Benedikt, encore un peu chamboulé d'avoir pris le taxi – c'était la première fois qu'il montait dans une voiture et ça allait bien trop vite pour être sûr, d'après lui -, pris la main du winghox dans la sienne, autant pour se rassurer lui-même que pour tenter de rassurer Vrass, alors qu'ils rentraient dans le hall de l'orphelinat. Il n'était pas luxueux mais il était propre et moderne ; ce qui était à peu près équivalent pour le botaniste. Il lâcha la main du tatoueur et le laissa parler à une jeune femme qui venait d'apparaitre. Sa présence ici ne lui semblait pas forcément légitime, aussi il resta légèrement en retrait.
Rannveig ? Nathan Rannveig ? Sa mère lui avait donné le nom de Vrass mais ne lui avait jamais dit qu'il avait un enfant ? Benedikt regarda d'un air surpris la jeune femme de l'orphelinat comme si elle pouvait leur expliquer cet étrange comportement. Peut-être voulait-elle être sûre que son testament soit appliqué ? C'était quand même bizarre. Il aurait sans doute plus de moyens pour comprendre lorsque le tatoueur aura parlé à son fils.
Elle les conduisit jusqu'à un petit jardin où de nombreux enfants jouaient un peu partout, pour leur montrer un enfant assis au pied d'un arbre, un écureuil perché sur son épaule. Ses paroles à propos du comportement réservé de Nathan n'était pas très rassurantes pour le botaniste, mais il lança à Vrass un regard d'encouragement et lui sourit juste avant qu'il n'aille voir son fils. Ce ne fut que quand il fut parti que le visage de Benedikt se froissa d’inquiétude. Pourtant, rien de terrible n'arriva, et il semblait même que tout se passait bien, même si la distance qui le séparait d'eux l'empêchait de pouvoir facilement suivre ce qu'ils se disaient.
La femme de l'orphelinat se tourna vers lui.
« Alors, vous et lui, vous êtes... »
Benedikt ne répondit pas tout de suite, il ne savait pas vraiment comment il pouvait l'appeler la relation qu'avait lui et Vrass. Être en couple semblait trop fort, être amis ne l'était pas assez. Et puis il était surtout occupé à essayer d'entendre de là où il était des bribes de conversation entre le tatoueur et son fils. Au moins, s'il se basait sur ce qu'il voyait, cela n'avait pas l'air de mal se passer.
« C'est son amoureux. »
Benedikt baissa les yeux sur une gamine aux cheveux blonds et bouclés qui les regardais avec un air qui montrait clairement qu'elle avait la réponse à toute les questions. Il la reconnaissait, c'était celle qu'ils avaient vu passer en courant avec un autre gamin dans le hall d'entrée.
« Tu lui tient la main, mais c'est pas quand on est en rang et qu'on tient la main de son voisin. C'est ton amoureux. » expliqua-t-elle avant de se tourner vers la jeune femme. « Tu l'as vu. »
« C'est... un peu compliqué. C'est pas tout à fait ça. Mais on va dire que tu as raison, oui. » répondit Benedikt en riant.
Jetant un regard vers Vrass qui discutait avec son fils, la femme sembla hésiter.
« Heu, comment ça se fait que Nathan... Enfin, comment... »
Elle reçut un regard éberlué de la part du botaniste.
« Non mais ce n'est pas le mien aussi... »
« Oui, merci, je m'en doute, c'est juste que... »
Elle ne parvenait pas à finir sa phrase, tellement gênée de parler de l'orientation sexuelle d'un inconnu avec un autre inconnu.
Benedikt, lui, commençait à croire qu'elle faisait exprès de lui poser des questions auxquelles il ne pouvait pas ou ne voulait pas répondre.
« C'est... la vie privé de Vrass donc je n'en parlerais pas, désolé. »
Ils se turent quelques instants, pendant que le botaniste tentait de comprendre ce qui se passait entre le père et son fils sans avoir l'air de les épier, jusqu'à ce que la jeune gemme reprenne la parole.
« Il va l'adopter, cet enfant ? »
« Je... Je n'ai rien à dire dans cette histoire, donc... Je ne veux pas parler en son nom mais... Raisonnablement, je peux dire que non. Ce ne serait pas une bonne idée... »
Benedikt soupira et croisa les bras, le regard toujours fixé vers Vrass et Nathan.
« Pourquoi il veut pas ? » demanda la gamine d'une petite voix presque surprenante.
Il s'accroupit à côté d'elle. Voilà que lui aussi devait s'expliquer auprès de quelqu'un, presque de la même manière que Vrass !
« Parce que... Il voyage beaucoup, tu vois, et puis il n'a pas l'habitude d'avoir à s'occuper de personne. Il n'a pas envie d'avoir des enfants pour l'instant parce qu'il devrait complètement changer, pour ça, et que ce n'est pas possible. »
« Mais t'es son amoureux, alors il s'occupe de toi. »
« Pas vraiment, non, tu sais. Ou peut-être que oui, mais d'une autre manière. Tu vois, il n'a pas besoin de m'emmener à l'école, lui. Ou de m'apprendre à être poli. » finit par répondre Benedikt avec un petit sourire. « Et puis... Plus tard, je serais peut-être parti. Ou il partira. Alors que Nathan resterais pour très longtemps. »
Le botaniste se releva soudainement pour s'arrêter de parler, alors qu'il avait tourné la conversation d'une manière qui ne lui plaisait pas du tout. Un peu plus loin, Vrass lui fit signe de venir les voir, et Benedikt fut presque heureux qu'il choisisse cet instant précis pour le faire. Il se retourna pour dire à la gamine et à la femme de l'orphelinat qu'il reviendrait avant de les rejoindre.
« Salut. » lança-t-il en se penchant vers Nathan. Un sourire franc apparu sur son visage lorsqu'il vit les yeux vairons se poser sur lui. Les mêmes que Vrass, dans une version pleine d'innocence et d'insouciance.
Il se mit à rire lorsqu'il lui demanda s'il n'avait pas de parents non plus. La question ne le dérangeait pas puisqu'elle était posée par un enfant. Il savait qu'il n'y avait pas de sous-entendus ou de jugements quelconque derrière et cela lui plaisait.
« Oui, c'est vrai, je suis resté dans un orphelinat comme celui-ci pendant longtemps. Jusqu'à ce que je puisse me débrouiller tout seul. » répondit-il, avant de rajouter. « Ça te plaît, de vivre ici ? Tu t'entends bien avec les autres ? »