Quel drôle d'oiseau celui là! Devoir à chaque fois préciser de quoi il parle alors qu'il est bien assez explicite. En tout cas, la soirée s'était très bien passée, bien que je savais déjà que les deux prochaines journées allaient être encore longues, et particulièrement chiantes.
Mais vint enfin mon dernier jour de travail, et me réveiller avec un Benedikt en version sans poil mais avec des bouclettes partout avait déjà de quoi me mettre de meilleure humeur. Il comptait retourner dans les Ghettos dès aujourd'hui, aussi, j'approuvais simplement avant de me lever et rassembler mes affaires. D'un dernier baiser, je le laissais partir avant de me diriger vers l'immense building pour me rendre auprès de la standardiste
«Ooooh... alors c'est vrai? Tu nous quittes?»
- «Oui. Je ne fais généralement que des missions assez courtes, je suis du genre à me lasser vite. Et puis franchement, après les derniers événements, j'ai pas trop envie de m'éterniser ici.»
- «Ce ne sera pas si simple...» - la voix venait de derrière moi, un homme de stature imposante – similaire à la mienne – se tenait là avec des airs de bouledogue. Fronçant les sourcils, je me tournais vers lui en essayant de comprendre de quoi il en retournait.
« Comment ça ? »
- « On ne peut pas vous laisser partir sans prendre quelques précautions. »
- « Si c’est pour la clause de confidentialité, je l’ai signée. »
- « Je sais. Mais vous comprendrez bien que c’est louche qu’exactement pendant votre contrat d’une semaine, un accident se soit produit. On va devoir enquêter sur vous. »Et merde. Enfin, j’affichais juste un air las avant de soupirer et me tourner de nouveau vers lui
« Il vous faut quoi ? »
- « Rien. Pour le moment, vous allez pouvoir partir, mais votre salaire ne vous sera versé qu’à la fin de l’enquête. » – honnêtement, je m’en foutais royalement, mais il valait mieux qu’ils pensent que ça m’atteignait
- « Quoi ?? Vous plaisantez j’espère ? J’ai besoin de ce fric oh ! » – fronçant les sourcils, je m’approchais du gars pour l’agripper par le col. Leur donner l’illusion qu’ils me tiennent par l’argent est le moyen le plus sûr pour qu’ils ne cherchent pas à s’en prendre d’une autre manière à moi. De toute manière, dès demain, Drake Garundorf n’existera plus. C’est dommage, cet argent aurait mis un peu de beurre dans les épinards, mais depuis que Benedikt bosse à l’herboristerie à temps plein, on n’a vraiment plus de soucis d’argent à se faire !
- « C’est la procédure. Mais ne t’en fais pas, si t’es vraiment innocent, on devrait pouvoir te filer ton chèque d’ici une semaine »
- « Vous faites chier. » – je remarquais que bizarrement, depuis que je m’étais montré faible et à sa merci, il me tutoyait. Preuve qu’il avait désormais confiance en sa supériorité sur moi. –
« Je peux partir quand ? »
- « Maintenant. Tu signes les papiers et tu peux t’en aller. On a la photocopie de tes papiers d’identité, on sait où te trouver, on te tiendra informé »
- « Vous avez intérêt… » – surprise surprise lorsqu’ils verront que l’adresse est bidon et que c’est une vieille dame qui habite là bas.
