Kallistrat était occupé à regarder le grand Dôme orangé qui s'étalait au-dessus de lui. Avec ses alvéoles parcourues d'énergie Nideylique, le bouclier protecteur ressemblait à une gigantesque ruche d'abeilles... les abeilles en moins. Tout juste y avait-il ce petit moucheron qui voletait près de lui après lui être rentré dedans. Un chat de gouttière le regarda avec de grands yeux effarés avant de feuler et de gonfler ses poils autant qu'il en était capable dans le maigre espoir d'impressionner l'orphe lion. En vain. Et tout autour, les bruits habituels. Le ronronnement à peine audible des véhicules électriques, le métro aérien surgissant de derrière un immeuble, les conversations futiles des humains, les combats...
... les combats ?
Chaton se retourna, le nez plissé alors qu'une bagarre éclatait sous ses yeux. La minuscule petite humaine qui le suivait depuis tout à l'heure s'était tout à coup jetée sur d'autres individus de son espèce. Deux mâles s'il se fiait à l'odeur, mais il n'était pas sûr parce que l'un d'entre eux avait des cheveux très longs. Kallistrat était toujours perdu avec ces histoires de cheveux. Chez ceux de sa race, seuls les lions mâle arboraient une crinière aussi longue. Chez les humains il avait d'abord pensé que c'était réservé aux femmes, avant de rencontrer Vrass et sa crinière aussi longue que la queue d'un anticus. Du coup chaton avait renoncé à identifier le sexe des humains en se fiant à leur chevelure. En attendant, il regardait ces trois là s'agiter et se battre comme des lionceaux sans comprendre ce qui leur arrivait. Guerre de territoire ? De clan ? Peut-être que les deux mâles voulaient la même femelle, mais pourquoi l'attaquer dans ce cas ? Peut-être que la petite rousse ne voulait pas ?
Pour sa défense, Kallistrat ne savait pas ce qu'était une prison. Quant à « être bonne », il estimait qu'il s'agissait d'un compliment sur le caractère de la petite. C'était plutôt bien d'être gentille, non ? Chaton soupira d'exaspération. Bigre ! Les humains étaient fatiguant. Et puis ils ne savaient pas se battre, ça lui donnait envie de s'en mêler et d'égorger tout le monde pour leur montrer comment faire... dommage que ce ne soit pas conseillé. Et alors que le grand orphe s'apprêtait à faire demi-tour - après tout ce n'étaient pas ses affaires - il remarqua que la moucheronne s'en prenait plein la figure. Manifestement, elle était trop faible pour ces deux adversaires. Alors poussé par son instinct de conservation, Kallistrat s'approcha. L'une de ses grosses paluches griffues se posa sur le col de la jeune fille qu'il souleva sans effort et reposa derrière lui, tournant le dos aux deux autres humains.
« Ne cherche pas la bagarre si tu ne sais pas te battre ! » Gronda-t-il de sa voix profonde.
Il eut à peine fini sa phrase qu'un bruit sourd résonna tout à coup, et le sol se mit à trembler. Chaton coucha les oreilles, inquiet de ce raffut autant que des vibrations. Ce n'était jamais bon signe... Quelques minutes plus tard, il vit un grand nuage de fumée sortir d'une porte qui menait sous terre, et une foule affolée en sortir en hurlant. Des mots qu'il ne comprenait pas se répétaient inlassablement. « Attenta », notamment. Mais quand il compris qu'il y avait des morts et que les odeurs de sang et de terreur lui vinrent aux narines, il oublia son moucheron et se précipita vers la bouche de métro la plus proche. À quatre pattes pour courir plus vite, il ne remarqua même pas les gens s'écarter et hurler de plus belle sur son passage.