Jeux de sable (PV)

Du sable, toujours du sable et une chaleur à vous laisser là tout sec comme un fruit confit... Ce désert protège la cité d'Ohime Quinah. Ses dunes et les Raanaï qui y règnent en maître gardent la voie.

Jeux de sable (PV)

Messagepar Akh Ôr Naphret » 21 Juin 2009, 19:29


Il n'y avait que le vent, et le sable, et le rocher. Pourquoi? On ne sait pas.

Au milieu de tout ça, sur le rocher, la jeune fille jouait. Pourquoi? On ne sait pas non plus. Elle soulevait la poussière et la déposait sur le rocher. Et de ses mains agiles, elle y dessine. C'est un beau jeu, le sable : on y trace et l'on efface. Et les choses paraissent vivantes.

Elle a dessiné d'abord la dune. Ensuite une antilope. Avec soin, elle a esquissé les cornes courtes, la robe, les longues cuisses fines. Avant même qu'elle n'ait fini le sabot, elle a bougé, l'antilope. Voilà qu'elle tend le cou, elle renifle le vent. Elle est belle. Mais elle est toute seule. Alors, la jeune fille dessine à côté un zèbre, avec des rayures noires et blanches. Le zèbre s'est tout de suite mis à brouter. D'abord, l'antilope s'est méfiée, mais rien ne s'est passé. Alors, elle s'est mise à manger aussi, craintive, arrachant les maigres touffes d'herbe sur l'image.

Et puis, la jeune fille a dessiné un lion. Mais pas le lion fauve qui pourchasse et qui tue... celui-là, de lion, il est tranquille. Il est couché dans le sable, tranquille. Il ne dort pas. Il regarde la brume qui passe, toute dorée par le soleil. Elle a laissé un peu de son or au fond de ses yeux, la brume. Il écoute la rumeur de l'Erg, par-delà les sillons des dunes. Il ne fait pas attention aux deux autres qui broutent. Ils ne l'ont pas vu, pas senti, et le lion n'a pas faim. Le grand lion écoute et rêve. Même quand la jeune fille vient s'asseoir à côté de lui, il ne bouge pas. C'est un lion-image, de toute façon. Il n'est pas dangereux.

L'antilope a mangé. Elle s'est couchée un peu plus loin, ruminant tranquillement. Le zèbre, lui, il broute. Les zèbres ne savent que brouter, vous savez. Et ils sont là, tous les quatre. Le ciel est tout bleu, avec le soleil suspendu au milieu. La jeune fille lève les yeux pour le regarder. ll tient chaud, mais il ne brûle pas la peau. C'est un soleil-image. Et la jeune fille rit, parce que le soleil ne brûle pas. Le lion la regarde, et peut-être qu'il rit aussi, à la manière des lions. Pourquoi les lions rient? On ne sait pas.

Quand la jeune fille regarde de nouveau le sable, il y a un fennec. C'est un vrai renard des sables, celui-là. Elle n'a pas pensé à dessiner de fennec, ils sont trop difficiles à tracer. Pourtant, il a l'air de connaître le lion. Il va le renifler, et il ne se fâche pas. Le fennec éternue, parce qu'un peu du sable de la patte du lion est entré dans son museau. Mais c'est un lion-image, alors ses pattes ne sont pas très solides. C'est peut-être pour ça qu'il n'a pas envie de courir. Son sable serait effacé par la course. Alors il préfère rester assis et regarder. C'est comme ça.

Le fennec s'est assis aussi, et il donne envie de rire, avec ses airs de sage. Mais la jeune fille ne rit pas, cette fois. Elle ne sait pas pourquoi. Elle est inquiète. L'antilope aussi. Elle arrête de brouter les touffes d'herbes. Ce n'est pas parce que c'est des touffes d'herbe-dessin. Ca ne la dérange pas. Mais elle regardent l'horizon, comme regardent les bêtes inquiètes. Pourquoi? On ne sait pas.

