Pour cette deuxième chute à travers le trou, Antiphane fut moins rassuré qu'à la première. Il avait vu Dona pousser le botaniste sans remords et se tourner vers lui pour faire de même. Durant ce court instant de répit, il regretta la grande taille de Benedikt ainsi que sa chevelure protectrice. Désormais, il craignait de chuter librement et sans personne pour le protéger. Lorsqu'elle glissa sa main dans son dos pour le pousser à travers le tunnel, il ne broncha pas, se laissant guider comme un enfant qui ne savait pas quoi faire. Et il chuta.
Durant la chute, il ferma les yeux et plaqua ses mains contre ses oreilles comme si ne rien voir et ne rien entendre allait le protéger. Et apparemment, cela fut le cas. Lorsqu'il souleva ses paupières avec précaution, il se trouvait assis par terre sans la moindre égratignure. Il adressa un sourire confiant à Benedikt, toujours aussi ravi de l'avoir à ses côtés.
Alors qu'ils marchaient sous les instructions de Dona, Antiphane fixait admirablement la silhouette du petit botaniste à seulement quelques pas de lui. Il savait que la mauvaise fée se trouvait derrière lui, mais ne n'arrivait pas à l'entendre. Apparemment, elle savait se faire silencieuse pour chasser. Mais même s'il ne l'entendait pas, il sentait sa présence près de lui.
Il fut bercé quelques temps par ses propres pas ainsi que ceux plus étouffés de Benedikt. Tous les sens en alerte, Antiphane lui avait promis de veiller sur lui, comme le ferait un grand frère même s'il ne l'avait pas précisé. Il s'était souvent demandé ce que pouvait ressentir un grand frère. Lui, avait l'habitude de compter sur son grand frère. Mais sur qui comptait ce dernier ? Et à l’occurrence, dans cette situation, il était le grand frère qui devait protéger le plus jeune, c'est-à-dire Benedikt. Tout à coup il sentit le poids de ses responsabilités lui écraser les épaules. Il sentit ses jambes fléchir tant cela lui pesait.
« Rien pour l'instant, notre appât est toujours devant moi. »
Il ne savait pas si Dona allait l'entendre étant donné qu'il ne savait pas où était-elle. Mais au fond de lui, il avait qu'elle l'avait entendue.
Des petits pas résonnèrent autour d'eux. Comme les pas d'un enfant. Non, de plusieurs enfants qui courraient dans la prairie. Antiphane, celui qui devait surveiller les environs se retourna dans tous les sens, s'attendant à apercevoir à la fois Dona et un groupe d'enfants. Mais il ne vit rien du tout, il semblait être seul avec le lapin qui marchait tout seul devant lui. Mais il ne rêvait pas, il y avait bien un bruit de feuilles écrasées, de branches qui craquent sous le poids d'un pieds qui supporte le poids d'une jambe, qui elle-même porte tout un corps. Et c'est tout cela qui donner l'impression de faire craquer absolument toute la forêt.
Au loin, une drôle de forme se détacha des arbres. Ce n'était pas un homme, c'était long, comme un train, mais vivant. Antiphane accourut jusqu'à Benedikt, autant pour le rassurer que pour se rassurer lui-même. Et ensemble, ils purent découvrir un mille pattes géant se diriger vers eux comme s'il flottait dans les airs. Ils s'arrêtèrent, Antiphane était persuadé qu'il était inutile de se cacher, ils avaient été repérés depuis longtemps.
Où était Dona ? La question effleura son esprit, mais il ne réussit à pas à rester focaliser sur ce sujet. Toute son attention était sur ce mille pattes. Dès que ce dernier arriva à leur niveau, il leur tourna autour, finissant par les encercler de tout son corps. Ils étaient désormais prisonniers.
« Que font des petits lapins perdus dans la forêt ? » Sa voix avait résonné dans toute la forêt ainsi que dans leurs têtes. Et il n'avait même pas ouvert la bouche. Il n'avait pas l'air méchant et ne montrait aucun signe d'agressivité. Peut-être avait-il l'air tout simplement curieux. Mais des mille pattes géant curieux, ça avait de quoi effrayer !
« Nous cherchons le loup, mais il n'y est pas. » Expliqua timidement le cortésian.
Comme l'aurait très certainement fait un serpent, il approcha son énorme tête à hauteur de leurs visages effrayés.
« Le loup ? Vraiment ? Et pourquoi le cherchez-vous ? Vos mamans ne vous ont jamais dit de faire attention au loup ? Qu'il ne fallait pas le provoquer ? »
Que ces questions étaient idiotes ! Bien évidemment qu'ils n'allaient pas s'amuser à provoquer un loup, qui plus est avait déjà agressé l'un d'entre eux. Ils n'agissaient pas non plus sans raison.
« Nous le cherchons pour Dona, elle... »
Mais il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que le géant se redressait déjà en répétant
Dona. Durant quelques instants il sembla chercher quelques chose aussi bien au dessus qu'en dessous de lui. Puis, lorsqu'il déduit qu'il n'arriverait pas à trouver lui-même ce qu'il cherchait, il s'intéressa à nouveau aux deux lapins égarés.
« Où est-elle ? Où est Dona ? »
Aucun d'eux n'eut le temps de répondre. Car déjà Dona apparut comme par magie de derrière un arbre. Elle semblait à la fois terrifié et en colère. Son visage était décomposé et on aurait dit qu'elle avait vieilli d'un seul coup.
« Je suis là Alchibalde !
- Oui, toi sur mon territoire. Pourrais-je savoir pour quelles raisons ? » Demanda le mille pattes à la mauvaise fée. Puis il continua. « Nous avions un accord, chacun sa terre et interdiction d'y pénétrer… »