« C'était, heu... personne. Quelqu'un qui me demandait... qui cherchait son chemin. » finit par lâcher Benedikt avec un air plus ou moins coupable lorsque le tatoueur s'interrogea à propos de la discussion qu'il avait entendu. Il n'aimait pas du tout l'idée de mentir à Vrass, mais il s’inquiétait assez pour lui pour ne pas avoir envie de lui révéler cette histoire. Si c'était effectivement important et réel, après vérification, il lui raconterait tout. Pour l'instant, le botaniste préférerait qu'il se repose sans stress et sans questions.
Une infirmière rentra heureusement à ce moment-là, coupant court à la conversation alors qu'elle reprenait le verre vide sur la table.
« Je n'étais pas sûre que vous sauriez quoi faire avec ce qu'on vous a donné... » Benedikt n'eut pas le temps de protester puisqu'elle continuait déjà. « Il y a une femme qui vient juste de me poser des questions à propos de vous, elle m'a dit qu'elle voulait vous parler un peu plus tard... »
Le botaniste ne réagit pas tout de suite, croyant qu'elle parlait à Vrass, avant de s’apercevoir que c'était bel et bien de lui qu'elle attendait une réaction. Il se mordit la lèvre – décidément, non seulement il mentait mal mais en plus on ne l'aidait pas – et leva la tête vers l'infirmière.
« Ah... vraiment ? Je... Je vais aller voir ce qu'elle veut, alors. » Il se releva et se retourna sur Vrass avant de sortir. « Je reviens tout de suite, je fais au plus vite, promis. »
Autant ne pas laisser traîner cette histoire, finalement...
Benedikt n'eut pas à chercher longtemps la journaliste, elle rodait au bout du couloir, les doigts entremêlés dans ses cheveux, accompagnant un beau sourire venimeux planté là à l'intention de l'infirmier à qui elle était en train de parler – bien sûr, les médecins étaient moins intéressants puisqu'ils n'avaient pas à gérer les dossiers des patients -.
« Mais qu'est-ce que vous voulez, à la fin ? »
Peu importait au botaniste d'interrompre impoliment leur discussion, il était déjà en colère. Elle se retourna avec un air de surprise plein de contentement, et toisa le jeune homme avec un nouveau sourire.
« Oh-oh, on dirais bien que quelqu'un vous a reparlé de moi. »
« Bien sûr, vous fouinez partout pour essayer d'obtenir des informations à propos de nous ! Ma question, c'est pourquoi ? Qu'est-ce que vous voulez à Vrass ?! »
« Vous ne vouliez pas répondre à mes questions, alors il fallait bien que je trou- »
« Non ! Je ne vous parle pas de ça, je vous pa- »
« Baissez d'un ton, on est dans un hôpital, pas dans un bar. Il y a des malades, ici. » intervint soudain l'infirmier.
« Ce que j'étais en train de dire... » reprit Benedikt plus calmement, les dents serrées, « C'était que j'aimerais que vous arrêtiez de vous moquez de moi pour me dire ce que vous cherchez. »
Elle soupira et roula des yeux avant de répondre ; « Je travaille pour un journal. J'ai besoin d'informations sur Vrass Rannveig, d'un peu de matière, pour écrire mon article, vous voyez. »
« Votre article ? » Benedikt s'arrêta et fronça les sourcils. « Vous voulez écrire un article sur lui à cause de son accident ? »
Elle soupira à nouveau. « Peu importe, vous le lirez dans les journaux, n'est-ce pas, hein ? Je pense que ce que j'ai me suffit, et personne ne semble être au courant de rien d'intéressant, sauf peut-être vous qui êtes une vraie tête de mule. Je ne vois vraiment pas ce que vous faîtes ici, en fait, en tant que beau-frère. Et vu ce que j'ai entendu, votre relation soulève quelques questions... »
Le botaniste resta muet, un air offensé tentant de cacher son embarras. L'infirmier le regarda avec un sourcil levé.
« C'est quoi la date d'anniversaire de votre sœur ? » Il posait en vérité la question à tout hasard, comme il était facile de détecter certains mensonges en demandant des dates qui obligeaient à gens à réfléchir pour inventer une bêtises à peu près crédible (et que les patients n'étaient pas les plus honnêtes dans certains domaines). Ce que fit exactement Benedikt. Le temps qu'il torture son esprit à faire le calcul d'une année de naissance possible et à choisir un mois et un jour, l'homme posait sur lui un regard des plus suspicieux.
« Vous savez que le problème n'est plus de protéger la tranquillité de nos patients, puisque de toutes évidences, il semble vous connaître, mais qu'il s'agit d'une usurpation d'identité, et qu'en plus votre nom de famille est inscrit dans le dossier de son fils ? À moins qu'il s'agisse d'un très heureux hasard ? »
Benedikt recula d'un pas, bien tenté par l'idée de se réfugier dans la chambre de Vrass, mais cela ne risquait de régler grand-chose. Les deux autres, eux, s’engouffrèrent dans la chambre du tatoueur, l'un dans l'intention de demander confirmation de son hypothèse bien qu'il n'en avait guère besoin vu le manque de répartie du jeune homme qui le suivait en répétant que Vrass n'avait rien à voir dans tout ça, l'autre parce que sa curiosité était enfin piquée par un événement imprévu.