Retrouvailles et scènes de ménage

[Ceithli]

Si autrefois la maison des Ages paraissait plutôt rudimentaire, en près de quatre mois depuis qu'Archélas était parti, celle-ci avait été tout simplement transformée. Son époux était pourtant revenu entre temps, quelques brefs passages entre deux missions sans plus, mais depuis deux mois maintenant, il n'avait plus mis les pieds dans sa propre maison, comme si le Roi Livian d'Ephtéria faisait exprès de le maintenir loin d'elle, et c'était même probablement le cas.

Le ventre désormais bien rond, la jeune femme continuait tout de même de faire attention à son corps, marchant tous les jours pour aller au marché ainsi que pour se rendre à la boucherie où elle travaillait à présent. Si autrefois elle ne faisait que livrer pour ses parents, elle avait désormais appris à bien travailler la viande, la découper soigneusement à la bonne taille pour satisfaire les clients, l'agrémenter d'herbes et d'aromates aussi, ce qui lui permettait aussi de récupérer un petit morceau pour elle lorsqu'elle rentrait le soir. Désormais, elle savait que son bébé était aussi un morphe, après les explications de sa mère, elle avait clairement senti les premières transformations de l'enfant, en revanche, il gigotait tellement qu'il lui était impossible de savoir combien il y en avait, mais Sofiaa avait tout de même l'impression qu'ils étaient au moins deux.

Aussi, par sécurité, Rhëanor avait fabriqué un autre lit pour le mettre à côté du premier et Ceithli avait bien avancé dans la décoration. Elle était restée plutôt neutre dans la mesure où elle ne savait pas si elle aurait une fille ou un garçon, mais elle avait privilégié une décoration avec des animaux, des chevaux, des hiéras, des anticus sculptés dans du bois et accrochés aux murs. Des rideaux dans les tons jaune orangé pour mettre tout de même un peu de couleur dans la chambre, elle avait souhaité avoir un tapis et son beau père lui avait promis de lui en faire parvenir un dans les mêmes tons de couleur, ainsi que des draps pour les lits d'enfants. Elle ne leur avait pas dit qu'il y en aurait peut être deux, au cas où histoire qu'ils ne soient pas déçus si finalement un seul venait à naître.

Ce jour là, elle était dans le salon en train d'essayer de tricoter un pull. Sa mère lui avait appris les bases, et la bouchère pour qui elle travaillait lui avait également donné quelques conseils puisque Ceithli avait souvent profité de ses pauses pendant le travail pour sortir prendre l'air et continuer son tricot. Aujourd'hui, c'était son jour de congé aussi elle s'était mise à l'arrière de la maison dans un petit rocking chair afin de profiter de la chaleur du printemps. Le pull était prévu pour quand le bébé aurait environs six mois vu la taille, donc justement pour l'hiver prochain, de couleur blanche puisque dans le coin, elle n'avait pas pu acheter de la laine d'une autre couleur, et elle n'avait pas voulu attendre que son beau père lui en expédie de la teintée depuis Ephtéria. Et puis au moins, le blanc allait aussi bien à un garçon qu'à une fille.

L'anticus était en train de brouter dans l'enclos d'à côté, paisible et tranquille, ses oreilles aux aguets comme toujours. Il pouvait bondir par dessus la clôture si le cœur lui en disait, elle avait fait exprès de ne pas augmenter la hauteur pour qu'il soit un minimum libre, de toute manière, il pouvait revenir dès qu'elle l'appelait grace au médaillon sanglant, mais depuis que son ventre avait grossi, il semblait plus protecteur envers elle et restait donc souvent à proximité.

Depuis l'incident avec Kjeld, la jeune femme était obligée de rester sur ses gardes, mais elle était soulagée de savoir qu'elle pouvait désormais se transformer pour s'enfuir si besoin. Elle n'hésitait pas d'ailleurs parfois à le faire pour calmer l'enfant lorsqu'il bougeait trop, sa mère lui avait fait remarquer que c'était un bon moyen car ayant moins de place, il est obligé de se transformer aussi et se roule en boule. Elle pouvait ainsi se dégourdir les pattes mais elle se refusais à chasser pour ne pas prendre le risque de prendre un mauvais coup. N'importe quelle proie, aussi faible puisse t'elle être en apparence, pouvait la blesser au ventre. Toujours est-il que personne n'était venu la trouver. Les soldats ayant cru qu'elle était innocente grace à l'intervention de son frère étaient désormais morts, donc elle savait que l'avis de recherche sur sa tête n'avait pas été retiré, mais de la même manière, ils n'avaient pas eu le temps de signaler qu'elle se cachait dans cette ville, et les habitants n'aimant pas les soldats, personne n'avait cafté.

Soupirant d'aise devant une petite brise agréable, elle finit par se lever pour aller se préparer un peu de citronnade, il faisait chaud et cela allait la désaltérer. Une fois dans la cuisine, elle posa les yeux sur un petit morceau de papier qui lui fit froncer les sourcils. Un message de son époux qui partait en mission avec une autre femme... depuis aucune nouvelle, et même si elle essayait de ne pas trop s'énerver, ni angoisser, elle espérait qu'il se dépêcherait de lui envoyer un autre message pour lui confirmer qu'il rentrait à la maison. L'angoisse qu'il n'ait pas envie de rentrer ne la quittait plus désormais...

[Archélas Ages]

Précédemment : Les rives du Liek
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Combien de jours s'étaient-ils écoulés depuis qu'Archélas avait pris congé de l'Élite ? Il n'en avait aucune idée. À vrai dire, il s'en moquait même éperdument ! Depuis que son unique objectif était de rejoindre Aspasie, il avait galopé des heures durant, heureux que Nemesis ait retrouvé toute sa jeunesse grâce aux graines qu'il avait achetées à l'Animalerie. Au début, il avait regretté d'avoir laissé son Anticus blessé à Shell. Il se disait que le sang finirait par lui attirer toute une armada de prédateurs, et que Sayah risquait de lui passer un savon mémorable par sa faute. Il se trouvait un peu lâche aussi, de ne pas y être allé en personne.

Mais à mesure qu'il mettait de la distance entre le lieutenant et lui-même, toute culpabilité s'estompait au profit d'un besoin quasi vital d'aller toujours plus vite afin de retrouver son épouse. Comme si plus rien d'autre ne comptait sur Nideyle !

Contraint de ralentir l'allure en arrivant aux abords d'Aspasie, c'est au grand trot qu'il s'engouffra sur une allée pavée, les rares promeneurs s'écartant sur son passage. Comme chacun le savait, mieux valait éviter de se mettre sur le chemin d'un soldat du Roi ! Il repassa toutefois au pas afin de permettre à sa jument de souffler, et bifurqua à vers l'est sur un chemin de terre peu emprunté. Là-bas en bordure du Larme, s'étalaient les moulins comme un grand chapelet... mais un peu plus en retrait près d'un petit bois trônait fièrement sa maison...

Leur maison !

Le cœur du soldat se mit à battre de plus en plus fort, et c'est avec peine qu'il se retint de ne pas repartir au galop, et entrer dans son salon à cheval directement, pour aller plus vite ! Dans l'enclos, l'Anticus abandonna son idée de tondre la pelouse pour lever la tête dans leur direction. Surpris sans doute d'avoir de la visite, il ouvrait ses grands yeux de biche et tournait ses immenses oreilles vers les nouveaux venus. En guise de salut, Nemesis poussa un hennissement puissant, toute guillerette à l'idée de retrouver son copain de pré... tant pis pour l'effet de surprise...

Archélas s'arrêta tout près et sauta à terre avant de défaire filet et selle à la volée, posant le tout en vrac sur les lisses de bois. Il eut tout juste le temps d'entrouvrir la porte de l'enclos que sa jument s'y ruait déjà, elle et Anarion partant en de folles cabrioles comme deux chevreaux insouciants. Les laissant s'amuser, le soldat se dirigea ensuite à grands pas vers la cuisine. Il en fut quitte pour esquiver une attaque sournoise de la Dioctanis plantée juste devant, et heureusement encore trop petite pour faire beaucoup de dégâts.

« Eh, c'est moi qui t'ai plantée andouille ! » Gronda-t-il sans se soucier de paraître idiot en parlant à une plante.

Prudent, il lui laissa les restes d'un faisan qu'il avait abattu la veille et après une grande inspiration, poussa la porte de la cuisine.

« Ceithli...? »

[Ceithli]

Le hennissement de Némésis fut effectivement le signal d'alarme! Ceithli sursauta et voulut se pencher pour tirer le rideau au-delà du plan de travail, mais elle n'en était pas capable à cause de son ventre. Son cœur se mit à battre à toute vitesse, est-ce que c'était lui? Ou bien c'était un soldat du roi qui revenait? Elle rangea rapidement le papier avant de sortir pour retirer sa robe, elle se transforma alors, entendant le claquement de la Dioctanis, elle n'entendit plus rien par la suite. La peur qu'il s'agisse d'un soldat venu l'arrêter faisait battre le sang dans ses oreilles et elle se glissa sous la table de la cuisine en attendant de pied ferme cet intrus qui voulait peut être lui faire du mal.

