« Oh, j'ai travaillé bien plus pour moins que ça ! » répondit en riant Benedikt. « Ce n'est pas comme si j'avais trop les moyens de protester. »
Surtout vu la façon dont le botaniste signait les multiples contrats de travail qu'il avait vu passé sur son nez sans même les lire. Bien sûr, il y avait le fait qu'il n'avait pas l'habitude de faire ça avant de s'installer à la Basse-ville et donc qu'il acceptait simplement ce qu'on lui demandait de faire – ils savaient mieux que lui, sans doute -. Et puis il y avait aussi que Benedikt n'avait en général aucune idée de la valeur du travail qu'il pouvait fournir. Surtout quand de nombreux boulots en Païlandune était rémunérés en nature, parfois en proposant nourriture et logement en échange.
Hochant la tête quand Viktor annonça le moment de partir, Benedikt récupéra son manteau plein de plumes, qui avait le mérite de faire semblant de lui donner moins l'air d'un gamin à côté de l'imposant lieutenant aux muscles de catcheur. Minute, non, cela donnait simplement l'impression d'un moineau à côté d'un ours. Mais le botaniste n'allait pas s'en désespérer, pas aujourd'hui, il avait eu le temps de s'y habituer en partie avec Vrass, et puis il était de trop bonne humeur pour s'en préoccuper.
Le 114, le 114... C'était où déjà ? Il avait forcément vu cette pancarte quelque part, mais comme il n'était pas sûr de ses souvenirs, et encore moins de son sens de l'orientation, il laissa Viktor les conduire jusqu'au bar en question. Benedikt pouvait comprendre pourquoi il l'avait choisi, ce n'était pas très loin du commissariat. En revanche, niveau ambiance... C'était un poil plus étrange. Le botaniste n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, ça lui rappelait quelque chose mais il n'y avait rien de spécial dans l'établissement pour l'instant pour le mettre sur la voie. En attendant, Benedikt ne s'en inquiétait pas, trop occupé à essayer de deviner s'ils servaient ici des hamburgers.
Dieu qu'il avait envie d'un assemblage de nourriture pleine de gras entre deux tranches de pain ! Il était clair que cela complétait parfaitement son salaire de misère, si Viktor lui offrait une merveille pareille. Même si le botaniste n'était pas vraiment à l'aise avec l'idée qu'il le lui paye. Déjà, Vrass n'allait peut-être pas aimer ça – mais bon, est-ce que c'était vraiment utile de lui préciser des détails aussi débiles ? -. Et puis, c'était une question de principe, Benedikt ne se faisait pas offrir des trucs par des inconnus ou des gens qu'il connaissait aussi mal. Ça ne faisait ni très indépendant, ni très viril, et puis cela lui donnait l'impression de lui devoir quelque chose en retour.
Mais bon, Viktor avait insisté et le botaniste n'avait pas envie de s'embêter à faire des histoires, alors tant pis. Il n'allait pas en mourir, et son porte-feuille allait apprécier.