« Non, bien sûr, viens. »
En ce qui concernait sa santé, de toutes manières, le botaniste ferait tout ce que voulait le tatoueur. Aussi annoncer qu'il était fatigué lui valait une acceptation immédiate et spontanée.
« On reviendras vous dire comment ça s'est passé, si vous voulez ? Même si vous risquez de le savoir... Enfin, d'être au courant du résultat. » rajouta Benedikt avec un sourire amical.
Il lui dit au revoir et s'enfonça dans les couloirs interminables de l'hôpital avec Vrass.
« Je ne vois pas trop à quoi servent ces voitures à part pratiquement tuer des gens... » grommela-t-il en chemin, alors qu'il passait à nouveau à travers la petite cour aux arbres mal en point. Il commençait à faire un peu frais, comme un début timide de l'automne, les faisant légèrement frissonner. « Si cet homme a été renversé par une voiture lui aussi, il y a 40 ans, ça ne m'étonnerais même plus, tu vois. »
Ce n'était qu'un exemple de plus qui venait alimenter sa réticence envers tout ce qui avait deux ou quatre roues et qui dépassait les 30 km/h. À propos du reste de l'histoire, par contre, Benedikt n'était finalement que très peu surpris. Ce genre de situations n'arrivait pas qu'à la Basse-ville, et peut-être d'autant plus à Païlandune où les différences entre riches et pauvres étaient beaucoup plus visibles, l'argent justifiait les moyens. Mais ce n'était, bien sûr, pas une bonne nouvelle ; quel argument pourras être assez fort contre celui de la perte de sa fortune ? Ils ne pouvaient plus qu'espérer que cette vieille femme ne serait pas aussi indifférente qu'elle en avait l'air. L'infirmière leur avait donnée un morceau de papier avec seulement un nom griffonné dessus, mais il ne serait pas difficile de la retrouver. Son nom autant que son prénom avaient une odeur aristocratique et distinguée, et ce serait bien un miracle si quelqu'un d'autre dans cette ville portait le même. Benedikt repensa un instant aux paroles de l'infirmière en relisant son écriture fine.
« Tu crois qu'il s'agit de l'orphelinat de la Bonne Étoile, celui où est Nathan, sur ce testament ? Il ne doit pas y en avoir tant que ça ici. »
Ce serait une nouvelle motivation pour convaincre cette femme de laisser partir son mari. Le botaniste n'imaginait pas qu'il puisse exister des subventions pour ce genre d'établissement, et s'était demandé plusieurs fois comment l'orphelinat trouvait de l'argent, ici. Si cela pouvait assurer à Nathan des meilleures conditions de vie, ce n'était pas de trop.
Ils rentrèrent dans la petite chambre de Vrass – aux murs toujours aussi décidément pâles – et Benedikt aida ce dernier à s’asseoir sur son lit. Rejoignant le tatoueur, il se pencha vers lui pour poser une main à plat sur son front, puis se mit à sourire en l'enlevant.
« Tu n'es pas trop fatigué ? Tu devrais dormir un peu. Je sais que tu es un winghox, mais ça n'empêche que vous aussi vous avez besoin d'un peu de repos, après être passé sous un camion. Et puis je pense que tu vas avoir de la fièvre, bientôt, alors autant que tu dormes pendant ce temps là. »