Ce que me disait indirectement Belladona était dur, terriblement dur, et pourtant je ne pouvais rien ressentir, rien montrer, et simplement laisser mon alter-ego prendre le contrôle de mon corps. Pourtant, j'avais véritablement envie de reprendre le dessus, de pouvoir corriger tout ce que cet Octanis disait et qui faisait tant souffrir la jeune plante, tout comme cela me faisait du mal, mais il fallait croire que ce n'était pas encore mon tour de contrôler cette envelopper charnelle, qu'il fallait se le partager équitablement et que pour l'instant j'avais un peu trop profité de celui-ci. Alors pour l'instant je ne pouvais que continuer de regarder cette scène déplorable que je n'aurais jamais souhaité voir, jamais vivre, et que je voulais impérativement voir se terminer.
Je m'avançais légèrement alors qu'elle reculait, gardant toujours la même distance en prévention de ce qu'elle pouvait faire. Mais je remarquais bien qu'elle cherchait à fuir, aussi je constatais que mon corps prenait un mouvement différent, et je décidais donc de lui tourner autour, comme un fauve guettant sa proie juste avant de la dévorer. Je ne la quittais pas des yeux pour autant, car au moindre mouvement suspect elle pouvait m'empoisonner et partir à la hâte.
« Je vois… En réalité, ton amie est encore pire que nous alors ? Elle veux te priver de tout contact humain, faire de toi sa captive et simplement te lobotomiser le cerveau en ne t'apprenant que ce qu'elle veux t'apprendre. » J'avais envie de m'ordonner de me taire, car cela allait encore probablement faire du mal à la jeune plante. « Elle voudrait visiblement que tu sois une plante de jardin qui ne ferait toutefois qu'obéir comme un gentil chien. Et d'ailleurs, si je ne suis pas Vilal, comment saurais-je qu'elle s'appelle Fleïana et qu'elle est une Morphe ? Comment saurais-je tout ce que vous avez fait avec Vilal ? Qu'il est recherché ? Comment saurais-je qu'il s'est blessé au pied ? Comment aurais-je pût reproduire la blessure avec autant de précision ? Que tu l'as soignée avec tes lianes et de la mousse d'arbre dont tu t'es servir comme bandage improvisé ? »
L'on pouvait ressentir de l'énervement au travers de cette voix qui n'était pas vraiment la mienne. Visiblement, Octanis n'aimait pas que Belladona ne puisse le croire, lui faire confiance, et je la comprenais dans la mesure où je ne lui faisais pas confiance moi-même. Je craignais à tout moment qu'il ne se jette sur elle et… la tue. À cette idée, je sentais encore une peine immense m'envahir, et cette fois-ci mon corps sembla enfin vouloir m'obéir partiellement, des larmes s'écoulant de mes yeux sans que je ne puisse rien faire d'autre, la douleur qui me vrillait le crâne s'intensifiant un peu. Est-ce que je commençais à reprendre le dessus ? J'aurais tellement aimé, mais je continuais de tourner autour d'elle tel un prédateur, reprenant mon monologue.
« Ksch ! Regarde, « il » est même en train de chialer, et j'ai pas franchement la gueule de l'emploi pour ce genre de truc. » Je m'arrêtais pour la fixer droit dans les yeux, dos à la rivière afin de lui barrer le passage. « Tu crois franchement qu'« il » serait dans un tel état si « il » en avait rien à foutre ? Mais à ce propos, qui a vraiment menti ? T'as dis que tu le quitterais pas, que tu l'aimais. » Ce dernier mot m'arracha une grimace involontaire. Qu'est-ce que je devais faire pour récupérer mon corps ? « Mais au final tu veux qu'il s'en aille, tu veux te retrouver seule de nouveau. Si t'as vraiment envie de le revoir, réveil-le puisqu'il est juste sous tes yeux, t'arrive déjà à le faire pleurer, alors tu devrais avoi… »
Je venais me maintenir la tête, la migraine étant visiblement physique et non pas exclusif à mon esprit. Et il semblait au final qu'Octanis ne pouvait pas avoir un contrôle trop long sur mon organisme. Allais-je bientôt pouvoir récupérer celui-ci, pouvoir m'excuser auprès de Belladona ? Pour l'instant, je serrais simplement mon poing, mes griffes se plantant dans ma peau tellement la douleur était insupportable, et je sentais du sang s'écouler de mon nez, probablement à cause du trop plein d'émotion et d'information.
Je désserrais le poing, mes griffes sortant de ma chair alors que je sentais du sang s'écouler le long de mes doigts pour attérir lourdement sur le sol. Je me penchais alors un peu plus sur elle, comme pour qu'elle voit mieux mes iris, et d'ailleurs mon regard changeait pour décrire quelque chose de plus… passionné, bien que bestial.
« Franchement… Regarde ces yeux, quand je t'ai embrassé dans la salle de bain de l'Auberge, c'est cela que tu as vu. » Je me redressais un peu, la regardant d'un air hautain que je ne voulais pas, et j'avais l'impression que j'avais déjà ressentit cela, mes yeux étant chargés de haine, mais pas envers la belladone. « Et là ? Ça ne te dit rien ? Quand vous vous êtes échappés de l'Auberge, c'était encore moi. » Est-ce que… ? « A ton avis, pourquoi il ne se souvenait de rien ? »
Mon corps soupirait, venant de nouveau déposer ma main sur mon crâne qui me vrillait. Visiblement Octanis approchait de sa limite, et j'allais enfin pouvoir reprendre mes droits sur ce corps, mais il paraissait lutter, comme si il cherchait à attendre que la jeune plante le croit enfin… Par moment, j'avais l'impression que mes pupilles reprenaient leurs droits, l'expression qui restait sur mon visage étant la douleur…