Personne n'était venu la voir depuis Kjeld, personne n'était entré dans cette maison, personne. Et si Archélas avait du revenir, elle s'était dit qu'il la préviendrait aussi elle avait le sentiment que jamais elle avait eu aussi peur de sa vie. Des bottes pleines de boue qui empestaient le sang, une vague odeur reptilienne aussi et peut être d'alcool sucré. Tout ce qui laissait croire à un soldat et pourtant... cette voix? C'était lui? Il est vrai qu'elle ne s'était plus transformée devant lui depuis longtemps, depuis qu'elle avait su être enceinte, et elle n'avait donc plus vraiment souvenir de son odeur, mais sa voix en revanche, elle n'avait pas besoin d'être un guépard pour la reconnaître.

Elle sortit donc de dessous la table, ses grands yeux noirs affichant clairement la surprise de le voir et elle recula de plusieurs pas avant de finalement fuir dans la pièce d'à côté. Il lui fallut plusieurs minutes avant de revenir, vêtue de nouveau de sa longue robe en lin de couleur beige doré. Ses cheveux lâchés, bien lisses et raides comme chaque fois qu'elle venait de se transformer, tombaient de chaque côté de ses épaules, et elle tenait une main sur son cœur et l'autre autour de son ventre
«C'est... vraiment toi?»

Elle n'arrivait pas à y croire, elle avait envie de lui sauter au cou mais... il ne l'avait plus vue depuis qu'elle avait commencé à grossir. Elle se tenait donc dans l'encadrement de la porte de la cuisine qui menait au salon, elle semblait avoir peur de lui finalement et c'est avec une grande difficulté qu'elle avala sa salive
«Je... j'ai cru que tu ne reviendrais jamais...» inconsciemment, ses yeux se posèrent sur le petit pot de sel dans lequel elle avait caché le mot qu'il lui avait envoyé. La peur qu'il soit parti avec une autre lui semblait ridicule à présent et pourtant... elle ne savait toujours pas comment il allait réagir en la voyant ainsi

[Archélas Ages]

Durant tous le trajet qui avait mené Archélas jusqu'à Aspasie, il avait mille fois eu le temps d'imaginer ses retrouvailles avec son épouse. Mais de toutes les scènes auxquelles il avait pensé, celle à laquelle il assista ne s'était jamais présentée !

Sur le seuil de la cuisine, la Dioctanis mâchonnant son repas derrière lui, le soldat s'était figé : un guépard aux yeux entièrement noirs le fixait depuis le dessous de la table, et après une brève observation du nouveau venu, venait de filer vers une autre pièce ! L'ennui, c'est que le jeune homme avait quitté une Ceithli humaine et incapable de se transformer... aussi ne sut-il pas quel membre de la famille Elbereth venait de croiser sa route... ni s'il s'agissait effectivement d'un Elbereth ! Pris de panique, il ne ne retrouva une partie de ses esprit qu'en dégainant sa rapière, prêt à affronter les guépards intrus susceptibles d'avoir pris son épouse en otage...!

« Ceithli !!! Je suis là, où es-tu ? » Appela-t-il sur le ton du héros déterminé à arracher sa promise des griffes de l'ennemi.

Mais en guise de réponse, il eut droit à une apparition qui le rendit non seulement muet mais aussi plus immobile qu'une statue. L'arme brandie, les yeux écarquillés et la bouche à demi ouverte, il n'en revenait tout simplement pas. Car si à quatre mois de grossesse la silhouette de Ceithli n'avait rien d'alarmant, à présent que le sixième mois s'était installé, on ne voyait plus que ça !

Laissant son bras armé retomber le long de son corps, Archélas reprit petit à petit ses esprits. Son regard résolument incapable de quitter le ventre plus que rebondi de son épouse, il parvint tout de même à fermer la bouche et à adopter une expression moins ahurie face à ce qu'il avait sous les yeux. Et puis enfin, son regard accrocha celui - d'ébène - de la jeune femme, remarquant seulement sa gêne, ou son hésitation, ou... sa tristesse...?

La rapière du soldat tomba au sol tandis que dans un élan irraisonné, il se précipitait vers elle. Les bras ouverts et les larmes aux yeux comme s'il venait seulement de réaliser qu'il allait être papa - pour de vrai - il l'enlaça aussitôt et la serra contre lui. Quelques baisers piquants échouèrent dans le cou de sa promise alors qu'il respirait son odeur avec délice, et savourait la caresse des cheveux d'or sur son nez, la serrant plus fort à mesure que l'émotion le gagnait. Le ventre gênait un peu, mais il était heureux de le sentir contre lui. De la sentir contre lui.

« Tu m'as manquée... Ma puce... évidemment que je suis revenu... »

[Ceithli]

Évidemment qu'il avait eu peur, c'était l'une des raisons pour lesquelles elle s'était justement transformée. Elle voulait effrayé l'intrus. Mais désormais, elle se tenait là devant lui, bien humaine au ventre rebondi qui attirait de toute évidence tous les regards. La jeune femme avait légèrement avancé pour poser une main sur le plan de travail, le cœur serré par une douleur muette partagée entre la joie de le revoir et le manque qu'elle avait pu ressentir à le savoir si loin et surtout avec une autre.

Mais finalement il venait lui sauter dans les bras, sans trop de douceur il fallait le reconnaître mais ça n'avait jamais été son point fort de toute manière, bien qu'il savait quand même se montrer tendre par moment. Mais jamais en revenant de mission, comme s'il devait reprendre l'habitude de se comporter en homme marié après avoir été seul si longtemps. Sa réaction eut de quoi la rassurer tout de même, et elle vint donc se blottir contre lui avec réconfort et malgré l'état plus que déplorable de ses vêtements, elle prenait un vrai plaisir à le serrer aussi contre elle, tout en gardant le bassin légèrement reculé pour ne pas que son ventre gêne.

Au bout de quelques secondes d'étreintes, elle recula, plantant son regard d'ébène dans celui de son époux en posant une main sur sa joue où la barbe commençait à prendre le dessus sur la peau
«Dans quel état tu es... je vais te préparer un bon bain...» elle savait qu'il n'était pas forcément un adepte des bains, mais là, ça s'avérait plus que nécessaire! Et hors de question qu'elle le prenne avec lui, vu l'état dans lequel il se trouvait, elle ressortirait plus sale qu'en y entrant. Mais avant, elle s'approcha et l'embrassa avec cette angoisse de celle qui n'arrive pas à croire ce qu'il se passe. C'était comme un rêve alors qu'elle s'était imaginé le pire. Elle le savait lorsqu'elle avait choisi de l'épouser, elle savait qu'il serait souvent loin, elle savait qu'elle aurait toujours cette peur qu'il se fasse tuer et qu'il ne revienne pas. Oui, elle savait tout ça et pourtant elle en souffrait, mais en silence.

Jamais elle ne pourrait demander à Archélas de renoncer à sa vie de soldat. Même si parfois il aurait aimé être auprès d'elle, elle savait qu'il avait besoin de ses longues aventures un peu partout sur Nideyle, et elle-même devait reconnaître que la fois où ils étaient partis ensembles un peu partout vers le Sud avait été l'une des expériences les plus éprouvantes, mais aussi les plus merveilleuses qu'elle ait vécu. Lorsqu'elle détacha ses lèvres des siennes, elle continuait de passer sa main sur la joue de son époux, caressant cette barbe hirsute couverte de poussière et peut être même d'un peu de sang. Mais elle n'en exprimait pas le moindre dégoût si ce n'est qu'elle avait peur de ce qu'elle pourrait trouver sous la crasse.

Elle laissa donc sa main glisser jusqu'à celle de son époux pour l'entraîner vers la salle de bain, elle n'avait rien changé depuis la dernière fois, n'étant pas le genre à mettre des bibelots partout, si ce n'est qu'il y avait un vrai pain de savon parfumé au lait sur le bord de la baignoire en bois, cadeau de sa mère qui était allée exprès dans les Ghettos pour en acheter. Sofiaa s'était vite rendu compte qu'il y avait de nombreuses choses que l'on pouvait trouver dans les petites épiceries là bas, qui n'étaient vraiment pas chères mais qui pourtant étaient des produits de luxe pour les gens du Nord. Elle était même surprise qu'il n'y ait pas eu quelques uns pour tenter ce genre de commerce, si le trajet était plutôt difficile, vu les différences au niveau des prix, il y aurait de quoi se faire beaucoup d'argent, et Banba étant la ville la plus proche, la famille Elbereth s'était également lancé dans ce genre de commerce.

Évidemment, ils ne prenaient aucun produit qui serait susceptible de choquer les habitants, et il fallait souvent changer les contenants, aussi Sofiaa vendait donc du savon une fois par semaine au marché. Et évidemment, elle en faisait passer gratuitement à sa fille chaque fois que Jhérer allait la voir pour lui apporter aussi de la bonne viande. Elle refusait d'admettre que celle de la boucherie où Ceithli travaillait puisse être aussi bonne que la sienne et tenait donc à ce qu'elle soit livrée au moins une fois par semaine aussi. Dans la mesure où les habitants de Païlandune n'aimaient pas trop les parfums synthétiques qui leur faisaient penser à des objets du démon, Sofiaa prenaient toujours des savons aux odeurs traditionnelles: lait, miel, fleur d'oranger. Et cette semaine là, ça avait été un pain de savon au lait. En général, elle ne lui en envoie qu'un par semaine, c'est largement suffisant pour sa toilette et sa lessive, mais là, Archélas risquait de lui finir tout son stock! Heureusement qu'elle en avait quand même encore un autre au miel qui traînait quelque part.

