La discussion occupait les deux jeunes gens qui semblaient avoir perdu toute notion du temps. Cela était le cas pour Melan qui montrait un grand intérêt à cette femme qu'il venait de rencontrer. Sa relation avec sa mère était telle qu'il n'avait jamais eu d'autres occasions de nouer un lien avec une tierce personne. Comme le suggérait Evannély, sa relation maternelle pouvait paraître étouffante et peut-être que cela était le cas. Cependant, elle était avant tout nécessaire.
« Pas vraiment... » Commença-t-il cherchant les termes qui pouvaient rendre véritablement compte de la situation. « Je me suis toujours senti protégé en réalité. »
Il est vrai qu'il n'avait jamais ressenti la moindre rancune envers celle qui lui avait donné la vie, mais qui surtout la lui avait laissé sauve. Lorsque sa camarade de route rectifia ses dires, Melan sentit qu'elle semblait embarrassée par ses propos.
« Tu m'as dit ne pas être effrayée tout à l'heure, mais je pense que nombreux le seraient s'ils étaient amenés à vivre à ma façon. » Il lui adressa un regard rassurant, montrant par là qu'il ne s'agissait pas d'un reproche. Il respectait tout à fait son point de vue. « J'ai grandi ainsi et je me suis construit autour de ce rapport, de la même façon que nos sœurs apprennent la vie et deviennent femme lorsqu'elles deviennent autonomes. »
L'heure de présenter Evannély à sa mère approchait à grands pas. A cette idée, Melan éprouvait à la fois de la crainte et de l'excitation. Il avait peur que sa mère prenne son initiative comme une trahison. Néanmoins, il était certain qu'elle comprendrait sa démarche. Il ne pouvait vivre éternellement de la sorte sans éveiller de soupçons. Puis d'un côté, il avait hâte de découvrir les conséquences d'un tel changement. C'est comme si une porte venait de s'ouvrir devant lui.
« Paradoxalement, vivre de cette manière m'a poussé à devenir indépendante. Pour être plus exacte, je dirai plutôt que j'ai appris à vivre pour moi ainsi que pour ma mère. Je lui dois beaucoup... »
Un silence qui se voulait bon s'établit entre Melan et Evannély. Il fut étonné de remarquer que sa présence ne le troublait pas. Lui qui appréciait le calme de la nature ne se trouva pas dérangé par le bruit de ses pas ainsi que de sa respiration. Au contraire, il trouvait un certain aspect en Evannély qui correspondait à la notion d'harmonie qu'il se faisait de la nature. Cela avait quelque chose de fascinant.
« Nous sommes bientôt arrivées chez nous. » Dit-il en parlant de sa mère et lui. « Je préfère te préciser que ma mère, tout comme moi, n'est pas habituée aux visites. J'espère que tu ne seras pas offusquée par sa réaction, quelle qu'elle soit... »
Loin de là l'idée de l'effrayer en disant ceci, Melan voulait néanmoins la mettre en garde. Ils bifurquèrent sur une autre voie, quittant l'axe principal. Ils s'aventurèrent plus profondément dans les bois, donnant l'impression de quitter toute civilisation. Pourtant, au bout d'un moment, le sentier déboucha sur une petite maison. S'avançant vers celle-ci, il n'eut pas besoin de préciser à la jeune femme qu'ils venaient d'arriver.