« Oh, non, ça ne m'intéresse pas. » continua Benedikt qui secoua la tête alors qu'on lui parlait de romans. « En fait. C'est que les deux autres, ceux que vous m'avez donné la dernière fois, je ne les comprenais pas. C'est trop technique. Je... n'y connais vraiment rien, je ne sais pas à quoi ils font référence la plupart du temps, ou ce sont des mots que je ne connais pas. »
Clairement amusé, son interlocuteur essaya tout de même de garder une expression neutre pour ne pas le vexer, surtout que le nez froncé du botaniste témoignait de sa gêne d'avouer son ignorance. Après l'avoir déjà vu quelques petites fois, le bibliothécaire commençait au moins à apprécier la personne, sinon sa curiosité. Et puis, surtout, c'était très facile de se sentir utile avec lui. Il n'exerçait pas son travail depuis longtemps, mais il n'y avait encore jamais rencontré quelqu'un qui voulait savoir comment marchait tout ce qui l'entourait parce qu'il ne savait pas comment s'en servir. « Okay, je crois que serait bien de commencer par les bases de la physique plutôt que ce genre de choses. »
Le botaniste hocha la tête avec enthousiasme, même s'il ne savait absolument pas si c'était effectivement ce qu'il lui fallait, et le suivit dans un rayon qui étalait toutes les différentes sortes de bouquins sur le sujet en question.
Après avoir fait un détour rapide par l'herboristerie, histoire de savoir si tout allait bien et si on avait besoin de lui – les réponses avaient été, dans l'ordre : oui, non – Benedikt décida de rentrer à la boutique de tatouage. Vrass serait sans doute réveillé, à cette heure-ci ? Fêter la fin de leur abstinence forcée les avaient occupé pendant une bonne partie de la nuit, et le botaniste n'avait pas eu le courage de sortir de son sommeil bienheureux et mérité le tatoueur, une ou deux heure plus tôt. Après avoir tourné dans la cuisine quelques temps, il avait fini par décider d'aller se balader, et puisqu'il venait de finir un énorme bouquin traitant de la planète terre, la médiathèque avait été désigné comme destination. Mais il n'était passé par la boutique de Belladona que sur un coup de tête, et était resté plus de temps dehors qu'il n'avait prévu.
Le botaniste fourra ses mains dans ses poches et son menton dans son col, empêchant plutôt efficacement et à son grand plaisir le froid de rentrer. Il y avait beaucoup plus de vent dans les Ghettos comme on n'était pas sous le Dôme, mais la température n'était pas tellement plus douce à la Basse-ville même, surtout alors qu'il était à peine 11h du matin. Tournant à l'angle d'une rue d'un quartier résidentiel calme et désert, Benedikt chantonnait doucement pour lui-même quand il s'aperçut qu'il n'avait plus rien dans les mains. Il avait laissé les deux livres qu'il venait d'emprunter à l'herboristerie ; sa discussion avec la picaris l'avait distrait.
« Flûte, quel idiot. » se sermonna-t-il à voix basse. Le botaniste hésitait à faire demi-tour, après tout, il pourrait les reprendre plus tard ? Il s'arrêta et jeta un regard derrière lui pour l'aider à prendre une décision, ignorant plus ou moins la voiture grise qui passait par là. Ce ne fut que lorsqu'elle s'arrêta à son niveau qu'il se retourna vers celui qui était en train d'en sortir. Ah non, ceux qui étaient en train d'en sortir.
Benedikt ne rentra pas ce matin-là, ni le jour suivant, ni celui d'après.