Assis presque par terre, les jambes écartées à prendre appui sur mes genoux, je la regardais se désaltérer et manger doucement, comme une petite fleur fragile qui pouvait se briser d'un simple souffle de vent. J'en ai rencontré des gens fragiles, mais alors elle battait tous les records!
J'avoue que je connais pratiquement rien de Quinah et de la religion des environs, j'ai bien eu des clients qui en parlaient, mais j'ai jamais vraiment écouté, et là je n'avais pas le choix, mais je ne suivais pas tout. Ainsi donc, elle croyait en la destinée hein? Je ne voyais pas vraiment en quoi je pouvais changer ou faire partie de son destin - à part si elle était vierge et ne comptait pas le rester, mais j'en doutais - aussi je ne disais rien. Elle fit une petite pause, et j'en venais à me demander pourquoi elle me parlait de tout ça? Mais c'est comme un poison qu'on a besoin d'évacuer, quelque chose me disait que ça lui faisait du bien, aussi j'essayais de rester concentré même si je ne suivais pas tout.
Elle me parla de son père et de son ancien travail où elle semblait avoir commis une erreur, mais à partir de là, je commençais à décrocher. Les bouquins, c'est franchement pas mon truc, alors les archives de Quinah ou autre, j'y comprenais plus rien, et lorsqu'elle parla de rituel je décrochais totalement. J'avais alors levé la main, mais je m'étais tu, elle n'avait pas fini. Poiki quoi? C'est quoi ce truc? J'avais surement écarquillé les yeux sur le coup mais elle ne me regardait pas, fixant plutôt un point devant elle pendant qu'elle poursuivait. Ok... ben espérons que ce soit pas important.
J'ai pas vraiment compris la suite non plus, mais apparemment, elle aurait tué cet homme qui voulait découvrir quelque chose? J'ai entendu parler d'un monde, une sorte de royaume des morts où notre esprit s'échappe lorsqu'on meurt, un truc comme ça, mais certains disent que par la volonté d'Alrik ou d'Amroth, on peut faire en sorte que notre âme regagne notre corps... est-ce que le rituel qu'elle a tenté de faire avait quelque chose à voir avec ça? Peut être, même si j'ignorais que c'était possible, et cela pourrait expliquer que son patron se soit mis en colère et l'ait renvoyée, on ne plaisante pas avec la mort je suppose.
Je gardais les sourcils un peu froncés, n'étant pas sur de tout comprendre surtout! Mais le sujet change alors, elle se sent exclue et je ne peux que la comprendre... je baisse les yeux un instant alors qu'elle me parle des boutiques et de l'Antiquaire...
«Il n'y a qu'un Antiquaire à Ohime Quinah, mais il n'y a pas qu'Ohime Quinah sur Nideyle. Il y a un Antiquaire dans chaque grande ville de ce monde, Ephtéria, Balaine ou même Windrakk chez les miens. Sayah peut se rendre dans n'importe quelle boutique dès qu'il sent qu'un client y pénètre.»
Je soupirais doucement, frottant mes mains l'une contre l'autre d'un air absent, puis je regardais mes paumes une seconde de plus
«T'es pas la seule à avoir commis une erreur qui fait que tu n'es pas à ta place parmi les tiens. J'ai du quitter mon clan suite à... une erreur, même si elle est surement loin d'être aussi grave que la tienne, quoi que ça dépend des points de vue, ma sœur trouverait surement que ton crime est moins horrible que le mien.»
Malgré tout, contrairement à elle, je ne me sentais pas de lui en parler. Aussi je levais simplement la tête pour discuter de ce qui pouvait l'intéresser
«Moi je suis parti. J'avais 17 ans, donc surement ton âge non? Et j'ai gagné le Nord, traversant les montagnes pour atteindre la première ville sur mon chemin qui se trouvait être la Basse Ville. Enfin plutôt les Ghettos. Ça ne doit pas te dire grand chose, mais je peux te dire que c'est vraiment très loin de tout ce que tu pourrais imaginer.»
Ça c'est sur que si elle bosse pour Sayah et qu'elle doit avoir des clients de la Basse Ville, ça va lui faire tout drôle
«Mais je m'y suis habitué et j'y ai trouvé ma place. Et c'est mon nouveau chez moi.»
Je baissais de nouveau la tête et me levait un peu pour me diriger vers la fenêtre, les bras croisés pour réfléchir
«Ce que je veux dire, c'est que c'est toi qui décide où est ta place. Si Ohime Quinah te rejette, à toi de trouver un endroit où tu seras chez toi. Pour une personne comme toi, je pense qu'Aspasie serait une ville plus agréable, il y fait frais, il y a des cours d'eau, la vie est plus simple là bas... une fleur comme toi pourrait s'y épanouir librement.»
Houla, je deviens poète moi? Ça craint un peu. Enfin, je suis là aussi pour l'aider pour Sayah! Je lui ai dit que je me chargerais de l'endurcir. Ça finalement, je ne pourrai peut être pas, mais je me dis que je pourrais l'aider à trouver sa voie. Je reviens vers elle, m'asseyant sur le lit tout en gardant mes distances, et je remarque alors les larges créoles à ses oreilles. Le souvenir de boucles d'oreilles que le cabot avait achetées pour.. qu'on soit lié un truc comme ça me revient en mémoire, il n'avait pas acheté ça dans une boutique de Sayah? Je suis pourtant sur qu'il n'y a pas vraiment de bijoux chez l'Antiquaire...
«Dis moi, tu aimes les bijoux?» - comment passer du coq à l'âne, leçon n°1 par Vrass Rannveig!