Benedikt ouvrit des yeux d'un air curieux ; la conversation qu'il venait interrompre en arrivant était un peu surprenante. Pourtant, comme Nessy changea immédiatement de sujet en lui posant une autre question, il décida se taire pour l'instant en ce qui concernait Nathan et l'orphelinat où il vivait.
« Hmmm... Kalen, ça sonnerait mieux, non ? Qu'est-ce que tu en penses, Nessy ? »
« Oui, j'aime assez ! » Elle baissa les yeux sur la boule de poil grise. « Bon, ça te va, toi aussi ? Oui ? Alors adjugé vendu, mon cher Kalen ! »
Le chaton ne fit que continuer à ronronner comme un moteur ; il s'en fichait bien, de toutes évidences. « Bon, je vais le déposer chez moi, je ne vais pas le laisser ici toute la journée quand même. Tu veux venir, Benedikt ? Tu verras mon appartement en même temps. »
Quelques secondes plus tard, c'est avec un botaniste sur les talons et un nouvel animal de compagnie que la secrétaire passa la porte de chez elle. Elle le donna à ce dernier le temps d'enfermer ses deux autres chats dans sa chambre – les présentations demanderaient un minimum de préparation -, et l'amena jusqu'à sa cuisine soigneusement décorée (Benedikt se fit la réflexion que c'était bien un appartement de fille, mais il devait avouer que c'était bien joli et qu'il était un peu jaloux en repensant au sien pratiquement vide dans lequel il ne vivait plus vraiment).
Regardant la jeune femme remplir une coupelle d'eau fraîche, il laissait enfin la question qu'il lui brûlait la langue sortir ; « Pourquoi vous parliez de l'orphelinat de la Bonne étoile ? »
« Oh, ma copine et moi, on voudrait adopter, alors... »
« Attends, ta copine ? Tu ne parles pas d'une amie, vraiment de quelqu'un... heu... »
« Ben oui. Ne me dit pas que tu trouves ça bizarre parce que je n'ai pas la force d'argumenter avec quelqu'un qui est lui-même gay, hein. Vrass, c'est un homme, tu sais ? » Elle secoua la tête bien que sa désapprobation était nettement plus amusée qu'autre chose.
« Je ne vois pas ce que ma bonne humeur a à voir là-dedans mais je parlais surtout du fait que vous voulez adopter... Tu veux dire que c'est vraiment possible ? »
« Oui, bien sûr. »
« Même pour des hommes ?! »
« Oui, évidemment ! Tu peux te marier et adopter, ici. Olàlà. » Nessy se mit à rire en voyant l'expression du botaniste et déposa la coupelle d'eau par terre. « Pourquoi, tu vas en parler avec Vrass et lui demander une famille nombreuse ? »
« Oh, par Alrik, après ce qui s'est passé avec Nathan, no- » Il s'arrêta une seconde et plissa des yeux inquisiteurs. « Attends, c'est lui qui t'as parlé de cet orphelinat ? »
« Oui, il me l'a conseillé et... C'est quoi ce regard ? Benedikt ? Qu'est-ce qu'il y a ? »
« Non, rien du tout... » Le botaniste secoua misérablement la tête de droite à gauche, espérant au passage cacher son expression qui – il ne le savait que trop bien -, le trahirait.
« Oooh, tu mens ! Qu'est-ce qu'il y a ? Tu sais que tu mens mal ? Tu es rouge comme une pivoine. Allez, dis-moi. »
« Non, non.... Je ne sais pas ce que Vrass en pense alors je préfère ne rien dire. »
Nessy prit soudain une expression surprise qui signifiait bien qu'elle venait de comprendre. Forcément, ce n'était pas si dur quand le botaniste venait de mentionner le fils du winghox.
« Nathan ? Oh, bien sûr, c'est l'orphelinat où Nathan est en ce moment, n'est-ce pas ? » Elle lui jeta un regard éloquent alors qu'il essayait tant bien que mal de nier l'évidence. « Oh, tu mens vraiment mal, hein, c'est pas la peine d'essayer, si tu voyais ta tête, la réponse est presque écrite sur ton front. »
« Je sais... » déclara tristement Benedikt, abandonnant toutes tentatives si bien qu'il finit par se taire. La secrétaire, elle, fronça les sourcils en réfléchissant.
« Tu penses qu'il avait une idée derrière la tête en me conseillant celui-ci ? Il n'était pas obligé de m'en parler après tout... »
Les deux se regardèrent, parfaitement au courant qu'ils pensaient à la même chose.
« Je... Je ne sais pas du tout... On ne parle pas souvent de ça, je préfère attendre que ce soit lui qui aborde le sujet s'il a envie. C'est un peu sensible et je veux lui laisser le temps de réfléchir et de s'habituer à tout ça. » répondit Benedikt en se mordant la lèvre. « Mais là... ça m'intéresserait de savoir ce qu'il a derrière la tête... Je vais voir... »
« J'aimerais bien que tu m'en parles si tu réussis... Je veux dire, c'est un peu étrange mais après tout... Il y a peut-être quelque chose à tirer de cette idée... »
Le botaniste hocha la tête sans répondre plus, pensif. À lui, l'idée de voir le fils de Vrass adopté par Nessy et sa compagne semblait parfaite. Nathan aurait une famille, ils pourraient venir le voir souvent et le botaniste avait confiance en Nessy. Mais, il en était bien certain, c'était son point de vue et celui-ci était très différent de Vrass : pour commencer, si la même chose lui était arrivé, nul doute que son fils vivrait déjà avec lui. Il n'était pas forcément facile de savoir ce qui pouvait convenir au winghox, et ce n'était pas même pas sûr qu'il le sache lui-même.
« Je me demande comment il aurait réagi s'il avait découvert l'existence de Nathan avant de te rencontrer, tiens... » murmura soudain la jeune femme.
Apparemment, il n'y avait pas que le botaniste à être perdu dans ses pensées. Benedikt s'accroupit pour donner encore quelques caresse au chat qui reniflait un peu partout et hésitait encore à être aventureux. « Je n'en sais absolument rien. Et... Je ne suis pas sûr de vouloir savoir, en fait. »
« Il a beaucoup changé en peu de temps... À se demander ce que tu as de si spécial. » fit-elle remarquer avec un sourire doux.
« Moi aussi je me pose la question, à vrai dire. » s'esclaffa Benedikt à la suite de la secrétaire du Doc.
« Mais il faut croire que je suis chanceux. » Il resta une ou deux minutes silencieux, grattouillant le chaton avec un air absent, jusqu'à ce qu'il relève les yeux sur elle. « Je devrais y aller... Vrass va se commencer à se demander si on ne s'est pas fait kidnapper. »
« Oui, et moi je suis encore sur mes heures de travail... » rajouta Nessy qui reprit la touffe de poil – sa touffe de poil à présent – dans ses bras quelques secondes. « Allez, je pense qu'on peut le laisser là. Les deux autres vont bien survivre dans ma chambre quelques temps et je vais prendre un coussin pour mettre ici, que celui-ci puisse s'installer un peu tranquillement. »
Ils redescendirent peu après – un petit temps incluant notamment quelques caresses d'adieu de la part de Benedikt à son rescapé - au rez-de-chaussé, retrouvant le Doc et Vrass là où ils les avaient laissés. Le botaniste se glissa juste à côté du tatoueur et passa une main dans son dos, levant le nez vers lui alors qu'il se demandait s'ils allaient partir à présent ou non.