«Je te laisse remplir la baignoire, je vais allumer le feu...» elle l'embrassa à nouveau en un soupir qui montrait combien il avait pu lui manquer, puis elle fila vers l'étage inférieur. La pompe avait été placée juste au-dessus de la baignoire pour ne pas avoir à transvaser des seaux. Son père avait même aménagé un système pour que l'effort soit le moindre possible afin que Ceithli n'ait aucun mal à remplir elle-même la baignoire, même si bientôt elle ne pourrait probablement plus du tout enjamber le bord pour s'y glisser, elle devrait se contenter d'une petite toilette à la main jusqu'à l'accouchement.
Son père avait vraiment fait un travail de titan avec le puits. Celui-ci se trouvait dans la cour près du potager, mais il avait créé un petit réseau de tuyaux sous la maison afin de conduire l'eau jusqu'à la cuisine et la salle de bain. Jamais elle n'aurait cru qu'il ait de telles notions mais de toute évidence, après avoir fait pendant des années, tout un tas d'essais dans sa propre demeure, il avait fini par acquérir une certaine expérience dans ce domaine.

Pour l'heure, Ceithli alluma une bougie qu'elle posa sur un socle doté d'une petite poignée avant d'ouvrir la trappe et descendre à la cave. Là où se trouvait le garde manger où il faisait frais, elle bifurqua vers une petite porte pour se retrouver dans la chaufferie où il faisait déjà nettement plus chaud et humide. Elle mit des bûches de bois dans la cheminée avant d'utiliser une longue tige fine de bois qu'elle alluma à l'aide de sa bougie afin de faire flamber les brindilles qui aideraient le feu à partir. Elle resta là quelques secondes à regarder les flammes augmenter jusqu'à utiliser le tisonnier pour s'assurer que ça prenait bien. Puis elle mit les petites pierres qui devaient protéger l'âtre avant de remonter. Elle transpirait un peu, il faisait vraiment chaud en bas, et heureusement qu'elle fermait soigneusement la porte, sinon le garde-manger n'en serait plus vraiment un.

En remontant, elle se demandait si Archélas avait fini de remplir la baignoire, il faudrait quand même du temps avant que l'eau ne soit chaude, et elle allait donc lui faire visiter la maison pour qu'il voit comment elle était à présent. Laissant la bougie désormais éteinte dans la cuisine, elle revint vers lui en souriant timidement
«Tu veux que je te fasse visiter la maison?» après tout, il n'avait pas vu la chambre d'enfants terminée.

Oups! Désolée du pavé, je me suis laissée emporter trop contente de reprendre notre petit rp

[Archélas Ages]

Lorsque Ceithli se recula, Archélas se souvint à quel point ce regard de jais lui avait manqué. Ses yeux dans les siens, il posa son front sur celui de sa compagne et resta ainsi un moment, savourant simplement cette quiétude à laquelle il avait été arraché si longtemps. De temps en temps, un baiser de sa féline venait humecter ses lèvres. Ce furent ces seuls efforts après la longue chevauchée qui l'avait ramené chez lui. Pour dire la vérité, le soldat osait à peine bouger. D'abord parce qu'il appréciait de se retrouver si près de son épouse, et ensuite parce que les courbatures des jours passés ne demandaient qu'à se rappeler à son bon souvenir.

Se laissant traîner jusqu'à la salle de bain comme un enfant sage, il voulu rattraper Ceithli mais en fut quitte pour se retrouver tout seul sur le seuil, la jeune femme disparaissant déjà dans la cuisine. Zut ! Il n'aimait pas l'idée qu'elle s'agite autant avec... avec un ventre aussi... rond. Enfin, puisqu'elle lui demandait de remplir lui-même sa baignoire, il se hâta d'actionner la pompe à eau que Rhëanor avait installé, ne remplissant le fond du bac servant de baignoire que d'une quinzaine de centimètres à peine. D'une part l'eau chaufferait beaucoup plus vite ainsi, et d'autre part il s'épuisait moins, car pomper se révélait particulièrement physique !

Un instant, il se demanda même comment faisait Ceithli pour se servir de l'eau sans accoucher tant l'effort lui paraissait exagéré ! Mais renonçant à résoudre ce problème absurde, il ôta son tabard et sa brigandine qu'il laissa tout bonnement tomber au sol. L'eau ne serait pas chaude avant un moment - beaucoup plus court que s'il avait rempli la baignoire au ras bord - mais en attendant, la chaleur aidant, il ne supportait plus ses vêtements poisseux, puants, lourds d'une quantité impressionnante de crasse, de sang et de mauvais souvenirs. S'il s'était écouté, il est probable qu'il aurait tout retiré... mais déjà son épouse revenait et interrompait ses projets exhibitionnistes pour lui proposer de lui faire visiter leur maison...

« Euh... je crois que je la connais... S'étonna-t-il, sans réaliser que la jeune femme lui réservait peut-être une surprise. Tu est sûre que ça va ? »

C'était vrai qu'il avait longtemps été absent... mais il ne s'était pas attendu à ce que sa propre épouse le traite comme un presque étranger à son retour. S'il s'en serait sans doute vexé en temps normal, épuisé tel qu'il l'était, il oublia sa fierté personnelle et s'approcha doucement. De nouveau, son regard était venu s'accrocher sur l'immense colline qui remplaçait le ventre de sa compagne.

« Il y a quelqu'un de ta famille à la maison ? Demanda-t-il en posant ses deux mains de part et d'autre de cette nouveauté décidément bien étrange. Ou bien c'était toi, tout à l'heure ? C'est un Morphe ? Tu peux te transformer ? »

Il pencha légèrement la tête, cherchant à appréhender ce ventre sous un autre angle. Combien pouvaient-ils être, là dedans ? Réalisant sans doute qu'il devait avoir l'air d'un idiot devant quelque chose dont il ne comprenait pas le fonctionnement, il fit l'effort de plonger ses turquoises dans les onyx uniformes. En fin de compte, lui aussi se sentait un peu mal à l'aise après tout ce temps passé loin d'elle. Malgré tout, il se sentait aussi satisfait que soulagé de la retrouver. Se penchant doucement, il l'embrassa enfin en guise de retrouvailles... son appétit s'ouvrant à mesure qu'il goûtait ses lèvres...

Il ne recula que brièvement chaque fois qu'une question lui traversait l'esprit, la posant en un souffle entre deux baisers.

« Tu m'as manquée... Tu vas bien ? Aspasie te plaît ? Tu as reçu mon message...? »

[Ceithli]

À sa remarque concernant le fait qu'il connaissait déjà la maison, la jeune femme eut un sourire plutôt amusé, mais doux malgré tout «Il y a eu des arrangements depuis!»
Mais vu la quantité d'eau qu'il avait mis dans la baignoire, ils n'auraient pas vraiment le temps de faire le tour, aussi elle le laissa juste s'approcher pendant qu'elle frottait son nez contre le sien. Il se rendit compte alors qu'il n'avait pas réalisé que le guépard un peu plus tôt était elle, et pour cause... il ignorait que l'enfant était un morphe

«C'était bien moi... j'ai clairement senti les métamorphose, il n'a pas toujours la même taille, donc je peux me transformer à présent.» elle lui sourit doucement alors qu'il baissait les yeux sur son ventre, il y resta même un sacré moment au point qu'elle pencha légèrement la tête sur le côté «Tout va bien?» elle ne pouvait pas savoir qu'il se demandait si elle attendait qu'un seul enfant, et le problème était que même elle l'ignorait. Sa mère était presque sûre qu'au pire des cas, ils seraient deux maximum, elle aurait pris plus de poids s'il y en avait plus, mais Ceithli étant d'une nature assez dynamique, il était tout de même possible qu'elle se trompe.

Archélas fut donc tiré de ses pensées et se pencha pour l'embrasser à nouveau et lui demanda si elle allait bien, signifiant qu'elle lui avait manqué et surtout... il lui demanda si elle avait bien eu son message... son regard alors s'assombrit avant qu'elle ne recule légèrement, l'eau commençait à fumer donc elle allait être bientôt chaude «oui je l'ai reçu. Ton bain est chaud, tu devrais en profiter...» et se rendant compte qu'il avait vite remarquer son changement d'humeur - même si les hormones pouvaient le justifier - elle se força un peu à sourire avant de reculer d'un pas de plus «je vais te frotter le dos si tu veux... le savon est là.»

C'était difficile d'oublier les mots «une élite» même s'il avait mis quelques taches d'encre par dessus! Elle attendait donc qu'il se décide à finir de se déshabiller, elle utiliserait ensuite la baignoire pour laver ses affaires car mine de rien, elles étaient dans un état presque aussi pitoyable que lui-même!

[Archélas Ages]

Archélas garda le silence quelques secondes, essayant de se représenter ce que pouvait donner le spectacle d'un enfant se métamorphosant en mini chat moucheté dans le ventre même de Ceithli... mais renonça en réalisant que l'opération était décidément trop bizarre pour lui... et puis sa féline venait de titiller sa curiosité en parlant de quelques changements dans leur maison.

En réalité, Ceithli parla de beaucoup de choses à la fois, si bien que le soldat ne sut plus trop sur quelle occasion se jeter en premier. C'était un peu comme proposer plusieurs pièces de boucherie de choix à une Teigne affamée... même si les Teignes préféraient foncer tête baissée et éviter de réfléchir. Reculant d'un pas, Archélas observa son épouse de la tête au pied comme s'il vérifiait qu'il avait bel et bien à faire à la même femme, ou pour noter chaque différence qu'il remarquait entre celle qu'il avait sous les yeux et celle qu'il avait quitté quelques mois plus tôt.

