Les messages suivants s'adressent à un public averti (scènes de violence, érotisme). Âmes sensibles, s'abstenir.
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Ils slalomèrent quelques temps entre les rochers ensevelis par le sable, délaissant peu à peu les reliefs assez doux des plages au profit des plaines en contre-haut. Là, le vent les bousculèrent plus franchement, portant avec lui de fins résidus d'embruns. Archélas s'arrêta une minute pour souffler après leur ascension. Un champ de bourraches s'étalait à leurs pieds et à perte de vue. Rajustant le sac sur son épaule, il se massa vaguement les reins à travers le cuir épais de sa brigandine et se remit en route. Mais après quelques pas seulement, il fit halte à nouveau. Un détail venait de lui revenir. Jetant un coup d'œil alentours, il porta les doigts à ses lèvres et... siffla. Une seule fois mais aussi fort qu'il en était capable.
« Vous n'avez pas de chien Ages. » cracha Chaemil en le dépassant.
Deux de ses hommes étaient avec lui et soufflaient comme s'ils avaient couru un marathon, ce qui ne devait pas être si loin de la vérité à en juger par le retard qu'ils avaient pris mais la vitesse à laquelle ils les avaient rattrapés. Ils s'arrêtèrent sur ordre de leur supérieur, restant à bonne distance de Ceithli et lui jetant au passage des coups d'œil suspicieux. Fier devant eux, Chaemil sembla hésiter une infime seconde avant de se lancer, à contre cœur manifestement.
« Soyons raisonnables, nous ne sommes plus que cinq pour cette mission... Je consens à vous pardonner vos erreurs et à vous prêter main forte. En échange, vous demanderez à votre tigre de se tenir tranquille. C'est un bon compromis. »
Archélas ne répondit pas, surpris par ce revirement. Ce n'était pas vraiment ce à quoi il s'était attendu. D'un côté, il rêvait de voir Ceithli perdre le contrôle et dévorer Chaemil sous son nez. De l'autre, il priait pour qu'elle sache se retenir d'une telle folie. Non pas pour la perte humaine, mais pour lui. Il avait besoin de pouvoir lui faire confiance en toute circonstance. En attendant, le comportement de son supérieur l'intriguait. Il ne croyait pas plus à une trêve de sa part qu'à la bonté de Livian d'Ephtéria. C'est donc qu'il devait y avoir un intéressement quelque part, et il n'était pas difficile de deviner où : leur sac, leur tente, Ceithli capable de chasser. L'envie d'envoyer son supérieur sur les roses le démangeait. L'occasion était belle, il devait le reconnaître, mais lui manquer trop ouvertement de respect risquait de l'alarmer et dans son état, Archélas préférait garder pour lui l'effet de surprise. Un duel en règle lui serait fatal, et il le savait.
« C'est un guépard, et elle fait ce qu'elle veut. Je regrette mais notre Souverain nous a désignés comme rivaux.
_ Justement, mes rivaux, je m'en débarrasse. Il serait plus avantageux pour vous deux de vous rallier à nous.
_ Et moi je choisis le risque de refuser. »
Chaemil fronça les sourcils, vexé qu'un subalterne puisse oser lui tenir tête. Mais avant qu'il ait eu l'occasion de répliquer quoi que ce soit, Archélas s'était déjà remis en route, posant sur Ceithli un regard lui signifiant de se méfier. Sur ses gardes à mesure qu'il avançait, il remarqua après un moment que Chaemil et ses hommes les suivaient à quelques mètres de distance, ce qui lui arracha un sourire. Il hocha la tête vers sa féline, ses doigts effleurant à peine son dos alors qu'elle marchait à ses côtés.
« Il faudra retourner sur la plage cette nuit, j'aurai besoin d'un terrain plus couvert que les plaines. »
Il soupira. Ses vêtements étaient encore humides et il frissonna sous la morsure du vent. Le bon côté de ce temps capricieux était qu'il finirait par sécher tout en marchant, le mauvais était que les sons étaient emportés au loin et qu'il n'entendait pas leurs poursuivants comme il l'aurait souhaité. Sans cesser de marcher, il dégaina sa rapière et grimaça d'en voir la lame perlée d'eau de mer. Le fourreau en était rempli et il dut le retourner afin de le vider et ainsi espérer en sécher l'intérieur. Il faudrait demander à Sayah de vérifier son équipement dès que possible. Les heures défilèrent jusqu'à un peu plus de midi. Le soleil redescendait mollement du zénith et Archélas dut faire une pause. Il s'assit sur un rocher plat et ôta ses bottes qui le faisaient souffrir, se massant les doigts de pieds en grimaçant.
« Ne t'inquiète pas pour moi, souffla-t-il à Ceithli. Je vais me servir de la corne d'abondance. Amuse-toi... et fais attention à toi. »