Jeux de sable, sous le sable

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Jeux de sable, sous le sable

Messagepar Hétep Ir Kaha » 16 Juil 2010, 17:15

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Le ton s'était radouci, et pour qui aurait épié la conversation, les intonations prêtaient à sourire. De l'ordre brutal à l'invitation doucereuse, le gouffre était franchi d'un battement d'ailes. S'inclinant légèrement, Hétep recula d'un pas avant de redescendre vers le campement, invitant Naphret à le suivre. En bas, ses hommes s'affairent aux quatre coins des tentes, démontant avec agilité et rapidité les toiles poussiéreuses que le soleil teintait d'ocre. Ça et là, et plantées tout droit dans le sable, d'immenses colonnes s'élevaient fièrement jusqu'à toucher le ciel, témoins des entrées vers les Nafa'q. L'un d'eux ouvrait sa gueule béante vers les entrailles du désert, souterrain de sable et de cristaux. Au départ, de simples caches suffisaient aux Ohimes pour se protéger des tempêtes. Mais le vent déplaçait les dunes, et certaines caches se trouvaient ensevelies si profondément qu'on ne le retrouvait jamais, et leurs pauvres occupants disparaissaient avec elles. Alors elles furent reliées entre elles par de petites galeries, s'élargirent et devinrent de véritables dédales, comme les terriers complexes des fennecs. Les goulots étroits s'étaient depuis changés en tunnels larges, et les carrefours étaient de larges pièces décorées de stalactites. Nul mobilier ici-bas. Seuls d'étranges cristaux surgissaient parfois du sable et brillaient d'une lueur phosphorescente, diffusant une douce clarté dans les cavités. Hétep appréciait les Nafa'q pour leur calme étonnant, leur ambiance irréelle et pour la manière dont ils renvoyaient la mélodie des tempêtes à travers le sable. Mais il les redoutait, comme beaucoup, pour leur parois friables et les créatures qui s'y réfugiaient parfois.

Il s'arrêta à l'entrée, invitant Naphret à passer la première. Autour, comme un essaim affolé, les Ohimes, Meph Djynn et soldats, couraient mettre à l'abri le matériel et les chevaux.

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Re: Jeux de sable, sous le sable

Messagepar Akh Ôr Naphret » 01 Aoû 2010, 15:19

Resserrant son voile autour de ses épaules, elle avait suivi le Général. Si elle connaissait, comme tout Ohime, les notions de tempête de sable et de refuges Nafa’q, bien des choses familières aux soldats lui échappaient : l’urgence de se mettre à l’abri, la promptitude avec laquelle s’abattaient les terribles tempêtes de simoun, les mille petits soucis d’une organisation rigoureuse, qui permettaient à l’armée Ohime, une fois l’ordre donné, de disparaître littéralement sous terre en quelques minutes. Le camp tout entier allait s’enfoncer dans les galeries, démonté pièce par pièce avec une dextérité fruit de l’habitude. Seul un peuple de nomade, habitué depuis des siècles à lever et monter des tentes, pouvait agir avec cette rapidité. Une armée de l’extérieur, lourde, mal organisée, mettait généralement une demi-journée à se mettre en route – et quand le simoun commence à souffler, une demi-journée vous conduisait tout droit dans l’éternité.

Mais bien qu’enfant des Ohime, Naphret n’était pas une fille de soldat, pas davantage qu’elle n’était l’une de ces royales amazones combattant avec les hommes. Malgré son amour du désert, elle avait passé sa vie dans le Palais. Aussi, étonnée de l’agitation des hommes, elle se contentait de suivre paisiblement le dos d’Hétep. La tâche n’était pas bien difficile, la haute taille du Demi-Dieu et son casque étincelant le rendaient difficile à perdre. Un instant, elle laissa son regard flotter sur les larges épaules du jeune homme. A chaque pas, les muscles jouaient comme des câbles sous la peau bronzée, et la Reyne eut grand-peine à retenir un sourire. Peu à peu, elle avait appris à ne pas refouler les pensées légères qui survenaient, pas plus qu’elle ne les laissait diriger ses actes.

« La paix sur toi, étrangère » grogne un soldat avec un geste d’excuse, qui a failli renverser la souveraine en tentant de retenir deux jeunes chevaux, nerveux dans la tempête qui s’annonce.

« La paix sur toi, soldat… »

Toujours la même salutation. Elle ne distrayait pas Naphret, qui continuait à suivre son fil de pensée. Réprimer les ardeurs de la chair ou s’y abandonner … elle avait fait l’un et l’autre. Adolescente, il fut un temps où elle avait réalisé que son titre lui permettait d’obtenir presque tous ceux qu’elle désirait, dans sa vie ou dans sa couche. Satisfaite de trouver de quoi occuper ses heures d’insomnie, elle avait fait tant et si bien que Tiât avait du sermonner très sévèrement le jeune reine pour ses habitudes. Comme par réaction, avait suivi une période inverse, où aux heures noires de la nuit, elle se livrait fiévreusement à la prière, s’abîmait les yeux sur les cartes de parchemin ou partait pour de grandes marches à travers la plaine… temps de questions et de troubles.

Et puis le temps avait passé. Les années s’était suivies. Quoique jeune encore pour les Ohime, la femme qui venait de remercier le général d’un signe de tête, et s’enfonçait à présent dans les galeries du Nafa’q, avait appris – parfois douloureusement – à laisser ces pensées-là passer sans les contrer ni les suivre aveuglément. Peut-être était-ce cela, vieillir, songea la Reyne en effleurant le premier cristal scintillant du tunnel.