Bien entendu, le ton subitement moins amical qu'elle employa pour confirmer qu'elle avait bien reçu son message ne passa pas inaperçu, mais le jeune homme préféra ne pas s'en offenser. Il mit plutôt cette mauvaise humeur fugitive sous le coup de la rancœur que Ceithli pouvait éprouver à l'égard d'un mari trop souvent absent. Le fait étant qu'elle n'avait pas tort, il se garda bien de lui en vouloir pour ça et lui sourit à son tour.

« Des arrangements ? Je peux voir ? Ce n'est pas grave si c'est trop chaud, j'ajouterai un ou deux seaux d'eau glacée. »

Capturant la main de sa compagne dans la sienne, il lui offrit ce sourire espiègle de gamin qui veut voir sa surprise, et qui se laisserait traîner n'importe où pour cela.

[Ceithli]

Comme souvent chez les hommes, on pouvait se rendre compte qu'ils ne voyaient pas grand chose lorsqu'il s'agissait de comprendre les femmes. En l'occurrence ici, c'était peut être mieux, Ceithli n'avait pas vraiment envie de se lancer dans une dispute alors qu'elle venait à peine de le retrouver, même si cette petite boule au niveau de son estomac lui rappelait constamment le fait qu'il avait passé un bon moment avec une autre femme.

Si encore il s'était s'agit d'une noble d'Ephtéria, elle ne se serait pas fait trop de souci, elle savait depuis longtemps que ce genre de femme n'était pas son type, mais une femme forte capable de se défendre elle-même, une Élite donc, ça avait déjà nettement plus tendance à lui plaire, surtout une femme qui n'aurait pas pris plusieurs kilos à cause de sa grossesse. En tout cas, il ne semblait pas se sentir coupable, il paraissait toujours aussi naïf et enfantin qu'à son habitude, ce qui lui redonna légèrement le sourire. Aurait-il pu se présenter à elle aussi simplement s'il s'était passé quelque chose? Certes, on lui avait toujours dit que les hommes savaient mentir, mais à sa connaissance, Archélas n'était justement pas très doué pour ça.

Elle vint donc prendre sa main et lui fit un léger signe de tête pour qu'il la suive «J'ai surtout terminé la chambre d'enfant depuis...» car oui, avant son départ, il n'y avait que le lit et les rideaux. Les autres meubles n'étaient pas encore arrivés - ni faits. Elle lui fit traverser le salon afin de gagner le petit couloir juste avant leur chambre et emprunter l'escalier. De là, elle monta doucement les marches avant de pousser la porte pour lui montrer la pièce qui était donc prévue pour accueillir le(s) enfant(s). Le lit était placé à côté de la fenêtre, et de l'autre, se trouvait... et bien l'autre lit, au cas où. Mais pour le moment, elle avait placé une planche par-dessus, mais on voyait au travers des barreaux qu'il s'agissait bien d'un lit. Sur la planche, elle avait disposé en attendant une couverture qu'elle avait plié en quatre pour faire une sorte de petits matelas et à côté de nombreux langes en lin. Ensuite, près de la porte, se trouvait une très belle commode en bois massif, sculptée par son père. Elle demanda à Archélas de s'approcher et on pouvait voir sur chaque tiroir une gravure différente. Sur le plus haut, un guépard en train de courir, en dessous, un cheval - qui était probablement censé représenter Némésis, mais pas évident sur une simple gravure sur bois - et le tiroir encore en dessous, un anticus couché. Toutes les gravures étaient de profil pour qu'on voit bien la silhouette de l'animal, et elles étaient toujours en double, plus ou moins par symétrie de part et d'autre de la poignée du tiroir.

«Qu'en penses-tu? C'est un sculpteur d'Aspasie qui a bien voulu me le faire!» elle caressa la commode du bout des doigts en souriant «les gens d'ici m'ont plutôt bien acceptée pour la plupart. Je suis heureuse qu'on ait choisi cette ville.» au moins, cela répondait à la question qu'il lui avait posée un peu plus tôt.

Elle lui montra les rideaux jaune orangé ainsi que le petit mobile au-dessus du lit du bébé - elle en avait commandé un autre au même sculpteur que celui qui avait fait les gravures sur la commode - représentant quatre petites figurines en bois: un hiéras en plein vol, un cheval, un anticus et un euther.
«Alors? Qu'est-ce que tu en dis? Ça te plait?»

[Archélas Ages]

Suivant Ceithli à l'étage, Archélas écarquilla les yeux en redécouvrant cette pièce qui allait accueillir leur enfant. Lâchant la main de sa compagne, il s'approcha donc prudemment et se mit à détailler les lieux. Il caressa le bois du premier lit, appréciant le travail qui avait été fait dessus par Rhëanor, et peut-être un peu jaloux de ne pas avoir su le faire lui-même. À la fenêtre, il reconnu les tissus de son père et eut un sourire ému de savoir qu'il participait autant à leur confort. Puis il observa le second lit sans s'y attarder, allant plutôt effleurer les langes et la couverture du bout des doigts avant de retirer sa main comme s'il s'était électrocuté. En réalité, il venait de réaliser à quel point ses mains étaient sales !

« On dirait que Rhëanor et Démétrien ont eu la même idée, pour le mobilier...! » Sourit-il en pensant que si les lits étaient en double, c'est parce que chaque famille leur en avait offert un.

Et puis son regard fut rapidement attiré par les gravures sur les tiroirs de la commode qu'il alla caresser d'un air émerveillé. Petit, il aurait donné tout ce qu'il avait pour avoir une commode comme celle-ci ! Il y aurait fait sculpter toute la faune de Nideyle, Drakmonniss y compris !

« C'est magnifique ! Il se redressa alors et passa un bras autour de la taille - ou ce qu'il en restait - de sa féline avant de l'embrasser. C'est bien que tu puisse te transformer à nouveau. Nouveau baiser. Tu as eu des soucis avec certains villageois ? Tu as dit la plupart... quelqu'un t'as causé du tort ? »

Saisissant sa main, il joua un instant avec l'alliance qu'elle portait puis la serra contre lui en respirant profondément, heureux d'être ainsi dans ses bras. Il la relâcha pourtant rapidement en se rappelant ce qu'elle avait dit à propos de son état. C'était vrai, qu'il devait puer la mort...

« Ça t'ennuie si on en discute en bas ? Je crois que j'ai vraiment besoin de me décrasser... »

À ses mots il redescendit, la main de Ceithli dans la sienne comme s'ils n'étaient plus qu'une seule et même personne. Il ne daigna la lâcher qu'une fois arrivé dans la salle d'eau où il entreprit de se défaire du reste de ses vêtements : ses bottes, et son pantalon. Appuyé sur le bois de la baignoire, il grimaça en faisant tomber le tissu en lambeau dont certains pans s'étaient collés à ses plaies. Car sur ses tibias et ses mollets, les cicatrices encore boursouflées et suturées à la va vite tiraient méchamment. Il y jeta à peine un œil afin de s'assurer qu'il n'était victime d'aucune infection, et entreprit d'enjamber le rebord pour s'installer dans l'eau chaude avec un profond soupir de soulagement.

« Alors... Reprit-il d'un ton rêveur alors qu'il s'était calé bien au fond du bac, la tête en arrière et les yeux fermés pour savourer un confort inespéré. Est-ce que tu as revu tes parents ou les miens depuis la dernière fois ? Tu t'es fait des amis en ville ? Quelqu'un te cherche des ennuis ? »

À cette idée, il rouvrit les yeux et la fixa avec insistance.

[Ceithli]

Sur le coup, Ceithli ne comprenait pas pourquoi Archélas parlait des goûts communs des deux patriarches, mais elle ne posa pas la question, laissant son époux admirer le travail du sculpteur et également de son père sur le mobilier. Elle n'avait pas vraiment intercepté cette pointe de jalousie, même si elle se doutait un peu qu'il aurait aimé y participer davantage.

Il lui demanda alors si certains villageois lui avaient causé des problèmes, et elle avait juste haussé une épaule tout en s'approchant du petit fauteuil à bascule pour s'y asseoir. Elle commençait à avoir du mal à rester trop longtemps de bout et c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles elle aimait se transformer, c'était plus reposant d'être à quatre pattes - sans mauvais sous-entendu.
«Tu sais bien que tout le monde ne peut pas accepter ma condition. Je suis un guépard et dans une petite ville comme celle-ci, cela se sait vite. Il y a donc forcément des gens qui ont peur de moi. Mais dans l'ensemble, on me laisse tranquille, surtout depuis que j'ai repris mon odeur et que les chiens ont peur de moi.» car oui, son odeur de guépard était plus présente désormais, et si Anarion s'en était accommodé, la plupart des animaux familiers du coin ne l'étaient pas du tout!

Archélas la tenait toujours par la taille alors qu'elle posait sa main sur le dossier du fauteuil, l'autre étant prise car son époux avait choisi d'entrelacer ses doigts dans les siens. Elle se tourna vers lui pour lui sourire doucement et se prépara à l'embrasser lorsqu'il sursauta légèrement en se rendant compte de l'état déplorable dans lequel il se trouvait, ce qui la fit légèrement rire avant qu'elle ne hoche de la tête
«Oui, bien sûr... au bain!» elle l'entraîna donc au rez-de-chaussée pour qu'il puisse se déshabiller dans la salle de bain. Dehors, l'anticus et Némésis s'amusaient encore bien que la jument avait fait une pause pour boire un peu dans l'abreuvoir.

