Vrass ne croyait pas si bien dire en disant que le lendemain allait être une longue journée. Benedikt regretta un peu vers midi de ne pas avoir fait des petits yeux tristes pour amadouer le tatoueur à l'aider. S'il avait réussi à récupérer une échelle en milieu de journée, prêté par des petits curieux qui s'interrogeaient du bordel dans la bâtisse auparavant abandonnée, le nettoyage était bien plus difficile qu'il ne l'avait prévu. Notamment parce que cette foutue glace était impossible à déloger en général, sauf à l'aide d'eau chaude, que le botaniste était obligé de chauffer lui-même dans un seau posé dans la cheminée – il pouvait être reconnaissant qu'il en avait une, mais après tout dans ces contrées, c'était plutôt indispensable -.
Benedikt avait réussi l'exploit d'avoir les mains complètement gelées sans que cela ne l'empêche de se brûler, mais là encore, le botaniste se consola avec l'idée qu'au moins il avait moins mal à cause du froid, et que de toutes manières, quitte à avoir des ampoules, autant y aller avec brio. Il avait déjà nettoyé les étagères à peu près, un paquet de trucs à jeter déjà empilés dehors près de l'entrée.
Le comptoir, lui, avait été proprement nettoyé et reluisait jusque dans les coins, notamment parce que c'était par là qu'il avait commencé, quand il avait encore pas mal de courage.
Mais là, en fin d'après-midi et alors qu'il commençait sa deuxième heure à frotter, penché sur ce satané parquet, une brosse dans une main et un tissus plaqué contre son visage de l'autre pour ne pas mourir étouffé par la poussière, Benedikt avait bizarrement beaucoup moins d'énergie. Il avait bien vite renvoyé Tekla à simplement essayer de lui chercher du bois pour le feu vu qu'il avait failli avoir une attaque cardiaque en voyant la manière dont elle manquait de renverser ou transportait ses précieux pots et flacons. Si bien qu'il était bien tout seul pour faire ce boulot moyennement épanouissant, et en plus, l'avait cherché. Il y avait le gros renard polaire qu'il s'était réfugié dans l'arrière-boutique, mais bon, ce n'était pas lui qui allait aider.
Le botaniste se redressa et laissa tomber sa brosse par terre avec un soupir de soulagement. Un peu petit coup de balai et le tout devrait être à peu en ordre. De toutes manières l'envie de faire plus manquait. Benedikt avait rempli la plupart des étagères et allumé un feu à l'aide de quelques feunetons qui squattaient toujours l'arrière-boutique. Il avait décidé de les laisser toujours dans l'âtre avec du bois pour les laisser les fesses au chaud, cela permettait à la pièce de rester à une température raisonnable. Et après un rapide passage de balai nettoie-toi, le botaniste s'étala par terre devant la cheminé. Il se passa seulement quelques minutes avant que Gong – Benedikt avait ainsi nommé le renard dont il ne savait pas le nom, il trouvait que les bruits qu'il faisait ressemblait un peu à ça – ne vienne se rouler en boule contre lui pour profiter de la chaleur.
Si la bestiole morphe avait été méfiante et effrayée au début, elle n'avait pas mis longtemps à s'adapter à sa présence, mais là encore, le botaniste lui avait donné à manger encore une fois, un coin confortable sous le comptoir et la possibilité de rester autant de temps qu'il voulait dans la boutique.
Quelle heure pouvait-il être ? Benedikt n'en avait aucune idée. Dehors il commençait à faire vraiment sombre, mais Vrass avait dit de toute manière qu'il le retrouverait ici, aussi cela ne lui donnait aucune raison de bouger. Rien sur Nideyle ne pourrait, de toutes manières. Même pas le bruit de la porte d'entrée qui s'ouvrait en couinant un peu – maintenant beaucoup plus facile à ouvrir, pourtant.
« Tekla, je te jure que si tu poses une seule papatte dégueulasse sur mon parquet tout propre, je te maudis jusqu'à la septième génération ; et je te prie de croire que je dis vrai parce que je m'occuperais moi-même de faire de ta vie et celles de tes descendants un enfer. » déclara Benedikt sans ouvrir les yeux ni se redresser.
« Hé, tu sais même pas si je suis dégueulasse ! En plus la neige, ça fond juste, c'est pas sale. »
« Ça sent le sang jusqu'ici, je sais que tu viens d'aller chasser. Et la neige, j'ai passé ma journée à l'enlever de cet endroit. »
« T'as promis que tu me montrerais ton appareil à photo ! »
« Mmmm-mmh. Ouais, attends trente secondes, j'arrive. Il me faut du courage pour bouger un orteil, alors le reste, je ne te dis pas. »