Précédemment pour Archélas :
Fin limierArchélas s'était saisit de l'orios à bras le corps pour le déposer au sol, se demandant vaguement pourquoi Sayah l'avait posé sur le comptoir. De mémoire, c'était bien la première fois qu'il s'amusait à ça... Pourvu qu'il ne fasse pas la même chose avec les montures... La corde enroulée autour de son poignet, il avait placé le panier des enfants sous le nez de l'animal avant de l'encourager maladroitement par une sorte de caresse sur les plaques osseuses de sa tête... Quelques secondes plus tard, il sortait en courant derrière le familier qui tirait sur sa laisse improvisée.
« Eh ! Protesta un passant qu'ils bousculèrent.
Tenez-le un peu mieux, espèce de danger publique !
_ Pardon... »L'orios le traîna jusqu'aux montures, tourna en rond une ou deux fois sur lui même puis détalla en direction de la palissade. Il passa sa tête étrange dans l'espace laissé par la planche arrachée et se retrouva coincé au niveau des épaules. Du coup, Archélas hésita juste une seconde avant de le lâcher et d'escalader l'obstacle. Une fois de l'autre côté, il récupéra la corde et fini d'élargir le passage à grands coups de bottes enragés. Les villageois pouvaient bien sortir de chez eux et se plaindre du bruit ou des dégâts, il n'en avait rien à faire ! L'orios grattait le pavé dans sa volonté à se faufiler, jusqu'à arracher un gros morceau de planche et rejoindre enfin son éventuel futur maître. Le nez collé au sol, il fila tout droit, contournant les caisses et les barils sans hésiter. Il fit fuir les deux porcs occupés à nettoyer l'arrière cour, et la grosse dame d'un peu plus tôt claqua rapidement la porte à son approche pour s'enfermer chez elle.
L'orios renifla le seuil de sa porte avant de faire demi tour. Il trottina jusqu'à une porte de service, s'arrêta, tourna plusieurs fois sur lui-même. Le soldat serra les dents. Bon sang ! Est-ce que les petits étaient entrés là ? Au moment où il mettait la main sur la poignée, prêt à entrer par effraction n'importe où du moment qu'il récupérait ses enfants, son familier éternua. Il gratta le sol, ronfla, tourna encore... et reparti finalement vers le côté opposé de la ruelle d'un pas décidé. Archélas qui avait momentanément perdu espoir, se remit à courir derrière lui en priant toutes les Infinitudes de Nideyle à la fois...
Jusqu'à ce qu'il entende - au détour d'une ruelle - le grondement caractéristique des protestations. Comme un murmure déplaisant de voix appelant à la haine. Il n'était pas assez près pour entendre précisément ce qui se disait, mais il n'était pas idiot et le devinait facilement. Son cœur se mit à battre de colère et de terreur en imaginant les villageois s'en prendre à ses enfants dont ils ne voyaient que l'apparence féline. Du coup, il accéléra l'allure et se mit à courir derrière l'orios dont le nez frôlait le pavé à mesure qu'il suivait sa piste. En tournant de nouveau à l'angle d'une maison, il se retrouva à son point de départ... sauf qu'un petit comité d'accueil l'attendait en les personnes d'Aspasiens mécontents. En demi-cercle et armés de fourches - d'épées pour certains - ils lui firent penser à une meute de loup rabattant leur proie... autrement dit : Ceithli !
« NE LA TOUCHEZ PAS !!! Hurla-t-il en bousculant la foule pour se frayer un passage jusqu'au guépard.
C'EST MA FEMME ! »Il y eut un mouvement de recul dans la foule, tous les regards se tournant en même temps vers le félin dont le sommet du crâne était noir. L'orios tira sur sa corde pour s'approcher de la jeune femme, grogna une seconde, s'arrêta comme s'il réfléchissait. L'odeur lui était familière. Elle était aussi dans le panier. Mais ce n'était plus celle-là qu'il suivait.
« Vous coucher avec un tigre ?
_ C'est une morphe, et mes enfants sont morphes aussi. Répondit Archélas du tac-au-tac d'une voix blanche.
Nous les avons perdus... s'il vous plaît, aidez-nous à les retrouver. »Avant que quiconque ait pu répondre, l'orios poussa un aboiement puissant avant de se jeter de nouveau en avant. Il tira si brutalement sur sa corde que le soldat failli la lâcher s'il ne l'avait pas enroulée autour de son poignet. Il glissa sur les pavés, et se remit à courir derrière lui.
« Ceithli, par-là ! Je lui ait fait sentir le panier, je suis sûr qu'il peut les retrouver ! »Sûr, non, mais c'était son seul espoir... À bout de souffle, Archélas remonta la rue principale, son cœur pulsant dans sa poitrine, jusqu'à lui faire mal lorsqu'il reconnu les portes d'Aspasie, les plaines... le quai. Pas le train... par Alrik, pas le train... L'orios monta les marches quatre à quatre, bouscula trois bagagistes et un contrôleur, fit s'enfuir un couple de Noble, et s'arrêta tout net au bord du quai. Le train n'était plus là. Seul un nuage de fumée trahissait son départ à l'horizon.
« C'est... pas possible...
_ Ils ont pris le train...? »Derrière eux, une petite fille toute aussi essoufflée qu'Archélas les regardait avec tristesse. Sans doute avait-elle fait partit de ceux qui étaient prêt à chasser Ceithli quelques minutes plus tôt, toujours était-il qu'elle les avaient suivis et qu'elle semblait à présent inquiet.
« On vous les a volé ? »Un jeune homme arrivait juste derrière elle, son grand frère peut-être. Ils échangèrent un regard, puis regardèrent Ceithli, puis Archélas.
« Nous on s'en fiche que vous soyez un tigre. Si on vous a volé vos enfants, on va le dire aux adultes. C'est horrible de faire ça ! »Mais Archélas était trop abasourdi pour réagir. À croire qu'Aspasie ne voulait pas de lui... et il ne vit même pas son orios somnoler debout. La piste de la cimaille qu'il avait suivit depuis l'arrière cour de l'auberge commençait à le rendre chancelant.