Benedikt redescendit à l'appel du tatoueur après avoir enfilé un pull par dessus son pyjama, frissonnant lorsque ses orteils rencontrèrent le sol froid de la cuisine.
« Tu ne m'as même pas attendu pour commencer ? » s'écria le petit botaniste avant d'arracher un petit morceau de la part de pizza qu'avait Vrass dans la main pour se venger. Il s'assit avec un petit sourire fier de lui, et grattouilla Iza derrière les oreilles vu qu'elle avait fourré sa tête sur ses genoux. Benedikt savait qu'elle s’inquiétait pour lui après l'avoir vu pleurnicher la moitié de la journée précédente, mais il ne voulait pas qu'elle s'embête avec ça, d'autant plus quand elle ne pouvait rien faire pour lui. Ce n'était pas la première fois qu'il devait faire ses adieux à quelqu'un et d'après le botaniste, il n'y avait que le temps pour effacer sa tristesse. En attendant, aller voir ce scientifique lui changerait un peu les idées.
Benedikt attrapa une part de sa propre pizza recouvert d'épinard, et entreprit de la manger sans prendre la peine de le faire proprement, simplement parce que ça l'amusait d'avoir de la sauce tomate sur les doigts. Il entendait presque Phineas râler, prêt à l'engueuler d'être un tel gamin, mais lorsque le botaniste redescendit de sa petite planète, il s'aperçut que c'était en l’occurrence Vrass qui râlait bel et bien, et pas seulement le vieux herboriste dans sa tête.
Le botaniste cligna des yeux et regarda le tatoueur presque avec déception, pensant à la profonde envie qu'il avait à l'instant d'entendre les remontrances du vieil homme.
« Mm-mh, oui... » s'excusa Benedikt, qui se mit à lécher ses doigts sans vraiment avoir l'air désolé.
Il tenta de faire taire ses pensées tout le reste de la soirée, histoire de rester de bonne humeur. Heureusement, la soirée était déjà avancé et il n'avait guère qu'à s'endormir protégé dans son sommeil par les bras du tatoueur, lorsque le dîner toucha à sa faim.
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Le lendemain matin fut un festival de clients pour Vrass, si bien que le botaniste se demanda bel et bien s'il allait pouvoir venir avec lui au laboratoire où travaillait le vieux scientifique. Heureusement, au fur de la journée, les choses se calmèrent et lorsque Benedikt s'installa dans la cuisine pour chercher l'adresse du laboratoire sur sa carte de la Basse-ville qui ne l'empêchait de se perdre constamment, le winghox finit un dernier tatouage sans qu'un nouveau client ne passe la porte de la boutique.
La route n'était pas si longue mais le bâtiment se trouvait dans les beaux quartiers commerciaux de l'est et le botaniste fut heureux de pouvoir garder un peu de chaleur corporelle, les mains enfoncées dans les poches de son tout nouveau manteau. Ce dernier n'empêcha pourtant pas son sang de se glacer lorsqu'il reconnu les environs des laboratoires Deilofd, et Benedikt s'aperçut avec horreur que l'endroit où ils allaient étaient à seulement quelques immeubles de l'endroit où il aurait pu bien passer la fin de sa vie si Vrass n'avait pas eu la bonne idée de le retrouver.
Le petit botaniste enfouit son menton dans la fourrure de son col et trottina d'autant plus vite pour rentrer dans le hall du bâtiment qu'ils cherchaient, s'arrêtant net à l'entrée en se demandant s'il fallait vraiment rester là.
Mais tout les laboratoires de la Basse-ville ne traînaient pas dans des affaires louches et voulaient des informations venant des jardins de Bellevue, non ? Il avait dû épeler son nom deux fois au vieil scientifique, alors cela l'étonnerait fort que quiconque ne le connaisse ici de près ou de loin. Il finit par s'approcher de la standardiste dans un coin de la pièce.
« Excusez-moi, j'avais rendez-vous avec Lumas Sonned aujourd'hui, est-ce que vous pouvez le prévenir de mon arrivée ? » demanda le botaniste en se penchant sur le comptoir, ses poings fermés pour s'empêcher de tapoter nerveusement le bout de ses doigts sur le bois clair.
La jeune femme releva les yeux de ses mots-croisés, et soudain son sourire commercial s'élargit avec grâce.
« Oui bien sûr, de la part de qu- oh, vous êtes Benedikt Bloom, n'est-ce-pas ? » La manière dont son sourire devenait moqueur ne plaisait pas du tout au petit botaniste qui faillit faire un pas en arrière.
« Oui, hm- »Il n'eut pas le temps de réussir à formuler une phrase que la standardiste brandissait un journal et tapotait sur la couverture divisée en deux par un éclair. De chaque côté, deux photos montraient respectivement un botaniste aux yeux perdus dans les étoiles – et dans l'alcool - avec un sourire jusqu'aux deux oreilles, et un winghox en train de parader sur un podium. Benedikt eut à peine le temps de lire l'accroche en majuscule qui annonçait
« Vrass Rannveig porte bien ses cornes ! Page 4 » avant que la jeune femme ne le repose sur son bureau.
« Et vous êtes Vrass Rannveig, n'est-ce-pas ? J'ai toujours voulu que vous soyez élu Mister Nideyle, le gagnant était beaucoup moins sexy que vous ! »