Qu'y a-t-il là-bas? La jeune fille ne sait pas. L'antilope ne sait pas. Mais même le zèbre s'arrête de brouter, à présent. Il vient, en faisant attention à ne pas effacer le dessin des herbes en passant. Et il regarde aussi, de l'autre côté. Du côté où on entend le rire des hyènes. Lui non plus ne sait pas.

Le lion sait, peut-être. Il pousse le fennec, et il se lève. Tout doucement, pour ne pas abîmer sa crinière si difficile à dessiner, il gagne le sommet de la dune. Il ne rit plus comme rient les lions. Il a l'air féroce, très féroce. Il ouvre grand sa gueule de sable, et il rugit, fort, très fort. Mais l'horizon rit toujours. Il se rit du lion-dessin, de l'antilope-dessin, du zèbre-dessin. Il se rapproche. Il vient très vite, et avec lui les nuages du simoun. Ils souffle déjà fort, le simoun.

Cette fois, la jeune fille a peur. Le simoun est là maintenant, le grand vent avec ses tourbillons. Le soleil qui ne brûle pas, le soleil-dessin est presque caché, et la lumière est rouge. Tout ce rouge fait sinistre. Le Lion rugit encore, aussi fort qu'il peut. Il veut dire au vent de repartir. Mais le vent n'écoute pas. C'est un vent mauvais. Il souffle, et il commence à effacer le dessin. Ca commence par l'antilope. Pourquoi l'antilope et pas le zèbre, on ne sait pas.

La jeune fille essaie d'arrêter le vent. Mais elle ne peut pas. Le vent efface déjà l'antilope. Le zèbre voit ça, et il court. Il court très vite. Mais le vent encore court plus vite. Aors il le rattrappe, et il l'efface aussi. On ne voit plus l'horizon, on ne voit plus le soleil. Juste du sable partout, jaune et noir, qui les entoure, partout. Il rit toujours, et il y a aussi des voix dedans, maintenant. Les djynns du sable parlent, mais on ne peut pas les comprendre. La jeune fille savait les mots des djinns, avant qu'elle soit ici pour dessiner l'image. Mais elle a oublié.

Le fennec s'est sauvé. Il a eu peur aussi, et pourtant c'est un vrai fennec, le vent ne peut pas l'effacer. Mais les fennecs ont tout le temps peur. Le Lion est toujours là, mais même lui commence à disparaître. La jeune fille tente de le dessiner, mais le vent l'efface plus vite encore. La crinière, les pattes, la gueule ... et voilà, le lion est parti. La jeune fille est seule maintenant.

Peut-être. Peut-être pas. Dans le sable, il y a d'autres images maintenant. Beaucoup d'images. Mais elles passent trop vite. Il y a un autre lion, qui ne rit pas comme rient les lions. Il y a un désert, tout bleu. Il y a un grand Oeil, l'Oeil du Dieu. Il y a un homme avec une tête d'oiseau. Il y a des montagnes, très hautes, comme mille dunes sur mille dunes. La jeune fille a très peur, maintenant. Le vent crie toujours. Et le rire des hyènes est tout proche. Et puis, derrière les bourrasques de sable, il y a quelque chose d'immense et de noir, aussi grand que les montagnes. C'est cela, la peur qui avance, derrière la tempête. Et voilà qu'elle comprend, juste alors que le simoun vient sur elle. Ce que disent le rire des hyènes et les voix du vent.

"Ils viendront de l'Est" hurle une voix, "de l'Est - de l'Est - de l'Est! Ils monteront par le chemin du désert de Mahjour!"


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Naphret s'éveilla en sursaut. Pendant une seconde, elle n'entend rien que son son coeur qui bat follement. Encore à demi-endormie, elle regarde avec appréhension les crêtes dorées qui l'entourent. Est-elle encore dans son rêve, en compagnie du lion-image? Il faut le doux souffle de sa monture, tout près d'elle, pour la rassurer.