Dans la salle de bain, Ceithli put voir l'étendue des blessures de son époux et soupira en le regardant avec un sourire un peu triste, tout en se penchant pour ramasser ses affaires et les mettre dans un bac qu'elle disposa à côté de la baignoire, et Archélas put voir que la pompe pivotait et ainsi elle mit la fontaine au-dessus des vêtements, elle découpa des morceaux de savon afin de les jeter dans le linge et ensuite elle actionna la pompe pour les mettre à tremper «Ça m'aidera pour enlever ensuite le sang et tout ce que tu as pu y mettre dessus...» dit-elle avec un léger sourire. Elle laissait le bac à côté de la baignoire pour qu'il profite de la chaleur du sol et ainsi faire chauffer un peu l'eau, même si ça ne risquait pas d'être aussi efficace que dans la baignoire, mais elle ferait la lessive plus tard. Déjà mettre à tremper l'aiderait.

Il lui demanda si elle avait revu ses parents ou les siens, et elle hocha légèrement de la tête en souriant
«Ton père m'envoie un billet de train tous les mois pour que je me rende à Ephtéria. J'y étais il y a deux semaines. Ta mère m'apprend la pâtisserie, je sais presque faire la tarte aux pommes aussi bien qu'elle à présent!» évidemment, ce n'était pas vrai. Euthalie restait la meilleure que Ceithli n'ait jamais connue. «Quant à mes parents, ça dépend. Lorsque mon père peut se le permettre, il vient me voir... mais... cela fait un moment qu'il n'est pas venu... avance toi»

Elle était passée derrière lui pour prendre le savon et lui frotter doucement le dos. Son père n'était pas revenu depuis que Jhérer s'était accusé à sa place. Cela n'avait servi à rien finalement puisque les deux soldats témoins étaient morts, et si d'autres venaient, ils ne croiraient jamais qu'elle n'était pas le bon guépard. Elle préférait éviter d'en parler à Archélas, de la même manière qu'il n'avait pas voulu lui dire qu'elle était recherchée, elle préférait éviter de lui dire que des soldats avaient réussi à retrouver sa trace.

Elle passa doucement sa main dans son dos, regardant ses nombreuses blessures avant de reprendre d'une voix douce mais un peu triste «Dans quel état tu es... cette mission avec cette... "Élite" s'est mal passée? Elle n'est pas le genre à savoir se protéger toute seule?» légère pointe de sarcasme évidemment et peut être aussi un peu d'espoir. Si elle n'était pas aussi efficace qu'elle se l'imaginait dans sa tête, peut être qu'au final elle était le genre demoiselle en détresse et donc.. pas le type de son époux? C'est dur d'être jalouse en fait...

[Archélas Ages]

Si Ceithli paraissait confiante ou résignée face à l'accueil mitigé que lui faisaient les aspasiens, Archélas lui, fronça les sourcils.

« Je n'aime pas l'idée que les villageois puissent se méfier de toi. Le jour où il y aura réellement un problème, tu risque d'être la première qu'ils accuseront, et je ne veux pas que ça arrive. Plutôt que d'essayer de leur faire entendre raison une fois qu'ils auront trouvé leur coupable, ça pourrait être intéressant de leur prouver maintenant que tu n'es pas une bête sauvage. Que tu gardes ta conscience, même lorsque tu es guépard. Tu te souviens, la première fois que je t'ai demandé de te métamorphoser devant moi ? J'ai compris en te voyant ramasser ta robe, la poser sur le lit et filer derrière le paravent pour reprendre forme humaine que tu étais toujours là. Que tu n'étais pas dangereuse. Et puis tu es un amour, ils ne peuvent que t'adorer... ne reste qu'à faire accepter le guépard... »

Il soupira. Après des semaines en solitaire, il n'était plus habitué à parler autant. Prenant le parti de reprendre son souffle en observant les moindres faits et gestes de Ceithli, il se sentit soudain très las. Était-ce la vapeur d'eau qui le ramollissait, ou bien le seul contraste entre sa folle chevauchée pour revenir - dormant à peine pour ne repartir que plus tôt le lendemain - et la quiétude reposante qu'il retrouvait ici ?

« Fais attention... Il doit y avoir du venin de Protéus là dessus. Je les laverai, n'y touche pas. »

Inquiet à l'idée que la jeune femme ait pu s'en mettre sur les mains, il les lui attrapa alors qu'elle lui frottait les épaules et resta un instant indécis. En fin de compte, puisqu'il avait été mordu aux jambes, il n'était peut être pas recommandé non plus qu'elle touche à son eau ? Malheureusement, son raisonnement fut interrompu par la vision fugitive d'une tarte aux pommes confectionnée des mains de son épouse. Du coup, il en oublia tout le reste et se tourna vers elle, la regardant avec un large sourire par dessus son épaule.

« Il va falloir me faire goûter ça ! Et comme se tourner dans une si petite baignoire n'avait rien de très confortable, il reprit sa position initiale, lâchant les mains de sa compagne après avoir déposé un baiser sur chacun de ses doigts. Je suis désolé pour ton père. Tu pourrais peut-être aller le voir à Banba quelques temps si tu veux. Je dois retourner en mission dans une ou deux semaines et... je suis désolé, ça risque d'être long. »

Mais quelque chose venait de tirer la sonnette d'alarme de son esprit. Archélas se tut un instant, réfléchissant à ce qu'il trouvait d'inquiétant à la situation. Rien en apparence... si ce n'était le ton qu'employait Ceithli, même s'il ne comprenait pas pourquoi. En y réfléchissant, il lui sembla que ce n'était pas la première fois qu'il détectait ce petit ton presque scandalisé... aussi se mit-il à réfléchir de plus belle. De quoi parlaient-ils...? De son message la première fois, lui semblait-il... Mais au fait, quand avait-il prononcé le mot Élite ?

Poussant un « Oh ! » quasi triomphant, le soldat prit appui sur les bords de la baignoire pour se retourner tout à fait... une vraie anguille dans son aquarium ! Son visage fatigué et en bonne partie dévoré par une presque barbe était traversé d'un gigantesque sourire.

« Tu es jalouse ??? »

Il n'avait pas vraiment de mérite à l'avoir deviné, l'allusion à peine voilée de Ceithli parlait d'elle même. Maintenant qu'il y pensait, c'était un peu comme ça qu'il l'avait aimée... à force de partager missions, malchances et lotions Larmiqueuse...

[Ceithli]

«Du venin de proteus???» non mais où avait-il bien pu traîner? Bon, heureusement, elle portait son alliance et ne craignait donc pas vraiment le poison, surtout qu'il ne devait être qu'en petite quantité sur ses vêtements, mais avec le bébé elle préférait être prudente. Si elle était immunisée tant qu'elle portait cette bague, ce n'était probablement pas le cas de l'enfant. Elle laissa donc les vêtements ainsi avant de s'approcher de son époux.

Sa remarque concernant le fait qu'elle gardait toute sa conscience en étant guépard et le souvenir de la première nuit qu'ils avaient passée ensembles avait eu de quoi la faire sourire, cependant elle avait préféré ne pas répondre et changea rapidement de sujet pour parler de ses parents. Évidemment, il avait vite réagi lorsqu'elle avait parlé de la tarte aux pommes et elle eut un autre sourire doux en hochant de la tête «J'ai les ingrédients qu'il faut, je t'en ferai une pour le dîner.» dit-elle avec une légère amertume dans la voix.

Elle ne cessait d'observer le corps meurtris de son époux, et cette sensation s'accentua lorsqu'elle se rendit compte qu'il allait déjà repartir en mission et heureusement qu'il n'avait pas encore précisé que c'était à nouveau avec la même personne, mais ce fut finalement Ceithli elle-même qui en parla et de toute évidence, pas de façon très subtile puisqu'Archélas se retourna brusquement, manquant d'éclabousser la jeune femme par la même occasion si le niveau avait été un poil plus haut! Elle se retrouvait avec les mains de part et d'autre de son visage comme s'il la menaçait d'une arme avant qu'il ne l'accuse d'être jalouse...

Elle baissa alors les yeux et essaya de regarder ailleurs, baissant les bras pour les ramener autour de ses épaules en un geste défensif
«Non... enfin... je ne sais pas trop... je me dis que.. tu m'as aimée à cause des épreuves qu'on a traversées ensembles non? À cause de ce qu'il s'est passé à Guttenvald, parce que... parce que j'étais assez forte pour te protéger et pour me protéger moi-même alors... te savoir avec une femme qui avait probablement ces mêmes qualités, que tu avais bravé bien des dangers avec elle... je...» elle sentait que les larmes allaient couler, toute cette colère, cette peur se libérait d'un coup, mais elle serrait quand même les dents pour ne pas pleurer pour de bon et tendit juste le bras vers ses affaires «quand je vois que tu as été jusqu'à affronter un proteus avec elle je...»

