Siobhán jeta un coup d’œil sceptique à l’inconnue.
« Une bibliothèque ? » répéta-t-il un peu bêtement, comme si elle venait de lui annoncer quelque chose d’aussi étonnant que le fait qu’une ville ait été construit sur un crabe géant. Il aurait normalement fait un commentaire pour exposer son opinion des bibliothèques à son interlocutrice – les livres, c’était ennuyeux à mourir et pleins de poussière -, mais quelque chose l’en empêcha. Peut-être le fait qu’ils s’étaient mis à monter sur le crabe en question et que l’orphe fennec n’arrêtait pas de psychoter sur une chute éventuelle.
La montée n’était pas si dur, pourtant, et les tours de luxe dans lesquelles il s’était baladé longtemps à la Basse-ville n’enviait parfois rien à la hauteur de cette bestiole. Mais ce n’était pas pareil, mine de rien. A commencer parce qu’on se trouvait à l’intérieur, ou protégé par des rambardes et par l’immobilité complète du bâtiment. Monter sur un énorme crabe, ça semblait plus hasardeux. Qui sait s’il n’allait pas se piquer un sprint d’un seul coup et les envoyer par-dessus bord ? Il ne faisait pas trop confiance aux comportements imprévisibles des animaux. D’ailleurs, il n’aimait pas spécialement les animaux tout court. Si on lui avait pas offert ce chat, il n’en aurait jamais acheté un.
Alors pourquoi suivre cette fille là-dessus, sans même savoir ce qu’il y avait à voir ou à y faire et sans même la connaitre ? La seule réponse que Siobhán pu s’offrir à lui-même était qu’il n’avait rien de mieux à faire, et que ce machin bougeait, lui. Vers quelque part, au lieu de moisir au même endroit. C’était déjà au moins un point qui l’arrangeait bien.
Un peu avant qu’ils n’arrivent sur la carapace d’Hermesis, l’orphe eu le loisir d’admirer un peu le paysage qui s’étendait autour d’eux. Et s’il avait l’habitude de ne pas se laisser impressionner, il devait bien avouer que la vue qui n’en finissait pas de s’étaler à l’horizon était magnifique. D’autant plus avec ce coucher de soleil rougeâtre qui disparaissait, un peu comme une explosion qui éclairait la terre une dernière fois avant de les laisser dans l’obscurité. Et de fait, le temps qu’ils arrivent, il se faisait déjà assez tard pour qu’il ne reste de la ville que les lumières des foyers et le calme des soirées. Siobhán frotta ses bras énergiquement pour se réchauffer un peu. A Ohime Quinah, il faisait aussi toujours plutôt froid la nuit, mais Hermesis était en plus dans les hauteurs, et il faisait déjà pas mal frisquet alors que le soleil venait de se coucher.
Les maisons, en comparaison, avaient l’air beaucoup plus accueillantes. En tout cas pour les gens qui y habitaient et qu’on voyait à travers leurs fenêtres, en train de finir leurs repas ou de recoudre des chaussettes dans un fauteuil. Siobhán avait remarqué qu’ils passaient énormément de temps à recoudre des chaussettes, ailleurs qu’à la Basse-ville. Cela ne lui avait jamais passé par la tête qu’on pouvait faire autre chose que jeter une chaussette trouée. Au moins, à Ohime Quinah, ils ne risquaient pas de s’embêter avec ça…
Siobhán jeta un coup d’œil à la jeune femme qui l’avait accompagné jusque-là. Il ne savait pas trop quoi faire, à présent. Il fallait qu’il trouve un endroit où dormir et il n’allait sûrement pas quémander le gîte auprès d’elle. Si bien qu’il hocha la tête dans l’obscurité grandissante et se retourna complètement vers elle.
« Hé bien merci pour ça, heu… Je connais pas ton nom. » articula-t-il lentement, pas trop sûr de lui. Cela arrivait rarement, d’ailleurs, et l’orphe fronça un peu les sourcils sous le coup de ce sentiment étrange. Il attendit que l’inconnue lui dise comment elle s’appelait en attrapant son chat, qui se cala sur son épaule.
« Merci Lacrima. » répéta-t-il alors simplement, avant de s’éloigner dans la nuit.
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