Ah. Par Quinah, c'est vrai. Elle est dans l'Erg. Après avoir quitté Ohime au début du jour, elle a galopé longtemps. Sans escorte, comme elle l'exige parfois, fatiguée du cérémonial du palais. Elle ne risque rien. Sa monture connaît bien la route. Il y a plusieurs jours de route avant les frontières, et ils sont encore suffisamment proches de l'Oasis pour ne pas craindre les dangers du désert profond. Mais déjà tout autour, il n'y a que le sable. C'est là qu'elle a fini par s'arrêter, fatiguée après trois heures de galop. Elle n'a pas l'endurance des hommes, ni celle des cavaliers. Elle s'est couchée dans le sable, enroulée dans le jûbin, le vêtement de voyage qui recouvre tout le corps, y compris le visage. Mais il est temps de repartir., aussi Naphret s'étire, puis sa main vient caresser le pelage de sa monture.

"Ébène..."

Sous la caresse de la voix amie, l'animal dresse les oreilles et hennit. Lorsque la forme légère est sur son dos, les sabots prennent la course, faisant sonner leur tambourin.

"Va, Ébène..."

Ébène! Nom mérité. Sa robe est d'un noir de jais, où les gouttes de sueur semblent briller comme des perles, coursier à la silhouette fine, élancée, faite pour galoper de longues nuits. Son galop, peu l'égalent parmi les chevaux d'Ohime. Sur son front, une étoile blanche prouve qu'il a accepté de porter l'homme à sa naissance. Mais pas n'importe quel homme, car Ébène est du sang noble des seigneur des chevaux, ceux élevés par les tribus de l'Erg. Ceux qui choisissent leur cavalier, dès la première fois qu'ils le voient. S'ils s'agenouillent pour le laisser monter, il n'accepteront plus aucun autre homme sur leur dos. Ils sont les chevaux des princes et des rois, que jamais le fouet ne touche et qui ne se laissent guider qu'à la voix.

"Va..."

Et alors que le soleil poursuit sa course dans le ciel, cheval et cavalière poursuivent leur route au creux des dunes, ne laissant sur le sable qu'une ligne de traces qui s'effaceront bientôt. Tout en regardant les crêtes défiler autour d'elle, Naphret soupire, revoyant intérieurement la vision venue la visiter pendant son sommeil. Encore un de ces songes dépourvus de sens, où les fantaisies se mêlent à des visions de l'avenir. Pour quelque mystérieuse raison, le désert semble renforcer le don de Vision. Mais elles sont rarement agréables, et celle-ci l'a profondément bouleversée.

Pourquoi, aussi, s'est-elle couchée pour dormir? Elle ne fait pas un bien long voyage, mais il n'est jamais sûr de dormir hors d'un camp quand on traverse les sables. Elle ne craint pas les bêtes du désert, toutes savent que la jeune femme appartient à Quinah. Mais le soleil, lui, frappe également les hommes et les dieux. Le vêtement des nomades la protège, mais elle n'aurait pas dû s'arrêter. Il est trop tard pour revenir au Palais désormais. Le simoun mortel peut se mettre à souffler n'importe quand, les enterrant dans un linceul de sables. Il vaut mieux continuer, atteindre le camp de l'armée qui se trouve dans la région. Il lui reste cinq heures de jour, dans deux, elle devrait apercevoir les tentes. L'un des responsables de l'armée se trouve probablement au camp, Hétep ou l'un de ces aides. L'idée l'amuse un instant. Certains vont être surpris de la voir arriver et demander l'hospitalité.

En attendant, elle se laisse porter par le galop de sa bête. Elle a toujours aimé galoper au désert. Qui se souvient que son père n'était qu'un humble commerçant de chevaux? Elle n'a que rarement revu sa famille. Ce fut dur, les premiers temps, bien qu'elle aie fini par s'habituer à être Akh Ôr Naphret, Élue de Quinah, Reine de l'Oasis. Mais parfois, elle se souvient de n'avoir été qu'une gamine aux cheveux emmêlés, heureuse de galoper au milieu de nulle part.

