La picaris le regarda s'envoler, et les plantes dressaient leurs feuilles hérissées d'épines au-dessus d'elle pour la protéger de ce nouveau prédateur, et s'il semblait découvrir à peine l'univers des rêves et de savoir qu'elles étaient les possibilités et les limites, elle avait toujours eu une grande imagination et lorsqu'il dégaina une arme, l'une des plantes carnivores déroula une liane gigantesque pour s'enrouler autour de son corps et l'obliger à se poser... ils étaient dans un monde où seul leur esprit pouvait décider des limites existantes...
Mais la picaris n'était pas du genre agressif, et les plantes étaient simplement inspirées de l'homme qu'elle aimait et qui la protégeait toujours, lorsqu'elle était éveillée, et par conséquent, il le faisait aussi dans son sommeil. Les plantes carnivores étaient donc beaucoup plus le fruit d'un subconscient visant à ce qu'elle soit toujours protégée, probablement parce que son compagnon n'avait jamais cessé de lui répéter qu'il serait toujours là pour elle. Elle posa donc sa main sur la tête d'une des plantes agressives comme pour la calmer, murmurant des petits «chuuuut» délicats, jusqu'à ce que l'orphe se retrouve libéré.
«Pardonnez ma plante... je suis Belladona, et je suis simplement en train de rêver...»
Sa voix était douce, comme un chant. Les plantes carnivores étaient toujours là, mais avaient considérablement diminué, ne lui arrivant qu'à la taille désormais, elle les caressait délicatement, comme s'il s'agissait de ses animaux de compagnie. Elle n'osait cependant pas l'approcher, mais si l'orphe voyait le ciel s'assombrir, juste au-dessus de la jeune femme se dressait un arc-en-ciel de mille couleurs - pourquoi se limiter à sept? - et des oiseaux aux couleurs chatoyantes passèrent au-dessus d'eux, laissant derrière eux des trainées de minuscules fleurs qui tombèrent en cascade au-dessus de la jeune femme. Cela faisait bien longtemps qu'elle avait cessé d'avoir peur de ses rêves, elle avait compris qu'elle était la seule à choisir ce qu'il pouvait s'y passer, et à sa connaissance, les seuls cauchemars qu'il lui arrivait encore de faire, ne concernaient que celui qu'elle aimait, lorsqu'elle craignait qu'il la quitte.
D'ailleurs, alors qu'elle y pensait, les plantes carnivores changèrent progressivement pour paraître beaucoup moins agressives, même si elles avaient toujours leurs crocs et leurs griffes, mais elles s'enroulèrent affectueusement autour de la picaris, comme pour la rassurer que cela n'arriverait jamais, qu'il serait toujours là. Le ruisseau avait disparu, elle était désormais sur la prairie couverte de fleurs et elle fixait l'orphe en penchant la tête sur le côté
«C'est la première fois que je rencontre quelqu'un ici... D'où venez-vous?»
La question aurait pu être «où vous êtes vous endormi?», mais elle avait posé sa question ainsi, sa nature curieuse prenant le dessus alors que les plantes carnivores reprenaient un peu leur allure menaçante, comme pour inciter la picaris à ne pas s'approcher de l'inconnu
«Vous êtes un orphe n'est-ce pas?»
Cela pouvait paraître évident, vu comme ça, mais d'un autre côté, il pouvait tout aussi bien être un ohime... alors la jeune femme préférait poser la question et elle fit un premier pas vers lui, légèrement retenue par la plante, mais elle était dans son esprit, elle ne pouvait donc pas l'empêcher d'avancer si elle le désirait. À chacun de ses pas, des fleurs poussaient à nouveau sous ses pieds, et l'arc-en-ciel semblait la suivre. Les oiseaux se mirent à chanter à leur tour une douce plainte et la lumière inonda la vallée... signe que la jeune femme était d'une nature joyeuse et pleine de vie...