Le temps d'un battement de cil, Archélas, Ceithli et Nadia passèrent de Banba à Aspasie ! Encore un peu hébété après ce bond dans l'espace, le soldat lâcha la main de son épouse et examina rapidement les alentours. Aspasie était l'une des villes qu'il connaissait le mieux avec Ephtéria, ses ruelles autant que ses environs ou ses commerces. Aussi se mirent-ils rapidement en route. Chemin faisant, Archélas constata que beaucoup d'habitations dont les toits avaient été brûlés par Amroth étaient à présent réparées. Quelques ouvriers grouillaient encore sur les charpentes mais l'activité était beaucoup plus calme à présent que le plus gros avait été remis en état. Sur les pavés malgré les intempéries, on trouvait encore parfois de la suie. Les habitants surtout avaient retrouvé leur bonne humeur.
En passant devant l'auberge, Archélas exigea une minute de pause et s'engouffra à l'intérieur du Moulin à Paroles. Il y trouva le gérant occupé à astiquer ses verres derrière le comptoir, tandis que le commis passait le balai.
« Ah ! Bonjour Sire Ages. Un thé et des biscuits, comme d'habitude ? »
Le soldat se déplaça jusqu'à lui, se retenant de justesse d'accepter la proposition pour le plaisir de se remplir l'estomac de quelques douceurs supplémentaires.
« Je ne viens pas pour cela, merci. Je me demandais si vous cherchiez toujours une serveuse ?
_ Votre femme a accepté ? S'exclama aussitôt l'aubergiste avec un enthousiasme presque effrayant.
_ Euh non... Mais j'ai peut-être quelqu'un pour vous. Mais... elle est timide.
_ Sans vous vexer, c'est pas un métier pour les timides.
_ Je sais mais elle pourrait aider à autre chose. Ranger la réserve ou nettoyer après le service. Faire les chambres ?
_ Hummm...
_ Elle apprendra. Insista Archélas.
_ Je ne sais pas trop. J'ai pas besoin d'une empotée entre les pattes. Il me faut quelqu'un avec du répondant à moi, qui se démonte pas devant le travail à accomplir.
_ Je vois... Je vais voir ce que je peux faire, en attendant, vous voulez bien y réfléchir ?
_ Bah si vous voulez mais pourquoi vous me demandez ça à moi ? Il y en a d'autres des auberges, et puis il y a du travail en ville.
_ Je sais, mais j'ai confiance en vous et c'est pour... un membre de ma famille. »
Le gérant haussa un sourcil, à la fois intrigué face à ce qu'il interpréta comme un compliment, et suspicieux à cause de cette histoire de famille.
« Dites, c'est pas pour une de vos cousines des fois ? Ce qui fit rire Archélas.
_ Ah non ! Elles sont trop sottes pour savoir comment mettre un pied devant l'autre, je n'oserai pas vous les imposer. »
Après avoir échangé encore quelques paroles, le soldat quitta l'auberge et reprit le chemin de la maison. Ils traversèrent le Larme, puis s'engagèrent sur le sentier qu'ils avaient eux-même tracé à force d'allées et venues à travers champ. À mi chemin, Nadia se réfugia derrière Ceithli, surprise par la charge inopinée de ce qu'elle pensa être un kordatt... Archélas reconnu Kipù et se baissa aussitôt pour l'accueillir, tombant à la renverse lorsque l'orios se précipita dans ses bras pour lui lécher le visage. Pouah ! La douleur des ses côtes se réveilla, même s'il était trop soulagé de retrouver un peu de chez lui dans la fête que lui faisait son familier pour s'en plaindre. Puis l'animal le délaissa pour bondir autour de Ceithli en japant, cherchant à la lécher également en se mettant sur ses postérieurs, presque sur la pointe des pattes ! Mais tout à coup intrigué par Nadia, il se mit à décrire de grands cercles autour d'elle en remuant la queue.
« N'aie pas peur. Rassura Archélas en se relevant. Il a une tête pas possible mais il est gentil.
_ J-je sais... mon oncle en élève pour la chasse. »
Le soldat esquissa un sourire. C'était la première fois que la jeune fille osait s'adresser directement à lui, même si elle refusait toujours de le regarder.