Les minutes s'écoulent ainsi, silencieuses et riches. Elle s'est arrêtée une fois pour boire à l'outre qu'elle a emportée, tandis qu'Ébène en profite pour arracher quelques épines à un arbustes rabougri. Puis c'est à nouveau le trot, longtemps, sous les rayons qui s'inclinent petit à petit. En parvenant au sommet d'une crête rocheuse, elle stoppe à nouveau. Tout en bas de la pente très raide, s'alignent des tentes blanches, nombreuses, près de la paroi. C'est la source, au pied du rocher, et ce camp, c'est l'un de ceux de l'armée du royaume. Tout au moins, le camp des dirigeants. Les autres sont sans doute installés plus loin, aux lisières de la Mer de Sables. Car après cette ligne de roche, on quitte le plateau rocheux qui occupe le centre du désert. Plus loin, il n'y a plus rien, que l'immensité du sable.

Il n'a pas fallu longtemps pour qu'elle soit repérée, seule sous le soleil. Trois chevaux viennent de quitter le camp, se dirigeant sur elle en empruntant un des sentiers en zig-zag, à flanc de paroi. En selle, ce sont les Meph Djynns, les cavaliers de l'armée, dont les turbans bleus flottent au vent. En quelques minutes il sont devant elle. Le soldat de tête s'avance, arrêtant sa monture avec aisance. A son bras, un cercle d'argent indique son rang de capitaine. Le sabre recourbé pend à sa ceinture, insigne de l'élite de l'armée.

"La paix de Quinah soit sur toi, Meph Djynn"
salue Naphret sans retirer son voile.

"La paix sur toi et sur les tiens" réplique le soldat, selon la tradition. "Tu es de notre peuple. Que demandes-tu, voyageur?"

"L'eau et le pain, rien de plus."

Il baisse d'une main le foulard, dévoilant des traits marqués par le soleil et la poussière. L'homme n'est plus tout jeune, sans doute la centaine d'année bien sonné, âge mûr pour un Ohime. Mais sous les mille rides, le regard est encore vif et perçant. Il ne se hâte pas de répondre, dévisageant d'abord soigneusement l'arrivant, plissant un instant les yeux à la vue du cheval noir.

"Tu les auras. Mais je ne peux te permettre d'entrer au camp avant que le général ne t'aie parlé. Il est rare de voir une monture pareille, surtout au milieu de l'Erg .... et chevauché par une femme. Ta n'as que peu de paroles, mais ta voix ne trompe pas."

Un rire léger fusa sous le voile le voile qui masque la jeune femme. Encore échauffée par sa chevauchée, elle se sent d'humeur à rire, peut-être un peu forcé, pour éliminer définitivement le souci causé par son rêve. Mais la voilà démasquée plus tôt qu'elle n'avait prévu. Poussée par ses réflexes, elle porte sa main à son voile, comme décidée à le lever et à ordonner à l'homme de l'emmener immédiatement à la tente principale. Mais elle n'achève pas son geste. Cet homme fait son devoir de soldat, et même étonnamment bien. Bien qu'elle se doute de la réponse, elle l'interroge cependant.

"Rare en vérité, capitaine! Ta parole est sage. J'attendrai ici. Dis-moi, quel général dirige ce camp?"


"Le plus grand de tous" réplique fièrement le capitaine en faisant virevolter sa monture. "Le Faucon, Hétep Ir Kana!"

Dans un nuage de poussière, les cavaliers bleus ont fait demi-tour. Restée seule, Naphret descend de selle et étire ses membres crispés. Ebène fourre avec amitié son museau contre son épaule, recevant en récompense une tape amicale. Là-bas, le soleil descend tranquillement vers l'horizon, mais il reste encore quelques moments de grands jour. La lumière perd ses tons d'or clair pour prendre ceux du bronze, sans se presser. C'est une heure agréable, après la fournaise de l'après-midi. Cependant, comme dans son rêve, l'horizon vers la Mer des Sables est barré d'une longue ligne grise. Une tempête de sable fait sans doute rage, tout là-bas. Peut-être des Raanaï dansent-ils en ce moment dans ses vagues, gigantesque et pourtant légers comme des plumes?

