par Benedikt » 03 Avr 2013, 01:11
« Passer l'aspirateur... » murmura tout bas Benedikt, juste pour lui, resté bloqué à l'expression qu'il n'arrivait pas à saisir complètement. Flûte, il le connaissait, ce mot, pourtant, c'était quoi, déjà ? La seule chose qui lui venait à l'esprit, c'était un éléphant, c'était complètement stupide.
« Ben, nettoyer tout un bâtiment, c'est déjà pas mal d'efforts, vous savez... » Le botaniste en savait quelque chose après avoir passer des heures à frotter le sol de l'orphelinat et fait la lessive pour un nombre d'enfants qui paraissait dans ces moments-là astronomique. Et pourtant, c'était pas les règles d'hygiène strictes qui les étouffaient, dans le Nord. « Alors si elles devaient trier, en plus... »
Mais le lieutenant passait déjà à autre chose, lui demandant le nom du psychologue qu'il connaissait. Benedikt avait du mal à comprendre pourquoi Viktor connaissait un seul psychologue, mais pourquoi pas, c'était la même chose pour lui, finalement. En vérité, l'expression Serial Killer n'était pas encore dans son vocabulaire, bien qu'il se doutait bien qu'il ne devait pas y avoir grand chose à voir avec les céréales, alors il n'avait pas non plus tout à fait compris de quoi parlait le lieutenant tout à l'heure.
« Je crois qu'il s’appelait... Hayner. Mais il nous avait demandé de l'appeler William. Et si vous voulez mon avis, il a l'air plus noble que pas mal de gens de l'aristocratie à Païlandune. » Comme il le donnait depuis tout à l'heure, son avis, alors que Viktor ne lui avait rien demandé, autant continuer directement. « Je n'ai jamais profité de ces services, bien sûr, mais je serais très étonné qu'il ne fasse pas exceptionnellement bien son travail ! » Le botaniste réalisa un peu trop tard ses louanges démesurées. Certes, William avait laissé une très bonne opinion derrière lui, mais il ne le connaissait pas, même s'il avait peine à croire qu'une personne aussi agréable puisse être manipulatrice ou sournoise. Bien des fois l'innocence du botaniste l'avait amené dans des situations stupides, et il aurait dû être plus réservé sur ses premières impressions.
« Enfin... je ne l'ai vu qu'une fois, bien sûr, je peux me tromper. »
Bien sûr, le botaniste était loin d'imaginer que c'était exactement la même personne qui travaillait avec eux. Ayant à peine connaissance de ce que signifiait vraiment le métier de psychologue – sa notion s'arrêtant à peu à celle du type qui donne des conseils aux gens parce qu'il est intelligent, après tout, les rois avaient eux aussi des conseillers -, il n'y avait aucune raison. Benedikt n'eut pourtant pas le temps d'en dire plus, puisqu'on frappa à la porte, et qu'une femme en uniforme apparut. Bleu. Un uniforme tout à fait bleu. Quelques rouages se mirent en place dans la tête du botaniste. Quand le lieutenant parlait des bleus, il parlait de gens en uniforme, des policiers. Pendant ce temps-là, elle avait déjà déposé un rapport à Viktor et s'apprêtait à repartir.
« Attendez- Vous pourriez m'emmenez aux archives, s'il-vous-plaît ? »
La policière leva un sourcil, plutôt étonnée et sans le cacher de voir le petit botaniste émerger de derrière une pile de dossier qui l'engloutissait presque quand il était assis. Qu'est-ce qu'il faisait là, lui ? Depuis quand ils embauchaient des gamins clandestins pour trier la paperasse ? D'autant plus suspect dans le bureau du lieutenant mal embouché.
Benedikt, de son côté, se demandait soudain si elle l'avait compris vu le temps qu'elle mettait à répondre.
« J'aimerais bien que vous m'emmeniez à... la salle des archives, si c'était possible ? C'est comme ça que vous appelez ça, non ? Parce que... je dois emmener les dossiers que j'ai déjà trié là-bas, apparemment, et... je ne sais pas où c'est... Et je suppose que vous savez, en ce qui vous concerne... N'est-ce pas ? »
Là, il ne pouvait pas vraiment faire plus, parce que si elle ne comprenait vraiment pas, c'était de la mauvaise volonté. Mais elle décida finalement de laisser tomber son air septique pour un soupir, et lui fit signe de venir avec elle – il n'y avait de toutes évidences pas que le lieutenant qui était blasé de son travail, ici -. Benedikt attrapa un carton rempli pour le mettre sur le deuxième qu'il venait de finir, et les souleva tout les deux. Une seconde plus tard, il maudissait avec une grimace la lourdeur du papier. Oh, une feuille, c'était aussi léger qu'une plume, mais ces dossiers, c'était comme les bouquins, ça faisait ensemble un poids pas possible. Le botaniste s'arma de courage et pensa aux fourmis qui portaient jusqu'à 60 fois leurs poids – il l'avait lu il y avait quelques jours dans un livre et avait bassiné le tatoueur pendant une bonne dizaine de minutes avec ça tant et si bien que même lui devait maintenant l'avoir retenu -.
Ça n'allégeait pas le tout, malheureusement, et puis en plus il ne voyait pas grand chose devant lui à cause du deuxième carton, mais il trottina comme il pouvait jusqu'à la porte pour suivre la jeune femme qui soupira une nouvelle fois. Un peu vexé, Benedikt tenta d'accélérer le pas, histoire de lui montrer qu'il n'était pas complètement impotent, non mais, si elle voulait être tranquille plus vite, elle n'avait qu'à l'aider au lieu de se moquer de lui.