Affichant un air renfrogné, je prenais donc mon contrat que j’arrachais d’un geste sec des mains de la standardiste qui me lançait un regard désolé. Puis elle se pencha vers moi en murmurant avec un doux sourire
« Dis, c’est bientôt ma pause… ça te dit qu’on aille boire un verre ? »
- « Désolé mais franchement là, je suis pas d’humeur ! » – je me tournais alors vers le gars en affichant un air mauvais
« Après toute l’aide que je vous ai apportée pour retrouver votre gars, vous êtes quand même gonflés ! »
- « C’est facile pour toi de nous aider à chercher si le coupable c’est toi non ? Difficile de mettre la main dessus de cette manière. »
- « Et j’aurais fait comment ? Vous m’avez vu partir avec la camionnette, vous l’avez même inspectée ! Y’avait que des lapins dans cette fichue bagnole ! Et j’étais pas tout seul en plus. »
- « Certes, c’est vrai que l’on a du mal à comprendre comment tu aurais pu faire, pour ça que t’as pas à t’en faire, tu seras vite innocenté. Mais faut qu’on se renseigne un peu plus sur toi… t’as rien à cacher hein ? »
- « Vous savez bien que si. Mais ça n’a rien à voir avec vous. Les gens blancs comme neige, ça n’existe pas dans cette ville » – il afficha alors un sourire mauvais et je sentais que ma franchise lui plaisait. Je rajustais mon sac sur mon épaule avant de pester encore avant de partir. J’avais intérêt à faire vite pour dégager d’ici avant qu’ils ne se lancent plus sérieusement dans les recherches. Il valait mieux que je sois loin avant qu’ils ne comprennent que Drake Garundorf n’existe pas.
Je me dirigeais donc vers les Ghettos rapidement, dès que je passais le dôme, il se mettait à pleuvoir, ce qui m’arrangeait un peu. J’enfilais un manteau et je mettais une capuche plus ou moins sur ma tête, mes cornes me gênaient un peu, mais au moins déjà, on ne voyait plus mes cheveux. J’allais devoir rester enfermé chez moi pour le reste de la journée. Cependant, je voulais être sur de ne pas être suivi, si bien que je bifurquais dans une petite ruelle avant de carrément utiliser la perle pour me téléporter à la maison. Il y eut un pouf, et j’atterrissais directement sur la terrasse… qui était terminée.
« Ouah ! Ils ont fait un sacré boulot ! » – ils m’avaient même mis un store pour la protéger de la pluie ! Le gazon était bien posé, il y avait des sortes de jardinières sur les côtés et un petit muret tout autour pour servir de garde-corps. Pas de risque que Nathan passe par-dessus par mégarde !
Je posais mon sac, retirais mon manteau et mon pull aussi pour me retrouver enfin en débardeur. J’avais l’impression que ça faisait une éternité que je n’avais pas eu les bras à l’air, et finalement, en dehors de la nuit, c’était le cas.
Je sentais une bonne odeur d’œufs, de lard et de crêpes. Bon, je me trompais sur le dernier point, mais j’en étais pas loin. Je descendais les escaliers pour trouver Iza sous le comptoir en train de manger un bel os à moelle, je me mettais accroupi pour poser ma main sur sa tête en lui souriant
« Salut Iza… tu m’as manqué tu sais ? » – je me tournais vers le salon, ou plutôt ma salle de travail pour voir la porte finement posée. Je m’y dirigeais afin d’ouvrir la porte et regarder la fin des travaux. La pièce était grande, spacieuse et… vide, forcément. Au sol, ils avaient mis un revêtement plastique de couleur sombre, c’était moins cher que la moquette ou le parquet et ça se nettoyait mieux. Deux fenêtres laissaient passer la lumière, et il fallait désormais réfléchir aux meubles qu’on allait y mettre. Ils m’avaient mis une sorte de renfoncement tout au fond avec des évacuations d’eau pour la machine à laver, elle serait donc cachée par un placard qu’ils avaient posé tout autour. Voilà qui était intelligent, au moins, on ne la verrait pas. En m’approchant de la fenêtre, je pouvais voir le reste de la petite cour, il y avait les étendoirs pour le linge, ils avaient vraiment pensé à tout.
Je me dirigeais enfin vers la cuisine en affichant un sourire un peu fatigué
« Et me voilà… ça sent super bon ! » – j’ouvrais les bras pour qu’il vienne me retrouver, puis j’enfouissais mon nez dans ses cheveux, qu’est-ce que ça m’avait manqué ça aussi… -
« T’as vu les travaux ? C’est chouette comme ça non ? » – par contre, je ne me doutais pas que la note allait être salée. Ils avaient fait tout de même bien plus que ce qui était prévu. Mais tant pis, ça valait le coup.