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Re: Jeux de sable (PV)

Messagepar Hétep Ir Kaha » 01 Juil 2009, 20:33

Distrait, Hétep écouta les paroles de son capitaine qui venait de faire irruption dans sa tente. Un visiteur, disait-il et l'espace d'une seconde le jeune homme imagina l'un de ces étrangers venus de l'est ou de n'importe quelle autre direction. L'un de ces individus à la peau aussi pâle que la nacre, comme l'était la dénommée Megan Baxter avec laquelle ils s'étaient entretenus quelques temps plus tôt. Il était sortit de la contemplation qu'il faisait de sa carte, à l'affût du moindre indice que lui donnerait le soldat, face à lui et inquiet de voir tant de monde se précipiter à leur frontière. Pourtant, il ne décela nulle angoisse dans la voix du capitaine et sut rapidement qu'il s'agissait de l'un des leurs. Mieux valait en effet être prompt à exposer les faits précis rapidement plutôt qu'à se perdre en détails confus lorsque l'on s'adressait au chef des armées d'Ohime Quinah. Ainsi renseigné, donc, il était bien plus disposé à entendre les dits détails.

Une enfant du désert, portant le jûbin et chevauchant une monture au sang noble.

Une de ces montures que Képhren a un jour présenté à Hétep, mais pour lesquelles il a renoncer à apprendre à son élève l'art de les apprivoiser. Trop imprévisibles et plus impatients encore que Hétep lui-même, les chevaux ne s'entendaient décidément pas avec lui, ou bien était-ce le demi-Dieux qui ne s'entendait pas avec eux, ce qui revenait finalement à la même chose. Mais là n'était pas la question. Soit, il irait au devant de cette jeune personne... Il soupira silencieusement lorsqu'il du remettre son casque. Par cette chaleur, ce n'était tout simplement pas possible de le porter et pourtant, il le fallait. Les pièces mobiles, comme de grandes plumes molles retombant en deux nattes latérales, vinrent lui effleurer les épaules, au travers de son vêtement de lin brodé de perles.

Lorsqu'il sortit de sa tente, Hétep héla sa monture à la façon des Faucons. Quelques hommes se retournèrent, surpris malgré l'habitude ou plus simplement alertés par le huit puissant de leur chef. Là-haut, Horis avait répondu et venait se poser avec l'éternelle maladresse qu'on lui connaissait sur l'épaule de son maître. Certains auraient précisé avec humour « l'épaule de son mâle ». Ses serrent griffèrent la peau halé et elle rattrapa de justesse son équilibre en battant des ailes. Un instant, elle resta ici, attentive, avant de quitter son perchoir préféré et de reprendre son envol comme un oiseau effarouché. Car ce n'était pas elle que l'homme à tête de Faucon avait quêté. Non.

Lettfeti venait. Il avait interrompu son plané silencieux pour descendre en un piqué vertigineux jusqu'à son cavalier – si l'on pouvait encore le nommer ainsi. Il déploya ses ailes gigantesques à quelques mètres à peine du sol, freinant sa chute libre et se redressant tout à coup. Ses pattes avant, monstrueuses serres, s'écrasèrent dans le sable avec souplesse et puissance, à l'instar de ses membres postérieurs, félins ceux-là. Emporté par son élan, il fit quelques foulées avant de s'immobiliser tout à fait, magnifique Griffon aux regards inquiétants.

Contrairement à Ébène, il n'y eut pas de manifestation d'affection de la part de Lettfeti pour Hétep. Il se satisfaisait de le servir selon son bon vouloir et le portait d'un lieu à l'autre, parfois longuement, parfois s'impatientant avant même d'avoir parcouru cent mètres. Il y avait des jours avec et des jours sans. Incapable de voler avec le poids de son cavalier sur le dos, il se contentait de foulées amples et légères aux côtés des chevaux des soldats qui l'épiaient en roulant de grands yeux effrayés. Hétep l'appréciait pour sa vivacité et sa faculté surprenante à anticiper ses desseins.

Le casque étincela et l'homme s'avança. Il effleura subrepticement le plumage de la tête d'aigle et grimpa souplement sur son dos, direction la lisière du campement, son capitaine chevauchant devant lui afin de lui ouvrir la voix.

