« Tu es sûr ? Il pourrait avoir besoin maintenant de cet argent, et je ne veux pas de traitement de faveur juste à cause de toi... Enfin, ce serait bien que je puisse travailler pour lui plutôt que de le payer vraiment, j'ai plus de temps que d'ores... »
La question du tatoueur fit à peine réfléchir Benedikt.
« Non... En fait, j'ai hâte de rentrer, j'avoue qu'après ces deux derniers jours, j'ai plutôt envie de rester à la maison. Enfin, chez toi, du coup. »
Le botaniste attrapa le poignet de Vrass pour lui montrer qu'il était prêt à partir, et il ne fallut pas longtemps pour qu'ils se retrouvent tout les deux dans la boutique de tatouages. Iza semblait aux abonnés absents, sans doute partie se promener ; elle n'était ni sous le comptoir, ni dans la cuisine, et il régnait un silence total à l'intérieur - à présent troublé par Benedikt qui posait le sachet en papier de l'herboristerie sur le comptoir et montait les escaliers tranquillement -. Il enleva ses chaussures avant d'arriver à la salle de bain où il tourna les robinets et prit quelques secondes pour obtenir une eau chaude qui ne risquait pas non plus de transformer la baignoire en cocotte-minute.
Le botaniste resta regarder quelques instants la baignoire se remplit avec une lenteur pleine de mauvaise volonté, et redescendit au rez-de-chaussée pour se planter à trois millimètres du tatoueur et l'embrasser avec un sourire espiègle.
« J'ai eu une idée en voyant les fleurs de Belladonna, tu sais. J'aimerais bien remercier Moïra pour ce qu'elle a fait pour moi, tu te souviens d'elle ? Mais je ne sais pas trop quoi faire et puis je ne la connais que très peu, je ne sais pas ce qu'elle aime, alors je me dis que je pourrait lui offrir des fleurs. Je ne peux pas me tromper avec un bouquet, non ? C'est le genre de choses qu'on offre à la Basse-ville, il y a toutes ces boutiques partout qui ne font que ça et les jolies filles sur les affiches ont l'air toujours très contentes d'en avoir. Je verrais ça plus tard, je n'ai pas envie de bouger cette après-midi... À moins que tu avais quelque chose en tête ? » continua-t-il, avant de se mettre à murmurer. « Moi j'en avais au moins une... »
Il s'arrêta, et mit ses mains derrière son dos en se redressant comme dans une tentative désespérée de réduire les centimètres de différence entre le haut de son crâne et celui de Vrass, pourtant simple réflexe, alors que son sourire s'élargissait. « Une qui me ferait voir tes fameuses manières, si tu vois ce que je veux dire... Par contre j'espère que la baignoire va se remplir vite, j'ai un peu froid. Je crois que l'été est vraiment en train de filer, là. Enfin, tu ne t'en rends pas compte, j'imagine ? »
Pas du tout dérangé par ses changements de sujets intempestifs, Benedikt continua, apparemment au milieu d'un de ses longs monologues qui nécessitaient une certaine attention de la part de ces interlocuteurs, pendant qu'il fouillait dans ses achats pour retrouver le flacon qu'il cherchait.
« Ce n'est pas un peu bizarre de ne pas avoir les doigts gelés par la neige ? Comment tu fais pour ne pas nous ébouillanter quand on prends un bain, d'ailleurs, en fait ? Parce que c'est un peu dangereux, finalement, de ne pas sentir le froid ou les brûlures. »