Du linoléum pour être plus exacte – mais quel intérêt d'être exacte là où Mektild n'a pas la moindre idée de ce qu'est le plastique...?
La jeune femme se retourna, mais la porte avait disparue. À la place, trônait une petite table, deux banquettes de cuir se faisant face et surtout, surtout, une gigantesque baie vitrée par laquelle on avait un panorama extraordinaire sur l'océan. De là où elle se trouvait, Mektild assista à l'évènement le plus inattendu de toute son existence : une baleine aux proportions inavouables jouait à s'extirper de l'eau, et pour le coup, Amroth seul savait comment elle tenait ainsi à la verticale...
Source = titre et auteur inconnus