Bon, elle oubliait un peu vite qu'ils avaient plus ou moins affronté Drakmoniss ensembles aussi, mais là sur le coup elle se sentait bien mal. Prenant une profonde inspiration, elle fuyait son regard en gardant les mains autour de ses épaules «désolée, je sais que je ne suis qu'une idiote... mais tu me manquais tellement... j'ai... j'ai vraiment cru que si la mission avec elle s'éternisait, tu ne reviendrais pas.»
Sa voix était rauque, signe de sa peine et surtout de sa peur et pourtant, elle savait qu'elle avait été bête. Elle le voyait à son regard, il l'aimait et il était heureux d'être rentré à la maison, il était heureux de savoir qu'elle était en bonne santé, qu'elle n'était pas seule, il était aussi probablement heureux que son père fasse l'effort de la faire venir à Ephtéria pour qu'elle puisse voir du monde et profiter de la compagnie d'Euthalie. Elle s'était fait des idées évidemment, et même si à présent elle était rassurée, cela n'empêchait pas qu'elle ait peur qu'il se fasse tuer en mission malgré tout, et le pire était que justement cette fois, il avait failli mourir lorsqu'il s'était fait mordre parle proteus.

[Archélas Ages]

Hilare les premières minutes, Archélas abandonna pourtant tout envie de se moquer - aussi gentiment soit-il - en réalisant que la jeune femme n'avait pas l'air d'humeur à en rire. Devant la mine un peu trop triste de Ceithli, et le timbre de sa voix un peu trop étranglé, son sourire amusé s'effaça au profit d'une expression désolée.

« Ceithli... Gronda-t-il gentiment en se hissant suffisamment sur les bras pour aller l'embrasser. Encadrant son visage de ses deux mains, il plongea son regard dans le sien, l'obligeant à le regarder. Je t'aime parce que tu es toi. Forte, courageuse, généreuse... jolie... »

Il s'agita légèrement. La positon n'était pas des plus confortables mais il refusait de lâcher sa féline tant qu'il ne l'aurait pas rassurée. Et pour s'aider un peu, il se perdit en un long baiser, laissant sa main droite courir sur la nuque de la jeune femme. S'il s'était écouté, il l'aurait attrapée par la taille, tirée dans la baignoire et installée au dessus de lui... idée qui lui fit resserrer son étreinte, même s'il prit garde de ne pas la blesser en se montrant trop insistant. Lorsqu'il la relâcha au prix d'un vaillant effort, il haletait légèrement et ses mains tremblaient.

« Tu sais, je t'ai promis de te rester fidèle. Tu te souviens ? Je l'ai promis devant Alrik, et je te l'ai promis à toi. Je t'aime, toi, et personne d'autre. J'étais avec cette Élite quand j'ai affronté le Protéus, mais c'est à toi que j'ai pensé quand j'ai été blessé. C'est à toi que j'ai pensé à chaque instant, et si je suis revenu avant d'avoir fini la mission, c'est parce que tu me manquais trop. »

Caressant sa joue du bout des doigts, il joua à récupérer une mèche rebelle pour la replacer derrière l'oreille de la jeune femme et pencha légèrement la tête afin de mieux l'observer. Bon sang qu'il n'aimait pas la voir triste... et encore moins à cause de lui !

« Et puis tu sais elle n'a rien à t'envier cette Élite. Un Protéus, ce n'est pas grand chose à côté de Drakmonniss. » Lui sourit-il, clin d'œil à l'appui.

Il l'embrassa de nouveau avant de se reculer légèrement. Ses jambes commençaient à réellement tirer dans la position où il se trouvait, aussi les allongea-t-il, s'adossant à l'autre côté de la baignoire afin de faire face à son épouse.

« Tu n'as peut-être pas envie de m'entendre parler d'elle, mais je vais le faire quand même. Tu sais, Shell - c'est son nom - est un peu... spéciale. L'une de ses mains est en métal... un peu comme la grosse pince à la Foire d'Euterpe, tu vois ?! Elle m'a aussi dit qu'une de ses jambes était également en métal, mais elle ne me l'a pas montrée. Et puis une partie de son visage, même s'il est très bien imité, est une sorte de masque... un peu comme une poupée de porcelaine, avec un œil qui change de couleur selon qu'elle regarde dans le noir ou la chaleur... je n'ai pas très bien compris, mais ça n'avait rien de naturel. Alors je te rassure, elle ne m'attire pas du tout ! Ce n'était pas très gentil pour Shell, mais comme elle n'était pas là pour protester... C'est vrai qu'elle sait se battre... mais... c'est différent. Je ne sais pas comment t'expliquer cette impression, comme si elle n'avait qu'une conscience froide, sans instinct ni émotion... Il marqua une seconde de silence, comme s'il comprenait son analyse après coup. Maintenant que j'y pense, elle fait un peu peur...» Ajouta-t-il en fronçant les sourcils.

Il tendit les mains, invitant Ceithli à se rapprocher.

« Je me suis engagé à lui servir de guide, mais je te promets ma puce, qu'il n'y aura jamais rien entre elle et moi. C'est toi que j'aime. C'est toi que j'ai épousé. C'est toi qui porte le fruit de notre amour. Et puis... je ne me risquerai pas à contrarier une famille de guépard... Jhérer serait trop heureux d'avoir enfin une bonne excuse pour me sauter à la gorge. » Plaisanta-t-il en espérant lui redonner le sourire.

Se redressant juste assez pour l'embrasser une nouvelle fois, il en fut quitte pour regretter de ne pas plutôt avoir pris un bain d'eau glacée...

[Ceithli]

Dire haut et fort qu'elle puisse être jalouse n'était pas vraiment évident pour la jeune femme. Elle aurait aimé ne pas ressentir ce genre de choses, elle faisait confiance à Archélas, elle savait qu'il l'aimait, mais voilà, ne dit-on pas «loin des yeux, loin du cœur»? À force d'être loin d'elle, Ceithli avait eu peur qu'il s'attache à la première femme assez forte près de lui, et c'est pourquoi elle se sentait si bête.

Mais la réaction d'Archélas fut assez violente, il s'était brusquement retourné pour la rassurer, prenant son visage dans ses mains et se lançant dans une belle déclaration où il lui expliquait ce qu'il avait vécu et combien elle comptait pour lui vis à vis de tout ça, comment elle avait été une source de réconfort et probablement même la raison pour laquelle il se battait pour s'en sortir lors de ses missions. Seulement voilà, il lui disait alors qu'il était revenu «pendant» la mission, ce qui sous-entendait donc qu'il allait devoir y retourner? Donc il allait partir dans une ou deux semaines pour la rejoindre?

Même s'il la tenait toujours dans ses bras, elle se sentait mal sur le coup. Elle avait passé ses bras sous les aisselles de son mari pour le serrer contre elle et dissimuler son visage au creux de son cou, ses larmes se mélangeraient à l'humidité de sa peau suite au bain, même s'il s'en rendrait bien vite compte tout de même
«Je sais que tu as juré de m'être fidèle Archélas... mais on ne contrôle pas son cœur non plus. Même si je me dis que s'il doit arriver que tu succombes à une autre, que tu ne feras rien, j'ai peur que tu finisses par ne plus m'aimer à être aussi loin de moi.» pourtant elle le savait, elle le savait avant de l'épouser qu'il ne serait pas souvent là à cause de son travail et pourtant, elle avait mal.

Il recula doucement pour la regarder, essayant tout de même de la faire rire en mentionnant leur épreuve avec Drakmoniss, et il réussit en réalité, elle se mit à pouffer légèrement de rire même si ses yeux manifestaient encore cette peur de le perdre. Il s'éloigna d'elle d'ailleurs de façon à s'appuyer de l'autre côté de la baignoire - voulait-il un petit massage des pieds? elle ne savait même pas s'il était chatouilleux - avant de lui parler un peu «d'elle». Sur le coup, elle fut plutôt surprise d'apprendre qu'elle puisse être à moitié en acier. À sa connaissance, elle n'avait jamais rencontré quelqu'un comme ça, d'un autre côté, elle n'avait jamais fréquenté un membre de l'Escadron et n'était presque jamais allée vers la Basse Ville. Aussi affichait-elle tout de même la surprise jusqu'à ce qu'il lui dise qu'elle lui faisait presque peur.

Cela lui ramena un nouveau sourire alors qu'elle penchait la tête sur le côté
«Peur? Tu as affronté une winghox en furie dans une arène et c'est une femme de métal qui te fait peur?» elle pouffa légèrement de rire avant de s'approcher pour se mettre de côté par rapport à lui, plongeant la main dans l'eau pour prendre la sienne tout de même alors qu'il parlait de sa famille à présent. Il est vrai que si ça venait à mal se passer entre eux, Jhérer ne se gênerait pas pour le lui faire payer.
«Je ne sais pas trop si tu devrais craindre la colère de ma famille ou la mienne?» dit-elle sur un petit ton amusé. Elle se pencha pour l'embrasser tendrement avant de se lever et attraper le savon pour le lui tendre, elle insistait bien pour qu'il se frotte avec quitte à le terminer

«Allez, ne m'oblige pas à te faire le chantage comme quoi tu n'auras pas de tarte aux pommes si tu ne te laves pas correctement! Et tu n'auras pas non plus un autre dessert» elle se mit à rougir légèrement avant de se placer derrière lui pour laver ses cheveux, elle baissa les yeux sur son ventre, est-ce qu'il pourrait la trouver désirable dans son état? Elle continua de frotter ses cheveux qui étaient vraiment dans un sale état aussi, plongeant la main dans l'eau pour faire bien mousser, essayant de laisser ses doigts glisser pour les démêler un peu. Cependant, comme ça continuait de chauffer en-dessous, l'eau allait finir par être justement trop chaude, donc elle en profita pour actionner encore la fontaine et ainsi le rincer le plus possible. Une fois qu'elle estima qu'il était à peu près propre, elle alla chercher une épaisse serviette éponge, qui venait aussi de la Basse Ville, sa mère lui en avait fait cadeau pour eux deux, il y avait des broderies avec un A et un C sur chacune, elle avait donc pris celle avec le A pour la lui tendre

