*°*°*°*°*°*°*°*°*
En voyant Nilïn fondre sur eux et se hérisser d'épines, les chevaux tressaillirent avant de bondir sur leur jambe dans un réflexe de proie acculée. Les attaches cédèrent, et le poitrail d'un demi-lourd éventra les barrières qui les maintenaient prisonniers. Bien évidemment, juste au moment où Mektild s'apprêtait à mettre le grappin sur sa monture, cela allait de soit. Ses doigts se refermèrent dans le vide lorsque l'animal qu'elle s'était choisi releva l'encolure en roulant de grands yeux terrifiés, et elle jura d'avoir manqué la bride, notant dans un coin de sa tête de faire payer cet affront au prochain équidé qu'elle pourrait attraper... Son regard se reporta sur l'ouverture béante laissée par l'une des montures en fuite. Elles ne sont pas allées bien loin, trop habituées à servir les hommes, mais leur courir après risquait d'épuiser les dernière ressources de la jeune femme. Pour le coup, ce nouvel échec rajouta une belle strate de mauvaise humeur par dessus la pile déjà bien haute de Mektild... mais elle n'était pas au bout de ses surprises ! En se retournant, elle vit Nilïn, un cheval dans chaque main... le sang de la Winghox ne fit qu'un tour. À tous les coups c'était sa faute ! Et la seconde qui suivit elle en eut confirmation.
- « Sans rire, il me fait cet honneur ? » cracha-t-elle en arrachant la bride des mains de Nilïn.
Ses jambes tremblaient, ses bras se faisaient de plus en plus lourd. Mais à quelques mètres, les soldats rappliquaient au pas de charge et il n'était pas question de traîner plus longtemps. Sans demander son reste, Mektild se hissa tant bien que mal sur le dos de son cheval – dont elle ne retînt absolument pas le nom – et le gratifia d'un coup de talon si brutal que l'animal se cabra avant de foncer droit devant lui, se défendant par moment d'une ruade furieuse. Il aurait eu un tigre sur le dos qu'il n'aurait pas filé plus vite ! Quant à Nilïn qui protégeait sa fuite, elle pouvait bien finir embrochée par sa faute que ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Sa peau d'abord, celle des autres... euh... jamais en fait. Les autres n'intéressaient pas Mektild. Et ne vous avisez pas de lui demander d'être altruiste, ou bien elle vous en colle une. En attendant, malmenée là-haut, la jeune femme tenait bon. Les rênes et les crins enroulés autour de ses poignets pour seul point fixe, elle serrait les dents sans rien contrôler ni diriger. C'était sa monture qui décidait de la direction, et ses talons qui décidaient de la vitesse. Et qu'il ne s'avise pas de ralentir, ou bien elle le rappelait à l'ordre façon « prends-ça dans les flancs »...
Et tellement concentrée sur comment rester en selle, la jeune femme ne remarqua pas qu'elle ne faisait pas route toute seule. Un rire pourtant la tira de sa léthargie, et elle se retourna. Quelle ne fut pas sa contrariété de découvrir Nilïn qui chevauchait à quelques encolures... pour un pot de colle ! Et puis qu'est-ce qui la faisait rire d'abord ? Ah ! Qu'elle était énervante !!! Et qu'elle avait envie de l'éviscérer !!! Au bout d'un long moment, sa monture devînt plus molle et bien moins réceptive à ses injonctions pour avancer plus vite. D'un autre côté, Mektild arrivait au bout de ses maigres forces. Alors lorsque la cadence dû ralentir à l'entrée d'un bois, elle remercia intérieurement Drakmonniss pour cette trêve. Et lorsqu'enfin son cheval s'arrêta, elle se laissa glisser et s'écroula littéralement au sol, le nez dans l'humus et les feuilles mortes. Du cavalier et de la monture, on ne pouvait pas dire qui soufflait le plus bruyamment... Vidée. Il n'y avait pas d'autre terme pour qualifier ce qu'elle ressentait. Sa tête tournait horriblement et elle s'en moquait. Elle pouvait bien s'évanouir, ça lui ferait des vacances. Elle en avait assez vu pour aujourd'hui... et à travers les pulsations de son cœur dans ses tempes, c'est à peine si elle entendit les petits cris de souris d'Ordalie qui se prenait pour... on ne savait trop quel animal d'ailleurs. En revanche, elle sentit distinctement les gouttes d'eau l'asperger de toute part, et elle se redressa d'un bond... enfin, sur le coude faute de mieux.
Son regard se planta sur Ordalie. Ma parole, il le faisait exprès ou... quoi... eh mais...?
Mektild se releva... non, en fait elle rampa à quatre pattes vers Ordalie, et comme avec la boîte quelques heures plus tôt, elle se saisit du poisson et se mit à tirer comme une diablesse. On aurait dit deux loups se disputant une pitance, et ne cherchez pas à savoir qui grognait le plus fort !
- « Donne-moi ça ! Donne ! DOOONNE !!! »