Et il ne tarda pas à l'apercevoir, son acuité de Faucon aidant. Il ne prit pas véritablement la peine de la détailler, préférant se laisser bercer par le galop singulier de sa monture. Là-bas, plus loin, son regard fut attiré par l'horizon monotone d'où venait la jeune femme, s'il en jugeait par le sillage que son cheval avait laissé dans le sable fin. Son cheval...? Hétep tressaillit à la vue de l'équidé. Lettfeti grommela et battit brièvement des ailes, trahissant la nervosité de son maître. Combien de fois Kaha avait-il épié depuis ses quartiers, le cœur inquiet, la fuite sans escorte de l'élue de Quinah ? Il ne pouvait alors détacher son regard de la monture sombre aux reflets grenat, fine, légère et il veillait, juché sur son balcon, à ce que rien n'arrive aux deux êtres échappés.

Lorsqu'il s'arrêta, ses yeux noirs allèrent immédiatement se planter dans les émeraudes magnifiques de la jeune femme, confirmant ainsi ses soupçons. Le Griffon se cabra et Hétep mit pied à terre, lui rendant sa liberté. Tant pis s'il devrait faire le chemin du retour à pieds. Lettfeti était agacé par les mouvements d'émotion de son cavalier et s'envola en soulevant un nuage de sable, brassant l'air chaud sous l'envergure de ses ailes puissantes. C'était un jour sans. Immobile et silencieux, Hétep parut hésiter avant de se décider à prendre la parole.

« La paix de Quinah soit sur... vous. » trébucha sa voix autoritaire.

Il était tout à la fois amusé et intrigué par le jeu curieux de sa reine.

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Re: Jeux de sable (PV)

Messagepar Akh Ôr Naphret » 13 Juil 2010, 16:48

« La paix de Quinah soit sur … vous ! »

Ah. Le « vous » n’était que très rarement utilisé par les Ohime. Il ne dénotait pas une distance polie, et s’utilisait sans offense même avec un complet étranger. Non, le mot - ahan et non ihr - pour interpeller, se chargeait d’un profond respect. Il n’était employé qu’en parlant à un être d’un rang supérieur. Naphret ne l’utilisait que les rares fois où Quinah la visitait en rêve. Parmi les peuples, les enfants le donnaient à leur maître, les maîtres aux demi-dieux, et ceux-ci … uniquement à la Reyne. Le masque du Général ne laisse rien transparaître, mais par ce simple mot, il a laissé entendre qu’elle est démasquée.

Alors qu’est-il besoin désormais de voile ? Elle le baisse, et la chevelure de jais ondule soudain au vent comme un nid de serpents. Un instant, elle plisse les yeux devant les rayons du soleil. Bas sur l’horizon, légèrement orange derrière les nuages de poussière au loin, ses rayons sont encore capables d’éblouir… lorsqu’elle détache ses yeux du disque solaire, des taches lumineuses dansent devant ses iris verts.

« La paix sur toi » salue finalement Naphret. « Et sur tes hommes. »

Lentement, elle descendit de cheval. Au passage, ses muscles durcis par la course lui rappelèrent qu’elle n’avait plus la souplesse de ses quinze ans. La vie du Palais, sédentaire et aisée, lui avait retiré peu à peu la forme physique des enfants grandis autour des chevaux. Un exercice matinal lui évitait de finir empâtée comme certaines dames de la cour, mais ses formes n’étaient déjà plus celles des danseuses qui venaient divertir la cour… détail mineur pour une Reine, problème de taille pour une femme, et Naphret était les deux. Elle haussa les épaules, secouant ce type de pensées distraites, et reporta son regard sur l’homme casqué. Derrière lui, l’ombre s’étend déjà sur le camp. Ils sont encore au soleil, sur le sommet de la falaise, mais d’ici deux heures le désert tournerait au violet, puis à un blanc-bleu fantomatique.