«Tiens, c'est pour te sécher. Tu vas voir, c'est très doux... un cadeau de ma mère.» rien à voir avec la toile épaisse qu'on trouve en général en Païlandune. Elle attendit qu'il sorte pour s'enrouler dedans avant de retirer la bonde sur le côté de la baignoire à raz du sol. L'eau s'évacua dans une petite tranchée creusée à même le sol pour s'écouler vers un petit trou dans le mur qui menait à l'extérieur. Heureusement que ça ne menait pas vers le potager sinon toute cette crasse risquait fort de tuer tous les légumes qui y poussaient. Bon, elle risquait de lui faire prendre un autre bain tout de même car à ses yeux, cela n'avait pas suffit! Elle trouverait bien un moyen de joindre l'utile à l'agréable pour le convaincre... enfin... s'il voulait bien. Une fois de plus, elle ramena une main sur son ventre en se disant qu'il n'aurait pas envie d'être trop proche d'elle dans son état, mais elle essaya tout de même de sourire rapidement avant de pencher la tête sur le côté

«Tu veux que je te propose un petit quelque chose à manger?» car s'il le faut, il n'avait rien mangé depuis longtemps?

[Archélas Ages]

Archélas garda le silence un instant. Il aurait souhaité rassurer Ceithli, lui promettre de l'aimer pour toujours malgré la distance... et même si c'était ce qu'il pensait à l'instant, il savait que l'avenir n'était jamais tout tracé. La jeune femme avait raison. Peut-être que leur couple finirait par souffrir de ses absences... Après tout, n'était-ce pas la vie qu'il avait menée avant de rencontrer sa féline ? À se contenter d'une femme pour une nuit chaque fois qu'il était de passage dans une ville ? Oui... mais c'était différent avec Ceithli. Parce qu'elle l'attendait... et parce qu'il s'y était attaché. Au point même que c'était elle qui avait occupée toutes ses pensées, à chaque repas qu'il avait pris avec Shell, à chaque difficulté qu'il avait dû surmonter.

Mais est-ce que penser à sa promise, sans la voir ni la toucher, serait suffisant ?

« Je suis désolé... écoute, je vais finir cette mission parce que je m'y suis engagé, mais ensuite je te promets de ne plus partir si longtemps. Pas sans toi. Tu me manque trop, et je n'aime pas l'idée que tu puisse être triste quand je ne suis pas là. Et puis si ça ne va toujours pas, je trouverai un autre métier. »

Le dos rond afin de laisser sa compagne prendre soin de lui comme s'il n'était qu'un enfant, il fut tout de même rassuré de l'entendre plaisanter et retrouver peu à peu sa bonne humeur, et sourit largement en s'entendant promettre deux desserts... Évidemment, il n'était qu'un homme. Ceithli trichait en employant ce type d'argument ! Mais avant qu'il ait pu imaginer mille choses inavouables, ses muscles se contractèrent brusquement lorsque la jeune femme le rinça à l'eau froide. Le souffle coupé - ce qui l'empêcha de protester - il en fut quitte pour sentir son cœur s'emballer et ne pu s'empêcher de sursauter assez vivement.

« Ouah... » Fut tout ce qu'il parvint à articuler, haletant comme s'il avait couru un cent mètres.

Ça réveillait !

Sortant finalement de la baignoire, il se sécha avec la serviette tendue par son épouse, frottant énergiquement son torse et ses cheveux, tamponnant à peine ses jambes d'où les fils de suture dépassaient comme des poils hirsutes. D'ailleurs en parlant de poils, il se rapprocha du baquet posé sur une petite table d'appoint et y versa un peu d'eau avant de sortir rasoir et blaireau pour se redonner allure à peu près humaine.

« J'ai mangé un peu de faisan sur la route... la Dioctanis fini les restes. Tu veux faire quelque chose en particulier ? Demanda-t-il en se badigeonnant le menton de mousse blanche. On peut manger à l'auberge si tu veux, comme ça tu n'auras ni repas à préparer ni vaisselle à faire. »

Concentré sur son rasage, il lâcha son reflet des yeux pour regarder Ceithli, placée juste derrière lui.

« Je n'ai pas envie de te transformer en gentille petite femme d'intérieur... Si tu es fatiguée, je peux faire à manger aussi. » Ajouta-t-il en s'adressant au miroir.

[Ceithli]

«Je ne veux pas que tu changes de métier pour moi, Archélas. Je t'ai épousé en sachant très bien ce qui m'attendrait... je ne savais pas que ce serait si difficile et que tu me manquerais autant. Mais quoi qu'il arrive, je t'attendrai.» elle avait rapidement pris la main de son époux, faisant fi du poison qui pouvait s'y trouver - trop dilué désormais de toute manière - pour déposer un baiser sur son alliance, avant de lui sourire et de laver ses cheveux. Il est vrai que l'eau froide risquait de le réveiller d'un coup et elle s'amusa un peu de sa réaction avant de pencher ses lèvres à son oreille

«Prends ça comme une petite punition pour avoir mis trop de temps à revenir!» elle eut un léger rire avant de se dépêcher de finir de le laver. Après avoir vidé la baignoire, elle l'aida à sortir et se sécher, pendant qu'il se préparait à se raser, elle lui proposa de lui préparer un en-cas, mais il ne semblait pas avoir faim et vint jusqu'à lui rappeler qu'elle n'était pas une simple femme de maison. Elle sourit alors avant de s'approcher de son dos pour y déposer délicatement ses mains, épousant sa peau rugueuse et marquée de cicatrices avec un léger sourire
«Je me fais à manger pour moi toute seule depuis des jours, des semaines... je peux en faire pour deux au moins une fois.» elle le contourna pour le regarder autrement qu'à travers le miroir tout en continuant de lui sourire avec presque une certaine timidité «et je veux te garder pour moi seule aujourd'hui. Je ne veux pas sortir.»

Elle baissa les yeux sur la serviette qui enroulait sa taille et releva la tête «Je vais te chercher des vêtements pendant que tu finis de te raser.» elle lui déposa un baiser sur les lèvres, ce qui eut le mérite de lui mettre un peu de mousse sur son propre visage, elle trempa donc sa main dans l'eau pour se rincer avant de quitter la pièce. Leur chambre était de l'autre côté de la maison, le lit était à peine fait, après tout, elle vivait seule ici et même si elle devait recevoir des invités, jamais elle ne leur faisait visiter cette pièce aussi il importait peu qu'elle soit dans un état parfait? Pourtant, elle se risqua à le refaire correctement, comme si elle craignait - malgré ce qu'il venait de dire - qu'Archélas ne soit outré par l'état de la chambre.

Elle ouvrit ensuite l'armoire pour en sortir des vêtements du soldat qu'il avait laissés ici. Un pantalon de toile, plus léger et confortable que ceux en cuir qu'il porte pour ses missions, et une simple chemise de lin à manches longues avec des lacets pour nouer normalement le col - même s'il ne le fait jamais. Elle passa sa main sur ces vêtements qu'elle n'avait plus touchés depuis qu'il était parti, sauf pour les laver une ou deux fois pour qu'ils sentent à nouveau le frais. Il flottait cette légère odeur de miel à cause du savon qu'elle avait utilisé la dernière fois qu'elle les avait lavés, et elle sourit en espérant que ça lui plairait.

Elle revint dans la salle de bain pour les lui tendre, puis pencha la tête sur le côté en souriant
«Je te laisse t'habiller. Je vais cueillir quelques pommes pour la tarte de ce soir...» elle posa juste sa main sur son épaule, les yeux légèrement humides «je t'aime...»
Au fond, la jeune femme ne réalisait pas qu'il était bien là, c'était comme un rêve qu'elle avait fait si souvent qu'elle avait désormais du mal à distinguer la réalité. Sauf que pendant ces rêves, il lui arrivait qu'ils se transforment en cauchemar et que son époux lui soit remis entre quatre planches.

Elle retourna dans la chambre le temps de prendre une étoffe qui ressemblait à une écharpe qu'elle attacha autour de son cou en la faisant passer sous son aisselle opposée, elle pendait donc devant elle, assez large et épaisse tout en lui maintenant le dos. Elle sortit dans le jardin, s'approchant des arbres qu'ils avaient plantés. Grace à la magie de Sayah, même s'ils étaient encore petits, à peine de la taille de la jeune femme, les fruits qu'ils produisaient étaient plutôt nombreux et bons. Elle récolta trois pommes, les seules à être mûres, supposant que ce ne serait pas suffisant pour une tarte, elle s'approcha du poirier pour en prendre une aussi. Là, ce serait suffisant. Elle sourit doucement tout en rangeant les fruits dans son écharpe, et en s'approchant du potager, elle remarqua que quelques fraises avaient poussé aussi. Avec un petit sourire, elle se pencha pour en prendre aussi, cela serait donc plus une tarte aux fruits que juste aux pommes, mais sa belle-mère lui avait montré comment marier certains fruits entre eux. Les fraises et les pommes se mélangeraient bien, mais elle devrait alors renoncer à la poire.

