« Tous les soirs ? Pendant deux semaines ? Avec des… sacrées courbatures ? » gémit aussitôt le petit botaniste dès qu’il entendit la réponse de Vrass.
« Aaaah, j’aurais dû être né winghox pour faire ce genre de folie. »Recouvert de sueur, la remarque de Vrass à propos de se laver était effectivement bien pertinente, et Benedikt se décolla du plancher avec des plaintes de chien blessé pour se diriger vers la salle de bain. Il s’arrêta à l’encadrement de la porte pour demander au tatoueur s’il voulait l’accompagner, mais l’hésitation de ce dernier fit aussitôt disparaitre son sourire.
Il y avait eu un temps où cela n’aurait même pas été une question, et il se regarda marcher jusqu’à Vrass pour aller l’embrasser et l’entrainer avec lui en riant. Et puis le botaniste baissa les yeux et l’image s’effaça de son esprit, pour être remplacé par le léger froncement de sourcil du tatoueur qui appartenait à la réalité.
« Vrass… » appela soudain Benedikt beaucoup plus doucement, les yeux fixés sur le démarcation entre le plancher et le carrelage, et il se mordit la lèvre avant de continuer.
« Est-ce que tu peux me promettre que… tu essayeras… de rester jusqu’à ce que ce ne soit vraiment plus la peine de continuer ? Je… Je ne sais pas combien de temps ça va prendre, je te jure que j’essaye de faire ce que je peux… »Se balancer d’un pied sur l’autre n’aidait pas à calmer sa nervosité, mais le mouvement était machinal.
« Je ne sais pas ce dont la psy parlait à propos de toi ou même si c’est la même chose qui clochait chez toi selon toi, mais je… t’aiderais, si tu as besoin et... Oh, flûte, j’avais promis qu’on en parlerait plus ce soir, désolé. En plus, c’est moi qui aie proposé. Je- Je vais aller prendre ma douche. »Le temps que Benedikt finisse la dernière syllabe de sa phrase, il avait déjà tourné les talons et filé à l’intérieur de la pièce, se maudissant. Il ne voulait pas de réponse à sa question, malgré l’envie instinctivement qu’il avait eu de la poser ; parce que cela pouvait signifier que Vrass réponde quelque chose qui n’allait pas lui plaire du tout, sans doute plus probablement que le contraire. Le petit botaniste savait combien son vœu de chasteté temporaire dérangeait le tatoueur, et voyait bien trop de fois par jour des expressions qu’il ne voulait pas voir sur le visage de ce dernier. Benedikt sauta seulement sous la douche dans l’espoir que l’eau chaude emmènerait avec elle ses pensées, et baissa progressivement la température comme l’avait dit Vrass de le faire.
Peut-être qu’être aussi fatigué lui permettrait de s’endormir facilement quand même, espéra-t-il en allant se coucher, mais il dut attendre quand même que la chaleur du corps de Vrass vienne s’ajouter à celle des draps, comme Benedikt n’aimait pas s’endormir tout seul.
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Le lendemain matin, ce fut à quelqu’un d’autre d’espérer qu’il était en train de rêver, lorsque Till débarqua dans l’arrière-boutique de l’herboristerie pour voir son patron à moitié débraillé, une main sur la ceinture de son pantalon pour la tirer vers le bas, et profondément immergé dans l’observation de ce qu’il avait en dessous de son caleçon.
L’assistant se mit à hurler, ce qui fit réaliser à Benedikt que quelqu’un d’autre était dans la pièce, si bien qu’il se mit à hurler lui aussi en paniquant, avant de finir par s’écrier :
« Qu’est-ce que tu fais LÀ ?? »
« Qu’est-ce que tu FAIS là ?? » fut la seule réponse qu’on lui donna, et le petit botaniste s’empressa de protester avec force.
« Hé, ne te fais pas d’idées bizarres, c’est juste que j’ai un tatouage sur la hanche que je pensais à peut-être enlever, d’accord ?! » - et Benedikt tendit le bras pour mettre en évidence devant lui le tube de crème Técol qu’il avait dans l’autre main.
« Pourquoi tu arrives si tôt d’abord ?! »« J’étais chez ma copine et elle commence à travailler plus tôt, et elle pouvait pas me passer ses clefs cette fois… Hé, me regarde pas comme ça, c’est toi qui est à moitié à poil, c’est pas moi qu’il faut accuser. » Il s’arrêta pour lui jeter un regard confus.
« Et puis pourquoi tu veux t’enlever un tatouage, je croyais que tu m’avais dit il y a deux jours à peine que tu voulais d'autres ? »Benedikt soupira de dos, encore en train d’arranger son pantalon histoire qu’on ne voit plus du tout son caleçon recouvert de dessins de plantes en fleurs. Puis se réinstalla sur le canapé, jetant un coup d’œil penaud aux trois bouteilles d’alcool bon marché dans un sac en plastique à côté de lui. Il était déjà en train d’hésiter et maintenant, l’arrivée de Till lui donnait encore plus l’impression de faire une bêtise.
« Oui, mais… Celui-là, c’est un tatouage qui m’empêche d’être soûl. Je peux boire autant d’alcool que je veux, ça ne me fera rien. »
« Et… ? Tu le regrettes maintenant ? »
« Oui, je… » Benedikt s’étala sur le canapé défoncé.
« Il y a quelque chose qui me fait trop peur pour que je le fasse, sauf qu’il faut que je trouve une solution rapidement, et je me disais que l’alcool aiderait peut-être, d’habitude, ça… m’empêchait bien de réfléchir et ça m’incitait même à faire ce genre de choses-là. Sauf que… je ne suis plus si sûr que c’est une bonne idée, et puis… Je l’aime bien, ce tatouage, il est beau, alors… »Le visage de son assistant s’était pratiquement décomposé lorsqu’il leva les yeux vers lui. Il semblait presque en colère lorsqu’il répondit, et le petit botaniste se sentit soudain d’autant plus coupable.
« Et quoi, tu crois que c’est une solution ? L’alcool, ça règle pas les problèmes, Benedikt, ça ne fait que te noyer assez le cerveau pour te faire penser qu’il n’y en a plus. C’est un truc de lâches ! »Son patron resta quelques secondes à le regarder ; les paroles de Till semblait être trop spontanées et émotionnellement pour ne pas relever de l’expérience, et puis se releva pour aller ranger le tube de crème dans un tiroir, lui jetant un sourire se voulant confortant.
« Je ne l’aurais pas fait de toutes manières, ne t’inquiètes pas, c’est pour ça que je n’arrivais pas à me décider. » essaya-t-il de le rassurer, même si le petit botaniste savait à l’intérieur de lui-même qu’il n’en était pas aussi sûr que ce qu’il disait. Et tout cas, cela eut l’effet recherché, parce que le visage de son assistant se radoucit aussitôt pour afficher un sourire en coin qui n’annonçait rien de bon.
« Ouais, je préfèrerais ça… Tu vas ouvrir ? » demanda Till comme pour être sûr de le faire sortir de là, avant de rajouter en moquerie :
« Ah, beau caleçon, aussi, c’est presque du zèle d’avoir des sous-vêtements assortis à la boutique qu’on tient. »Le petit botaniste le poussa hors de l’arrière-boutique avec un air mortifié.
« Va ranger les livraisons au lieu de faire des remarques déplacées ! Et ne va pas jouer les commères, cette fois ! »