« Jusqu’où descend le Nafa’q ? » interrogea-t-elle à l’intention d’Hétep. « Etes-vous installés profondément sous le sable ou près de la surface ? »

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Re: Jeux de sable, sous le sable

Messagepar Hétep Ir Kaha » 05 Aoû 2010, 17:38

Étant donné ton absence, je fais en sorte de dégager mon personnage afin de pouvoir continuer à jouer ailleurs.


L'homme faucon a beau concentrer toute son attention sur celle qui le suit, il ne fait qu'entendre ses pas légers sur le sable, son souffle, et les quelques mots qu'elle échange avec un soldat. Jamais il n'entend ni ne devine ses pensées, tant occupé qu'il est par les siennes. S'enterrer sous terre représente une angoisse pour la partie animale de son être, et il a beau faire appel à toutes les ressources de l'humain, en lui, il redoute l'instant où les grandes portes se fermeront sur les carrés de ciel. Les oiseaux s'enterrent-ils ? Non. À vrai dire, il préfère ne pas assister à cela et ne s'arrête que contraint et forcé lorsque sa reine le questionne. Jusqu'où courent les Nafa'q ? Trop loin, de son avis. Mais Naphret n'y est pour rien dans sa claustrophobie. Et puis il sait qu'une fois l'ombre posée sur lui, l'apaisement lui sera revenu.

« Les galeries s'étendent jusqu'aux profondeurs les plus humides du désert, là où le sable offre fraîcheur et stabilité. À la surface, la chaleur dessèche les tunnels qui deviennent friables. Nous n'y passons qu'avec précaution. Expliqua Hétep, patient pour la première fois. Parfois, une entrée entière s'effondre et exige d'être déblayée. Mais il y en a tant d'autres, plus loin. » Rassura-t-il – même si l'on devinait sans peine qui il tentait de rassurer le plus, de lui, ou de la reine.

Interceptant le geste de la jeune femme sur un cristal, il ne pu s'empêcher d'ajouter, comme une encyclopédie vivante :

« J'ignore ce qui les fait briller, mais en dehors des Nafa'q, leur lumière s'éteint. Ils sont comme les érodium qui fanent lorsqu'ils sont cueillis. »

Et puis il n'a guère le temps de se lancer dans d'autres explications. À peine sa phrase terminée, Hétep abat sa main sur l'épaule de sa souveraine et la pousse doucement – mais fermement – afin de lui éviter une collision avec un étalon un peu trop nerveux à l'idée de finir enterré vivant. Aussitôt, son corps fait barrage entre la femme et l'animal qui roule de grands yeux affolés. Les nattes de métal se balancent en cliquetant et les lueurs des cristaux se reflètent sur la robe pâle et mouvante de la monture, projetant, derrière elle, l'ombre de son double maléfique. La tête tournée vers la bête agitée, Hétep sent sous ses doigts l'ossature presque frêle de la jeune femme et s'en étonne, habitué aux épaules plus massives de ses hommes. L'étalon partit, lorsqu'il lui accorde à nouveau son attention, il se rend compte qu'il la distingue à peine dans l'ombre de son propre corps.

« Nous devrions marcher jusqu'à l'une des chambres, nous gênons le passage... » propose-t-il en l'entraînant gentiment plus loin.

Sur le trajet menant à l'une des grandes salles, son attention toute entière est tournée vers sa reine qu'il s'efforce de protéger de l'agitation des tunnels. Il est soucieux, mais son faciès n'exprime pas ses sentiments avec autant de précision que s'il était humain. Qui devinerait son inquiétude dans le pli de ses yeux constamment contrarié. Son regard d'oiseau de proie lui donne un air que tous qualifient de sévère, en toute circonstance. Ce n'est pas l'exacte vérité, mais comment se justifier ? Lorsqu'il se tourne de nouveau vers Naphret, il a ôté son casque qui gêne sa vision.

« Cette escale est la dernière que je fais avant N'qâta. Ensuite, et comme vous m'y avez autorisé, je partirai vers l'est. Mais avant, j'aimerai m'entretenir avec vous de détails dont j'ai eu connaissance ce matin, de la bouche d'un jeune étranger. »

Il se remémora son bref entretien avec Ordalie, et plongé dans son souvenir, il lui sembla presque sentir de nouveau l'odeur sucrée du miel mêlée aux effluves du canidé. Oui, son voyage risquai de se révéler bien plus long que prévu... et sans doute également bien plus passionnant.

« Il semble qu'il y ait, à l'est, non pas une ville mais plusieurs. Après N'qâta et ce village avec lequel nous commerçons parfois, d'autres lieux s'étendraient au-delà de nos frontières. L'homme que j'ai vu m'a parlé de Balaïne et de Ghettos. J'irai les voir. »

Il marqua une pause, conscient qu'il imposait sa volonté d'avantage qu'il ne demandait permission. Son désir d'aller voir toujours plus loin lui faisait-il oublier ses obligations de chef des armées et sa soumission à sa Reine ? Il posa son regard sombre sur celle que le hasard avait conduit jusqu'au campement. C'était sans-doute la dernière fois qu'il la voyait et qu'il lui était permis de lui parler. La dernière avant longtemps qu'il sentirait l'odeur du sable qui l'avait vu naître... Mais l'excitation de l'aventure suffisait à lui dissimuler les regrets qu'il n'était pas encore temps d'éprouver.

« Qu'Adjib prenne ma place le temps de mon retour. Je le sais compétent. »

Car il n'imagina pas un seul instant partir sans revenir.


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