Une autre fois! Elle se redressa difficilement en se tenant le dos, elle aurait du mettre la ceinture de feunetons, tant pis, elle la mettrait une fois à la maison. Elle rentra et se dirigea vers la cuisine pour disposer les fruits dans un saladier en terre cuite en attendant qu'elle les prépare pour le soir. Soufflant doucement en sentant la fatigue la gagner elle alla finalement s'asseoir dans le fauteuil du salon en soupirant doucement tout en posant sa main sur son ventre. Lorsque Archélas la rejoignit, elle rougit doucement en baissant les yeux sur ses rondeurs... sa poitrine avait bien gonflé aussi depuis le début de sa grossesse, mais elle trouvait que désormais, ce n'était plus vraiment un atout, ou du moins il était gâché par son ventre. Elle leva donc les yeux vers lui, affichant un air plutôt timide en réalité
«Est-ce que... tu me trouves encore jolie? Même comme ça?» l'idée de ne plus être désirable aux yeux de son mari était assez douloureux à imaginer, mais d'un autre côté, elle ne pourrait pas lui en vouloir.

[Archélas Ages]

Les doigts serrés autour de son blaireau comme si sa vie en dépendait, Archélas fit un effort inconsidéré pour rester à sa place pendant que son épouse lui tournait autour... et ce, dans tous les sens du terme ! Il se fit même la réflexion que s'il n'y avait pas eu ce ventre énorme entre elle et lui, la situation aurait mal tournée depuis un bon moment déjà... Depuis son irruption dans la cuisine à vrai dire, lorsqu'il l'avait vu arborer ce petit air embarrassé. Bon sang, de l'eau froide, vite !

« Euh... d'accord... » Murmura-t-il alors qu'elle avait déjà quitté la pièce.

Lorsqu'elle revint, il était parfaitement rasé, s'était passé de l'eau glacée sur le visage, et s'essuyait à présent le menton avec la serviette qu'il avait à l'origine nouée autour de sa taille... C'est donc les fesses à l'air - ainsi que le reste de sa personne - que Ceithli le trouva penché au dessus de la bassine afin de mieux traquer dans le miroir le moindre poil de barbe rebelle.

« Je t'aime aussi... » Eut-il à peine le temps de répondre alors qu'elle sortait déjà cueillir ses pommes.

Prenant le temps de se repasser un deuxième coup de savon et de se rincer entièrement à l'eau froide pour se débarrasser de toute trace des marais - et pour s'obliger à revenir à une température décente - il enfila les vêtements que lui avaient rapportés Ceithli, sans nouer le col à lacet comme elle devait s'y attendre. Puis il se décida enfin à la rejoindre après l'avoir vue filer au salon.

« Tu devrais envoyer l'une de ces serviettes à mon père. C'est le genre de matière qui risque de l'intéresser, il sera tout fou en l'ayant entre les mains... et qui sait, s'il lance la mode à Païlandune on pourra en trouver sans aller jusqu'aux Ghettos. »

Immobile sur le seuil du salon, appuyé sur le chambranle, il s'interrompit pour observer son épouse. Elle semblait fatiguée, mais avant qu'il ait pu poser la question, c'est à lui que la jeune femme en posa une. Un peu surpris, il haussa les sourcils comme s'il ne comprenait pas avant de la rejoindre et de s'accroupir juste devant elle. Un sourire aux lèvres, il posa ses coudes sur les genoux de Ceithli, et cala son menton dans ses mains pour l'observer plus à son aise.

« Évidemment que tu es jolie ! Ce n'est pas comme si tu avais seulement grossi, tu es juste pleine... enfin je veux dire... tu portes un enfant alors... Et zut ! ... ce... ce n'est pas du gras comme les Nobles d'Ephtéria qui passent leurs journées à se goinfrer, c'est... la place que prend notre enfant... »

Il se pinça les lèvres, se demandant comment il pouvait exprimer ce qu'il pensait sans avoir l'air d'être désobligeant... avant de décider qu'il valait peut-être mieux pour lui de se taire ! Heureusement pour lui, il fut sauvé par un mouvement inattendu, là, juste sous son nez. Ouvrant de grands yeux, il fixa le ventre de sa promise d'un air de celui qui n'en revient pas.

« Ça a bougé ? »

[Ceithli]

L'idée d'envoyer les serviettes à Démétrien de l'avait jamais effleurée, pourtant c'était assez logique, mais probablement que Ceithli avait pensé qu'il ne serait pas en mesure de reproduire la même chose, de ce qu'elle savait, aucun animal ne produisait l'étrange laine dont elles étaient faites. Enfin, elle demanderait effectivement à sa mère d'en acheter une de plus et elle la lui amènerait la prochaine fois qu'elle se rendrait à Ephtéria.

Mais pour le moment, elle était venue s'asseoir un peu dans l'un des fauteuils du salon. Les braises de la cheminée étaient froides, elle avait trop de mal désormais à faire les allers retours depuis la cave en tenant des bûches pour allumer un feu tous les soirs, et elle espérait qu'Archélas voudrait bien s'en charger ce soir. L'idée de passer une soirée avec son époux sur le tapis en peau d'euther devant la cheminée avait de quoi lui faire envie. Cependant... elle posa les yeux sur son ventre, le jugeant trop inesthétique pour qu'il puisse désirer ainsi se poser à ses côtés. Aussi, elle lui posa directement la question, son regard inquiet se posant sur le soldat alors qu'il s'approchait pour lui répondre de façon assez maladroite.

Sa réponse aurait eu de quoi vexer n'importe quelle femme, n'importe quelle femme qui ne le connaîtrait pas. Mais elle, ses réflexions la firent rire, le voir ainsi embarrassé eut de quoi la toucher même, et elle ramena donc ses deux mains sous son ventre pour tendre un peu le tissu afin qu'il voit mieux ses rondeurs, comme pour le mettre un peu plus mal à l'aise en réalité tout en le regardant se débattre avec sa maladresse. Puis elle sentit un petit coup et se crispa légèrement alors qu'il écarquillait les yeux en ayant vu la petite bosse s'agiter
«Oui, il change de position je pense...» car en effet, plusieurs autres coups apparurent, le ventre faisant de toutes petites bosses par moment selon qu'il s'agissait peut être d'un pied, d'une main ou simplement d'une patte! Si le poids était différent selon s'il se transformait ou non, elle le sentait moins lorsqu'elle était assise. Elle regarda cependant le visage de son époux face à cet évènement, elle y était habituée à présent, depuis le quatrième mois il lui arrivait de voir ces petites pressions, mais pour lui, c'était une première. Elle prit alors la main de son époux et l'amena sur son ventre avant de fermer les yeux pour se calmer, puis au bout de quelques secondes à peine, l'enfant décida de se retourner à nouveau et alla donc taper involontairement dans la paume de son père

«Est-ce que tu as senti?» elle espérait que oui en tout cas, mais elle adorait ce regard d'enfant qu'il pouvait avoir lorsqu'il découvrait ce genre de choses, c'est dans des cas comme ça qu'elle avait l'impression d'être vraiment le plus beau des trésors aux yeux de son époux. Elle eut alors les larmes aux yeux mais refusait de le priver de ce genre de choses, il était si peu présent, il devait autant profiter d'elle que de cette étape de sa vie, car après tout, elle ne serait pas enceinte pour toujours alors autant qu'il en profite non?

[Archélas Ages]

Des femmes enceintes, Archélas en avait déjà croisé un certain nombre, et jamais il ne leur avait témoigné d'intérêt jusqu'à présent. La plupart du temps il les avait trouvées empâtées et grossières, souvent méprisantes. Mais Ceithli était restée Ceithli. Jolie, féroce lorsque cela s'avérait nécessaire, douce le reste du temps, jonglant entre ce petit air embarrassé et une espièglerie beaucoup moins innocente... Alors tout à coup, le soldat découvrait à quoi cela ressemblait réellement, d'être enceinte.

Les yeux écarquillés, il jeta un regard un peu inquiet vers son épouse lorsqu'elle lui prit la main pour la poser sur son ventre et tressaillit en sentant un mouvement ressemblant à s'y méprendre à un coup de pied lui chatouiller la paume. Mince alors, c'est que ça cognait fort !

Un peu surpris, il voulu demander à Ceithli si tout allait bien. Il était à la fois curieux de savoir comment elle pouvait ressentir ce genre de mouvement, et affolé à l'idée que toute cette agitation puisse lui faire mal. Il s'en voulu même un court instant en imaginant que son enfant avait peut-être hérité de la brutalité dont il savait faire preuve lui même... dans sa précipitation à le concevoir ! Mais au moment où il allait ouvrir la bouche pour poser sa question, les mots restèrent coincés au fond de sa gorge. Un peu déboussolé, Archélas baissa la tête et prit une profonde inspiration, usant d'efforts inconsidérés pour rester un homme, un vrai.

En vain...

Son silence confus fut brisé lorsqu'il renifla malgré lui... et puis à force de voir son enfant tambouriner contre le ventre de Ceithli comme s'il voulait sortir, il se mit à y voir flou... La gorge nouée, il posa doucement son oreille sur le ventre rebondit comme s'il espérait l'entendre... et bien l'entendre miauler par exemple !

C'était vrai alors, il y avait bien quelque chose à lui là-dedans ? Il allait vraiment être papa ? Il ferma les yeux, priant bêtement pour que son épouse ne voit pas ses larmes.