« J’ai pas besoin de toi. » grogna Siobhán entre ses dents.
« Je vais même nous conduire à ce putain d’endroit à ta place parce que je m’y connais mieux que toi, alors tais-toi. »Le jeune homme ne lui accorda pas un regard après ça alors qu’ils traversaient la ville entière. Entendre Ellesme lui proposer son aide était ce qui le rendait le plus en colère, étrangement. C’était elle qui le mettait dans cette situation, elle et l’escadron, et maintenant, il fallait qu’il accepte de l’aide venant de
leur part ? Quelle bande de salauds.
Ils ne passèrent pas longtemps dans les bureaux de l’escadron, de toutes manières. Quelques tampons et phrases ampoulées suffisaient pour que son destin soit bien scellé.
« On doit prendre vos empreintes et vous faire passer une visite médicale avant de vous laisser partir. »
« Quoi, est-ce que j’ai une tronche à avoir des puces ? » protesta l’intéressé vertement alors qu’un garde l’emmenait dans une autre pièce.
« Mesure de sécurité de propagation des maladies. » déclara le sergent derrière son bureau, pas le moins du monde dérangé par les vociférations du jeune homme qui continuait derrière lui. Il avait sans doute vu pire. Il se retourna vers Ellesme.
« Bien, votre mission est accompli. On va passer en revu rapidement votre rapport, puis vous pourrez vous en aller. Nous avons aussi des logements à disposition pour vous, si vous le souhaitez. »Siobhán ne revit pas Ellesme puisqu’on l’accompagna jusqu’à une autre sortie, simplement lesté d’un petit paquet de vêtements à la mode d’Ohime Quinah. Il ne chercha en aucun cas à la retrouver, de toutes manières, furieux contre elle comme depuis le début de leur voyage. Le jeune homme était encore en train de grommeler à son propos lorsqu'il se mit à la recherche de bains, bien décidé à se laver enfin correctement. Les quelques ores qui lui restaient suffirait bien à lui payer ce luxe bien mérité. Il fallait juste espérer qu’il pourrait faire entrer son chat en douce à l’intérieur. Et Ellesme ? Elle pouvait aller se faire voir, il n'avait pas besoin d'elle.
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Deux jours plus tard, Siobhán était accroupi par terre contre un mur, tout près d’un étal du marché, immobile comme un chat devant un morceau de viande. La situation était à peu près la même, d’ailleurs. La faim pouvait pousser à beaucoup de choses, comme le vol, et le jeune homme n’avait pas mangé depuis deux jours. Les fontaines publiques suffisait à se laver d’une manière minimaliste et à se désaltérer, mais n’aidait pas à se nourrir. Et Siobhán n’avait jamais eu à se débrouiller seul ; en tout cas pas sans un compte en banque qui lui garantissait de voir les supermarchés lui ouvrir les bras. Les joues pleines de la poussière d’Ohime Quinah, son regard était aussi attentif que fatigué, cerné de noir.
Une nouvelle sale journée au pays des pauvres. Mais cette fois, il ferait attention à ne pas se faire prendre, et il remplirait enfin son satané estomac gargouillant à plein volume. La faim rendait paradoxalement plus optimiste. Ou peut-être moins réaliste, après tout. Les oreilles de l’orphe fennec se dressèrent dans toutes les directions, jusqu’à ce qu’il décide que c’était le bon moment pour attraper un gros pain posé sur l’étal et filer avec.
Ce n’était peut-être pas si le bon moment que ça, vu les hurlements qui suivirent derrière lui. Siobhán n’eut qu’à se retourner une seconde pour savoir qu’on le poursuivait, en plus de ça, et sprinta dans la rue aussi vite que son manque d’athlétisme lui permettait.