« La route est longue depuis Ohime, Général, et bientôt vient la nuit… »

Une pointe de culpabilité l’effleure. Si elle avait dormi plus longtemps, si elle s’était réveillée au milieu de la tempête, peut-être ne serait-elle jamais revenue. Mais ô Quinah, même au risque de laisser un jour les Ohime sans guide, qui pouvait rester cloîtré dans le Palais ? Qui voudrait d’une cage, même passée à l’airain et à l’or poli ? Peut-être ceux nés à la Cour, habitués aux aises … et même parmi eux, rares étaient ceux qui n’avaient pas, lors d’une sortie de chasse ou d’une cérémonie à l’extérieur, ressenti l’appel puissant du Désert. Dans le sang de chaque Ohime coulait l’amour de l’immensité, pulsait le souvenir de nuits passées sous les étoiles froides, durant l’Exil.

Peut-être était-ce la raison pour laquelle Tiamat ne lui avait jamais fait de reproche. La vieille femme connaissait mieux que tout autre les nuits sans sommeil, quand l’Erg appelle… pourtant, la trace de culpabilité demeurait. Fut-ce pour cette raison qu’elle ne put s’adresser à Hétep comme elle l’aurait fait habituellement ? Cet embarras dans sa voix ne pouvait être dissimulé en aucune manière. Autant reconnaître ses torts plutôt que de se cacher derrière une couronne…

« Ni l’Erg ni le Simoun ne connaissent pas de roi. Ce soir, je ne suis qu’une enfant de Quinah comme toi, égarée par imprudence loin des murs de la ville. Par cette imprudence je ne peux me présenter devant toi comme reine. Je ne demande que l’eau, le pain et la tente pour mon cheval. Me les accordes-tu ? »

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Re: Jeux de sable (PV)

Messagepar Hétep Ir Kaha » 16 Juil 2010, 17:11

J'y croyais plus. Merci :013:


Sans l'interrompre, Hétep écouta sa reine, buvant plus qu'il n'aurait dû ses paroles. À ses côtés, Adjib son capitaine s'était reculé légèrement, désapprobateur comme souvent. Qui ne l'était pas, lorsque l'homme à tête de faucon faisait ces yeux là ? Il se remémora le conseil, et les voix courroucées de ses pairs lorsqu'il avait pris la parole. Ce type de mouvement d'humeur était trop courant ces temps-ci. Il en avait encore un goût amer, de honte envers lui-même. Il était chef des armées, son rôle était de protéger leur Oasis, et les enfants du désert qui y vivaient. Il ne devait pas se soucier d'autre chose. Jamais. Et s'il remplissait son rôle comme il le devait la majorité du temps, il était bien conscient qu'en présence de Naphret, il avait tendance à agir un peu n'importe comment. Il s'en voulait toujours ensuite, ce qui ne l'empêchait pas de recommencer la fois suivante. C'était elle – et malgré elle – son plus gros soucis, et rien que de la savoir dans son entourage proche le rendait nerveux. Au point qu'à l'instant présent, il en oublia les mots et les formules pour parler. Adjib le tira de sa torpeur par un toussotement. Ah oui, c'était vrai qu'il n'était pas seul, et peut-être que sa reine apprécierait une réponse d'avantage qu'une contemplation muette...

Le bec s'entrouvrit, mais nul son ne sortit. À la place, un soldat s'invita aux réjouissances. Il était essoufflé d'avoir forcé l'allure dans le sable, mouvant et lourd sous les pas trop pressés.

« Seigneur Hétep... une tempête vient sur nous...
_ J'ai vu. Faites plier les tentes et ouvrez les Nafa'q. »
ordonna sa voix qui retrouva, tout à coup, son autorité impatiente.

Aussitôt, le soldat fit demi-tour, escorté par un Adjib à la fois désireux de se rendre utile et exaspéré par le comportement très franchement puéril de son général. Il avait beau être demi-Dieu, parfois, il n'était rien de moins qu'un adolescent candide. Et puis il n'avait pas tellement le cœur à tenir la chandelle, alors il évita au mieux une situation qui l'embarrassait d'avance.

« Je vous les accorde. Mais pour cette nuit, il n'y aura pas de tente. Elles voleraient aussi loin que les Raanaï, et nous avec. Laissez-moi vous guider. »


*°*°*°*°*°*°*°*°*
>> La suite : Jeux de sable, sous le sable.

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